Le Conseil d’État a été saisi par le Premier ministre pour étudier les conditions de la transposition de la directive 2008/52/CE du 21 mai 2008 « sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale », transposition qui doit être effectuée au plus tard le 21 mai 2011. Le Ministre a précisé vouloir éviter de faire coexister un nouveau régime issu de la directive et le régime existant en droit national.
Les conclusions et recommandations de ce rapport qui vient d’être rendu public sont résumées ci-après.
1. Les dispositions de la directive dont la transposition est obligatoire
Il ressort du rapport du Conseil d’État que la loi française satisfait déjà aux principales exigences de la directive.
Ainsi les articles 21 à 26 de la loi du 8 février 1995 et les articles 131-1 à 131-15 du Code de procédure civile organisant la médiation judiciaire, posent d’ores et déjà les principes directeurs de la médiation imposés par la directive:
– Indépendance et compétence du médiateur
– Homologation de l’accord issue de la médiation
– Confidentialité
En ce qui concerne la confidentialité, la directive prévoit cependant deux exceptions qui ne sont pas inscrites dans la loi française. Le Conseil d’État propose donc de compléter l’article 24 de la loi de 1995 en les ajoutant. Il pourrait ainsi être dérogé à la confidentialité :
– En présence de raisons impérieuses d’ordre public ou de motifs liés à la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant ou à l’intégrité physique ou psychologique de la personne.
– Lorsque la divulgation du contenu de l’accord issu de la médiation est nécessaire pour sa mise en œuvre et son exécution.
La directive impose un plus grand remaniement en ce qui concerne la médiation conventionnelle. La loi nationale devra donner une définition de la médiation et du médiateur, prévoir la confidentialité et la possibilité de rendre exécutoire l’accord résultant de la médiation. Le Conseil d’État propose donc d’ajouter à la suite de l’article 131-15 du code de procédure civile des dispositions spécifiques à la médiation conventionnelle qui disposeront que le médiateur est un tiers impartial et indépendant, compétent et probe, que l’accord issu de la médiation peut être soumis à l’homologation et que l’accord d’engagement de la médiation mentionne expressément l’accord des parties, désigne le médiateur et la durée de la mission.
Les propositions n’encadrent pas de façon stricte et réservent dès lors toute sa souplesse à la médiation conventionnelle qui garantit son efficacité. Ainsi aucune durée n’est fixée. Le Conseil d’État a considéré justement que la liberté contractuelle devait prévaloir.
Enfin, la directive prévoit la mise en place de médiations en matière administrative non régalienne. Ainsi les tribunaux administratifs se verraient octroyer en vertu des propositions du Conseil d’État le pouvoir d’ordonner une médiation, après naturellement, avoir obtenu l’accord des parties et notamment de l’administration.
En cette matière et contrairement à la médiation judiciaire civile, il est prévu que le tribunal administratif puisse à tout moment mettre un terme à la médiation.
Cette dernière proposition parait contraire à l’esprit de la médiation dont l’issue doit appartenir au médiateur ou aux parties dans le cadre défini par la loi.
2. Les dispositions de la directive dont la transposition est facultative
La directive formule des propositions qui ont pour but de renforcer l’efficacité de la médiation.
A ce titre trois types d’action sont envisageables :
– l’encouragement à l’élaboration de codes volontaires de bonne conduite et l’adhésion à ces codes ;
– l’encouragement d’autres mécanismes efficaces de contrôle de la qualité de la médiation ;
– la promotion de la formation initiale et continue des médiateurs.
Le code de bonne conduite européen a été adopté en juillet 2004. En France un code de déontologie du médiateur qui se réfère au code de conduite européen a également été élaboré par les principales organisations professionnelles de la médiation (AME, ANM, CMAP… ).
Il semble donc que les deux premières préconisations n’aient besoin d’aucune transposition légale et la proposition du Conseil d’État d’insérer un article 131-5-1 qui prévoit que le juge informe la personne physique ou l’association à qui est confiée la médiation de l’existence de ce code ne semble pas indispensable.
Le Conseil d’État examine ensuite les mécanismes proposés par la directive pour contrôler la qualité de la médiation avec le souci de préserver la souplesse et le faible coût de la procédure, garants de son efficacité.
C’est au regard de ces préoccupations que le conseil d’État écarte plusieurs propositions :
– Le contrôle par l’État au moyen d’un mécanisme d’agrément du médiateur : le conseil d’État considère que ce mécanisme est d’une part difficile à mettre en place, d’autre part va à l’encontre du principe du libre choix du médiateur par les parties et enfin que ce formalisme aboutirait à la création d’une profession réglementée, contraire à l’esprit de la directive.
– Un contrôle de compétence par un organisme privé : la lourdeur du mécanisme et encore une fois critiquée et le financement de l’organisme pourrait remettre en cause son indépendance.
– Un mécanisme de contrôle plus poussé pour les seules médiations transfrontalières : le Conseil d’État considère que cette proposition va à l’encontre de la préconisation du Premier ministre qui est de ne pas faire coexister en droit français deux régimes distincts.
Pour effectuer un contrôle efficace et souple, le Conseil d’État préconise soit un système déclaratif obligatoire, soit un système d’adhésion volontaire à des associations de médiateurs agréés. Cette deuxième proposition semble être préférée mais impliquerait la sélection limitée d’organismes et d’associations, ce qui risque de donner lieu à une guerre ouverte…
Quant à la formation des médiateurs, le Conseil d’État recommande de :
– prévoir une exigence de formation minimale assortie d’une dérogation pour les personnes justifiant d’une expérience particulière ;
– instaurer un dispositif d’agrément souple des organismes délivrant des formations à la médiation par arrêté du garde des Sceaux.
Le conseil d’État précise cependant que l’homologation d’un accord de médiation ne pourra être subordonnée à la qualité de la formation du médiateur dans la mesure où la directive prévoit qu’un médiateur d’un autre État membre, qui n’aura donc pas nécessairement suivi la formation agréée, puisse intervenir en France, au même titre qu’un médiateur français.