A l’issue d’une large consultation au niveau européen réalisée de mars à juin 2012, la Commission européenne a adopté une proposition de révision du règlement communautaire sur les procédures d’insolvabilité (Règlement n° 1346/2000) , texte applicable dès lors qu’un débiteur, qu’il s’agisse d’une personne physique ou morale, a des actifs ou des créanciers dans plus d’un État membre.

Cette proposition  vise à moderniser les règles relatives aux procédures d’insolvabilité transfrontière, afin de donner une « seconde chance » aux entreprises et de les aider à surmonter leurs difficultés financières, tout en protégeant le droit des créanciers de se faire payer.

Plusieurs orientations se dégagent de la proposition :

Élargissement du champ d’application du Règlement

Si le règlement se focalisait sur la liquidation au détriment du sauvetage du débiteur, le champ d’application de ce texte devrait être étendu aux procédures préventives de traitement en amont des difficultés (conciliation et peut être même mandat ad hoc pour la France).

Partant, entreraient désormais dans le champ d’application du Règlement, en sus des procédures basées sur l’insolvabilité du débiteur (redressement, liquidation judiciaire), les procédures relevant d’une loi sur l’insolvabilité ou l’ajustement des dettes, notamment lorsque le débiteur conserve une certaine maîtrise, mais sous la supervision et/ou le contrôle d’un syndic ou d’une juridiction (Article 1er – 1).

Devraient aussi bénéficier des dispositions du Règlement les procédures nationales hybrides ou celles qui interviennent à un stade de pré-insolvabilité de l’entreprise, telles que la nouvelle sauvegarde financière accélérée française, ou le «scheme of arrangement» britannique.

Définition de la notion de « centre des intérêts principaux »

Selon le règlement actuel, le centre des intérêts principaux du débiteur détermine la compétence juridictionnelle de l’État membre dans lequel la procédure d’insolvabilité sera ouverte. Pour les sociétés et les autres personnes morales, il est présumé que le centre des intérêts principaux correspond au lieu où se trouve le siège social. L’admission de l’ouverture d’une procédure secondaire dans un autre État membre est quant à elle déterminée par la présence ou non d’un établissement du débiteur dans cet autre État.

La proposition entend conserver le rôle déterminant joué par le critère du centre des intérêts principaux et tente de définir ce concept grâce à l’apport de la jurisprudence depuis 2000: « le lieu où le débiteur gère habituellement ses intérêts et qui est vérifiable par les tiers » (Article 2 – l).

Il s’agit donc de conditions cumulatives, et les juridictions seront désormais tenues (i) d’examiner le lieu où se trouve ce centre des intérêts principaux ; et (ii) indiquer dans les motifs de leurs jugements d’ouverture de la procédure les raisons qui les conduisent à retenir leur compétence juridictionnelle. 

Tirant les leçons de la jurisprudence de la Cour de justice, la Commission propose également aux juridictions de l’État membre sur le territoire duquel la procédure d’insolvabilité est ouverte de connaître de tout recours qui découle directement de la procédure d’insolvabilité et y est étroitement lié (Article 3 bis).

Amélioration de la coopération entre procédure principale et secondaire

Autre évolution, la proposition supprime la condition exigeant que les procédures secondaires soient nécessairement des procédures de liquidation, ce qui modifie totalement l’approche envisagée jusqu’alors et remet au goût du jour l’intérêt de ces procédures.

En outre, la Commission élargit les obligations de coopération et d’échange d’informations entre les syndics des procédures principales et secondaires. Ainsi, le syndic de la procédure principale sera entendu par le tribunal de la procédure secondaire avant que ne soit prise la décision d’ouverture (souvent le cas en pratique).

Quant au tribunal de la procédure secondaire, il devrait se voir reconnaître, sur requête du syndic de la procédure principale, la faculté d’ajourner, voire de refuser, l’ouverture d’une procédure secondaire si une telle procédure n’est pas nécessaire à la protection des intérêts des créanciers locaux (Article 29 bis).

Amélioration de la coordination des procédures d’insolvabilité concernant différentes entités d’un même groupe d’entreprises

Dans le silence du règlement, la Commission vient définir les « groupes de sociétés » comme un ensemble consistant en une société mère et des filiales, la société mère étant qualifiée par la détention d’une majorité de droits de vote et d’une influence sur la nomination et la révocation des dirigeants de la filiale (Article 2 i et j). Ce point fera sûrement l’objet de débats fournis, dans la mesure où les groupes sont les principaux utilisateurs du règlement depuis 2000.

Par ailleurs, la coordination des procédures d’insolvabilité concernant différentes entités d’un même groupe d’entreprises serait améliorée : ainsi, les juridictions et syndics devraient coopérer et communiquer entre eux alors que ce n’était à présent qu’une simple faculté (Articles 31 et 31 bis). L’objectif affiché est de permettre la proposition d’un plan de redressement (Articles 42 bis et 42 ter).
 

Amélioration des règles protégeant l’intérêt des parties

La Commission souhaite permettre à tout créancier ou à toute partie intéressée ayant sa résidence habituelle, son domicile ou son siège dans un autre État membre que celui où la procédure a été ouverte le droit d’attaquer la décision d’ouverture de la procédure principale. La juridiction qui ouvre la procédure principale ou le syndic devraient donc informer les créanciers susvisés, pour autant qu’ils soient connus, et ce dans un délai suffisant pour leur permettre d’attaquer ladite décision.

En outre, sera désormais inclut dans le règlement une obligation de publicité des décisions d’ouverture des procédures d’insolvabilité, ce qui permettra (i) d’informer les parties intéressées  sur l’état du débiteur ; et (ii) aux juridictions européennes de savoir si le débiteur fait déjà l’objet d’une procédure dans un autre État membre et donc éviter le risque d’ouverture de deux procédures principales concurrentes.

Cela concourt donc à la création d’un site européen d’informations sur la solvabilité des entreprises, très attendu des professionnels.
Enfin, il est prévu la création d’un registre électronique européen, accessible à tous, dans lequel les États membres seront tenus de faire figurer les décisions juridictionnelles qui se rattachent aux décisions transfrontières.

Amélioration des moyens aux fins de vérification du passif

Par ailleurs, la proposition envisagerait de mettre en place les mesures suivantes concernant la protection des créanciers :

  • création de la déclaration de créance électronique ;
  • utilisation de formulaires uniformisés, traduits dans toutes les langues officielles de l’Union Européenne ;
  • mise à disposition d’une liste plus détaillée des informations à fournir par les créanciers et imposition d’un délai minimum de 45 jours pour produire ses créances à compter de la publication du jugement d’ouverture (Article 39 et 40).

La Commission suggère également d’admettre la recevabilité d’une déclaration de créance formulée dans une autre langue que celle de l’État d’ouverture (Article 41), point qui fera sûrement l’objet de débats compte tenu des coûts induits pour les syndics.

Cette proposition constitue la dernière étape avant l’adoption finale par le Conseil et le Parlement européen du futur règlement sur les procédures d’insolvabilité courant 2014.

Enfin, il convient de noter que ladite proposition a été complétée par une communication du même jour invitant le Parlement européen, le Conseil et le Comité économique et social à envisager parallèlement une harmonisation des droits nationaux en matière d’insolvabilité afin de créer un environnement plus favorable aux entreprises.