Le Sénat a adopté le 14 février une proposition de loi « sur les sondages, visant à mieux garantir la sincérité du débat politique et électoral », qui doit modifier la loi du 19 juillet 1977 « relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d’opinion ». L’objectif est de garantir plus de « sincérité » et de transparence tout en préservant la liberté d’opinion.

L’adoption de cette proposition de loi entrainerait principalement les modifications suivantes.

La proposition étend le champ d’application de la loi de 1977 à l’ensemble des sondages politiques et non plus seulement dans un cadre électoral. Il s’agit de préserver la sincérité et la qualité du débat politique dans son ensemble.

Pour combler une omission de la loi de 1977, la proposition introduit une définition des sondages et ce par référence à des « enquêtes statistiques ». Il est par ailleurs précisé qu’un sondage peut porter sur des « opinions », « attitudes ou comportements » et même des « souhaits » d’une population. En outre, un sondage doit nécessairement être issu d’un échantillon « représentatif » de la population.

Le texte interdit toute forme de gratification dont bénéficieraient des personnes sondées (cela se limite aux sondages politiques). Le législateur compte sur la « vertu républicaine » des sondés, même si certains professionnels sont moins optimistes.

L’information du public est améliorée, notamment par la publication d’informations accompagnant le sondage ou présentes sur le site internet du média (lors de la première publication) parmi lesquelles :

– le nom du commanditaire mais aussi de l’acheteur final

– sur certains des éléments d’élaboration des sondages tels que : la marge d’erreur des résultats publiés, le texte intégral des questions posées

– les éventuelles observations méthodologiques de la Commission des sondages (voir ci après)

– le droit de toute personne de consulter la notice transmise à la Commission des sondages (voir ci après).

Le Rôle de la Commission des sondages est renforcé :

– Tout d’abord, les résultats ainsi que les données ayant servi à la préparation du sondage doivent lui être communiqués au plus tard 24 heures avant la publication pour lui laisser plus de temps pour réagir

– Les informations communiquées à la Commission comprennent les informations déjà visées ci-dessus et un certains nombre d’informations complémentaires et notamment :

*les critères précis de redressement des résultats bruts du sondage (élément qui a donné lieu à quelques débats de peur d’être mal compris par le public) et

*la proportion des personnes ayant refusé de répondre à l’ensemble du sondage (ce qui est nouveau) ou n’ayant pas répondu à chacune des questions.

– Toutes ces informations (notice d’information) seront accessibles à toute personne et en ligne sur le site de la commission dès la diffusion du sondage.

– La Commission peut émettre des recommandations à caractère méthodologique dans le mois précédant le scrutin, qui seront publiées et diffusées en même temps que tout sondage.

– Il y a des garanties sur la visibilité des mises au point ordonnées par la Commission des Sondage à toute époque et pas seulement en période électorale.

La composition de la Commission des sondages est modifiée et son indépendance renforcée. Elle sera dorénavant composée d’une proportion de 6 (et non 9) magistrats et de 5 (et non 2) personnalités qualifiées (des disciplines suivantes : sciences politiques, droit public, sciences sociales mathématiques et statistiques). Les magistrats seront désignés par l’assemblée générale des juridictions en question et non par l’exécutif. Les mandats ne sont pas renouvelables. Le régime des incompatibilités a été étendu à tous ses membres .Il est prévu que cette nouvelle composition entre en vigueur avant la fin des mandats en cours.

Sur le contenu des sondages, il est prévu d’introduire une nouvelle disposition régissant les sondages qui se font sur les deux tours d’une élection (et publiés avant le premier tour): dans ce cas tout sondage relatif au second tour d’une élection doit tester des hypothèses qui devront nécessairement « tenir compte » des résultats du sondage sur le premier tour. Il n’est donc pas possible d’effectuer un sondage sur le deuxième tour qui mette par exemple en concurrence des candidats qui ont obtenu un score très faible dans le sondage sur le premier tour. (Il est à noter que le législateur considère que l’expression « tenir compte » préserve une certaine souplesse pour permettre de tester plusieurs hypothèses et tenir compte des marges d’erreur lorsque les scores sont serrés).

Le texte harmonise tout en le maintenant le principe de l’interdiction de la publication de sondages électoraux ou leur commentaires à l’approche immédiate du scrutin et jusqu’à la fermeture de l’ensemble des bureaux de vote.

L’article 14 de la proposition prévoit une amende de 75.000 euros pour sanctionner en outre des cas précédemment couverts:

– le fait de commander, réaliser, publier ou laisser publier un sondage en violation de la présente loi;

– L’utilisation du terme “sondage” pour des enquêtes qui ne respectent pas les critères légaux ;

– le fait de ne pas publier une mise au point demandée par la Commission des sondages ou de le faire tardivement et/ou avec une médiocre visibilité ;

– le fait d’entraver la vérification de la Commission des sondages.

En dernier lieu la proposition de la loi prévoit une modification du Code électoral en ce qui concerne l’article L 52-2 sur l’interdiction de communiquer des résultats partiels ou définitifs avant la clôture définitive des votes, cette interdiction s’appliquant à une « communication par tout moyen que ce soit » et non plus seulement « par voie électronique » et est dorénavant punie d’une amende de 75 000 euros.