A l’occasion de procédures pénales engagées à l’encontre de MM. Escalier et Bonnarel pour non-respect de la législation française relative à la mise sur le marché, à la détention et à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques (« PPP »), la CJCE s’est vue saisie d’une question préjudicielle quant au champ d’application de la procédure simplifiée d’autorisation de mise sur le marché (« AMM »).
Rappelons à nos lecteurs peu habitués à arpenter les champs et les vignes, que les PPP sont des produits de traitement des plantes (fongicides, insecticides, herbicides) assurant leur protection, mais pouvant avoir des effets sur l’homme, la faune et la flore. Leur mise sur le marché nécessite donc une analyse préalable de leur sécurité, leur innocuité et leur efficacité (attestées par la délivrance d’une AMM).
Selon la directive du 15 juillet 1991(n°91/414/CEE, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutisues), les Etats membres prescrivent que les produits phytopharmaceutiques ne peuvent être mis sur le marché et utilisés sur leur territoire que lorsqu’ils ont autorisé le produit en cause.
Ce texte précise également qu’un Etat membre dans lequel est présentée une demande d’AMM d’un PPP déjà autorisé dans un autre Etat membre doit s’abstenir d’exiger la répétition des analyses et des tests déjà effectués (principe de proportionnalité).
En France, le code rural (article L.253-1) prévoit ainsi la nécessité d’une AMM pour la mise sur le marché, l’utilisation et la détention par l’utilisateur final des produits phytopharmaceutiques.
Mais le décret du 4 avril 2001 (n°2001-317, codifié aux articles R.253-52 à R.253-55 du Code rural) instaure une procédure dite « simplifiée » pour un PPP en provenance d’un pays de l’Espace économique européen dans lequel il bénéficie déjà d’une AMM, aux conditions cumulatives suivantes :
- le produit importé est identique au « produit de référence » ;
- le produit de référence dispose d’une AMM délivrée par le ministre chargé de l’Agriculture ;
- le produit de référence et le produit introduit sur le territoire :
ont une origine commune (fabriqués, suivant la même formule, par la même entreprise ou par des entreprises liées ou travaillant sous licence) ; ont été fabriqués à partir de la ou des mêmes substances actives ; et produisent des effets similaires.
Il s’agit là du principe applicable à la procédure simplifiée dite des « importations parallèles », laquelle dispense des tests l’importateur du produit, mais qui nécessite notamment un accord préalable -en France- du ministre chargé de l’Agriculture.
Sur l’espèce, les deux viticulteurs avaient fait usage, pour leurs besoins personnels, de produits antiparasitaires à usage agricole – essentiellement pesticides et herbicides -, en provenance d’Espagne, sans préalablement justifier d’une AMM pour la France. Ceux-ci se prévalaient du fait, d’une part, que d’autres importateurs en France avaient obtenu des AMM pour des produits de référence et, d’autre part, que l’importation n’avait pas pour finalité une mise sur le marché à des fins commerciales.
La question posée à la CJCE était de savoir si un Etat membre était en mesure d’opposer la procédure simplifiée à un opérateur, dès lors que l’importation du produit n’a pas pour finalité une mise sur le marché au sens commercial et alors que ladite procédure est personnelle et contraint l’opérateur à nommer le produit par sa propre marque et à s’acquitter d’une taxe de 800 euros correspondant à la procédure.
Après avoir rappelé que les Etats membres ne peuvent imposer une procédure d’obtention d’AMM pour un produit déjà autorisé dans un autre Etat membre, la CJCE revient sur le cas spécifique des importations parallèles et rappelle que les Etats sont tenus de vérifier que l’importation peut bien être qualifiée d’importation parallèle. En effet, ils doivent veiller au respect des obligations et des interdictions prévues par la directive. Sur demandes des intéressés, les Etats ont donc l’obligation de soumettre les importations de PPP sur leur territoire à une procédure d’examen visant à vérifier si le produit nécessite une AMM ou s’il doit être considéré comme ayant déjà été autorisé dans l’Etat membre d’importation.
En France, ce sont les DIVE (Direction du Végétal et de l’Environnement) dépendant de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments qui sont compétentes. Le demandeur doit adresser un dossier complet à l’administration, qui prend une décision dans un délai de deux mois (pour plus de précisions, consulter le site www.dive.afssa.fr.
De même la CJCE vient préciser que cette procédure étatique des importations parallèles est applicable indépendamment du but de l’importation, y compris aux agriculteurs qui importent des produits pour les seuls besoins de leur exploitation. Elle fait donc une application extensive de la notion de « mise sur le marché ».
Prenant en compte la position du gouvernement français qui n’impose pas une obligation de désigner le produits faisant l’objet de l’importation parallèle par la marque de l’opérateur, mais uniquement de mentionner le nom commercial proposé en France pour le produit, la CJCE vient également préciser qu’une telle obligation, que ce soit d’apposer la marque ou le nom commercial n’est pas justifiée par les objectifs de la réglementation.
Enfin sur la taxe à acquitter, la Cour précise que le paiement d’une somme en contrepartie de la procédure diligentée, reste admissible, tant qu’elle est fixée en adéquation avec les frais occasionnés par le contrôle ou les démarches administratives.
Cette solution stigmatise en quelque sorte la dangerosité et la suspicion des PPP et fait donc prévaloir ici des considérations de protection de l’environnement et de santé humaine et animale, puisqu’elle soumet toute importation parallèle de PPP au contrôle préalable des autorités nationales, quand bien même le produit aurait déjà fait l’objet d’une AMM dans ce pays d’importation et quand bien même il serait introduit à des fins non commerciales.