Par une décision du 6 octobre 2006 [1], le Conseil de la concurrence avait accepté les engagements du GIE Les indépendants dans le cadre d’un contentieux avec la société Canal-9 concernant l’accès par une radio locale au marché de la publicité nationale. Canal-9 se plaignait du refus d’admission par le GIE de la radio Chante France au sein du groupement. L’évaluation préliminaire réalisée par le Conseil avait alors permis de dégager des préoccupations de concurrence liées notamment aux conditions d’adhésion, de maintien et de sortie du GIE.

La procédure qui a suivi cette décision a donné lieu à de nombreuses précisions sur le régime juridique de la procédure d’engagement devant les autorités de concurrence et plus précisément sur l’accès au dossier par les parties. En ce sens, l’arrêt du 1er juin 2010 marque l’aboutissement d’une évolution lente vers un meilleur respect du contradictoire dans le cadre de cette procédure.

Canal-9, non satisfait de la décision d’engagements, introduisit alors un recours devant la Cour d’appel de Paris fondé notamment sur le non respect du contradictoire. En effet, Canal-9 critiquait la non communication du rapport administratif de l’enquête ainsi que d’un avis obligatoire du Conseil supérieur de l’audiovisuel.

Par un arrêt du 6 novembre 2007, la Cour a rejeté ce recours au motif notamment, que la question de l’accès au dossier devait-être basée sur un principe d’égalité et non d’exhaustivité. L’argumentaire de la Cour se fondait en effet sur le fait que le Conseil de la concurrence n’avait lui-même pas eu accès auxdites pièces, et que Canal-9 n’avait pas usé de son droit de communication en temps utiles.

Par un arrêt du 4 novembre 2008, la Cour de cassation a partiellement cassé l’arrêt de la Cour d’appel de Paris, énonçant dans un attendu de principe l’obligation d’accès intégral au dossier en cas de mise en œuvre de la procédure d’engagement:

Les parties « doivent avoir accès à l’intégralité des documents sur lesquels s’est fondé le rapporteur pour établir l’évaluation préliminaire et à l’intégralité de ceux soumis au Conseil pour statuer sur les engagements. Il appartient donc à la Cour d’appel, saisie par une partie d’une demande tendant à l’annulation de la décision du Conseil faute pour elle d’avoir eu accès à l’intégralité du dossier, de vérifier, au besoin d’office, si le défaut de communication de certaines pièces a porté atteinte à ses intérêts » [2] .

Pour la Cour de cassation, la seule justification pour restreindre l’accès au dossier est la protection du secret des affaires. Elle en conclut que le principe du contradictoire n’avait donc pas été respecté en l’espèce.

La Cour d’appel de Paris a donc réexaminé cette affaire sur renvoi, et en deux temps. Par un premier arrêt en date du 6 octobre 2009, la Cour invitait le Conseil de la concurrence (devenu entre temps l’Autorité de la concurrence) à transmettre les pièces non communiquées et les parties à se prononcer à leur sujet ; et par un deuxième arrêt, en date du 1er juin 2010 [3] confirmait le droit à l’accès intégral au dossier.

La Cour a ainsi pris soin cette fois de vérifier si le défaut de communication avait porté concrètement atteinte aux droits des parties, tel que prescrit par la Cour de cassation. En l’espèce la Cour décide que tel n’est pas le cas. Il aurait en effet fallu qu’en cas de communication de l’ensemble des pièces, les engagements ne soient pas adoptés ou aient un contenu différent.

La Cour juge qu’en l’espèce au vu des trois critères soulevés par Canal-9 (conservation des équilibres régionaux, indépendance vis-à-vis des réseaux nationaux ou encore sur les dispositions relatives aux modalités de sortie du GIE), la communication desdites pièces n’aurait pas conduit à une décision différente du Conseil sur les engagements.

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[1] Conseil de la concurrence, 6 octobre 2006, décision n° 06-D-29.

[2] Cour de cassation, chambre commerciale, 4 novembre 2008, pourvoi n° 07-21.275, Sté Canal 9 c/ GIE Les indépendants

[3] CA Paris, 1 juin 2010, Sté Canal 9 c/ GIE Les indépendants, RG 2008/21057