Décret n° 2009-1524 du 9 décembre 2009

Nous avions en janvier 2008, dans un article de La Revue (« Les nouvelles compétences du juges de la mise en état »), fait le point sur les pouvoirs du juge de la mise en état régis par le nouvel article 771 du Code de Procédure Civile et avions relevé les questions qui restaient en suspens, notamment la compétence exclusive du juge de la mise en état sur le sursis à statuer.

Le Décret du 9 décembre 2009 sur la réforme de la procédure d’appel fait suite au rapport remis au garde des Sceaux en juin 2008 par la mission Magendie.

Autant la procédure d’appel est réformée dans une large mesure (voir « La nouvelle procédure d’appel ») pour permettre de réduire les délais de procédure, autant les pouvoirs du Conseiller de la mise en état n’ont pas été profondément modifiés.

Ce sont surtout les lacunes du décret qu’il est intéressant de souligner.

Il ne précise toujours pas si le conseiller de la mise en état est compétent pour statuer sur une exception de procédure relative à la première instance. La deuxième Chambre de la Cour de cassation avait écarté cette possibilité dans un arrêt du 7 mai 2008, ce qui signifie que les exceptions touchant à la saisine du premier juge ne peuvent être abordées qu’après la clôture par la Cour statuant au fond.

Cette solution manque de logique puisque l’accroissement des pouvoirs du juge de la mise en état, et notamment du conseiller de la mise en état, a pour objet de purger les exceptions pendant la mise en état de la procédure, avant que l’affaire ne soit soumise à la Cour, statuant sur le fond du dossier.

De même le décret ne se prononce toujours pas sur la qualification du sursis à statuer dont il n’est toujours pas établi qu’il relève de la compétence du juge de la mise en état ou du juge du fond. En effet, selon qu’il est qualifié d’exception ou d’incident, il ne relève pas du même juge.

L’article 771 du Code de procédure civile prévoit que le juge de la mise en état est compétent pour statuer sur les exceptions de procédure et sur les incidents qui mettent fin à la procédure. Or, le sursis à statuer ne met pas fin à la procédure mais a pour objet de la suspendre dans l’attente de la survenance d’un évènement, susceptible d’influencer l’instance en cours.

S’il eut été préférable que le récent décret se prononce définitivement sur cette question, la jurisprudence semble de son coté avoir pris son parti. Pour rappel, en réponse à une question, le service de documentation et d’études de la Cour de cassation avait indiqué qu’il considérait le sursis à statuer comme une exception au sens de l’article 73 du Code de Procédure civile, «sous réserve de l’appréciation de la Cour de cassation si elle est saisie d’un pourvoi sur cette question ».

Si la Cour d’appel de Paris avait considéré dans un arrêt du 11 mai 2007 que le sursis à statuer ne relevait pas de la compétence exclusive du juge de la mise en état, les juges du fond semblent avoir suivi l’avis de la Cour de cassation :

Dans un arrêt du 27 octobre 2009, la Cour d’appel de Bordeaux a jugé que :

« L’exception de sursis à statuer fondée sur les dispositions de l’article 4 du Code de procédure pénale, tendant à faire suspendre le cours de l’instance, constitue, au sens de l’article 73 du Code de procédure civile, une exception de procédure. Selon l’article 771 du Code de procédure civile, le juge de la mise en état est seul compétent pour statuer sur une demande de cette nature et, en application de l’article 775 du Code de procédure civile, son ordonnance a alors au principal l’autorité de la chose jugée. En l’espèce, il a été définitivement statué sur cette exception de procédure, le juge de la mise en état ayant déjà rejeté cette demande de sursis à statuer. Une nouvelle demande de sursis à statuer, à défaut de tout élément nouveau, est irrecevable ».

Cependant il existe indéniablement des risques de confusion. Dans un arrêt du 25 juin 2007 la Cour d’appel de Pau indiquait :

« Les incidents mettant fin à l’instance visés par l’article 771 du Nouveau Code de procédure civile sont des incidents de procédure visés aux chapitres III et IV du titre IX relatif aux incidents d’instance, à savoir le sursis à statuer, la radiation, le retrait du rôle, la péremption, le désistement, la caducité et l’acquiescement. Les fins de non-recevoir ne sont pas des incidents mettant fin à l’instance dans la mesure où elles atteignent le droit lui-même et non la procédure ».

La Cour d’appel de Pau considère donc que le sursis à statuer est soumis à l’article 771 du Code de Procédure Civile mais le range dans la catégorie des « incidents mettant fin à l’instance ».
Le Décret a manqué l’occasion de mettre un terme définitif à la confusion, génératrice d’insécurité juridique.