Cass. Civ. 3ème 01/07/2009, n°08-16724

La Cour de cassation vient de rejeter l’action en payement du sous-traitant dans un attendu qui rappelle la force obligatoire des conventions de l’article 1134 du code civil (supériorité hiérarchique des stipulations contractuelles).

Par un contrat de sous-traitance, une société avait fait réaliser plusieurs lots d’un ouvrage public par un groupe de sous-traitants. Après réception des travaux, ladite société entrepreneur principal, refuse de régler les sommes réclamées par les sous-traitants sur la base des situations définitives présentées le 31 juillet 2003, parce qu’ils n’ont pas contesté dans le délai contractuel de 120 jours son propre décompte, adressé le 13 juin 2001.

Les sous-traitants assignent l’entrepreneur principal en payement mais sont déclarés forclos. Précisons que le contrat, dans ses stipulations, érigeait un ordre de priorité entre les documents formant le marché et plaçait le contrat lui-même au sommet de la pyramide et n’imposait aucune forme particulière de notification pour l’envoi du décompte (exemple : lettre recommandée avec accusé de réception), contrairement à la norme AFNOR NF P 03-001, notamment dans son article 4.4.1 al.5 sur la sous-traitance qui faisait partie desdits documents.

Cette application de l’article 1134 du code civil qui impose la force obligatoire des conventions entre les parties, motive principalement, dans cette action en payement, l’exclusion au profit du contrat, de la norme AFNOR imposant des formes d’envoi que le contrat ne prévoyait pas.
Arguments, d’ailleurs, exposés par la haute juridiction, de façon moins laconique, qui paraît donner un sens pédagogique à cet arrêt d’espèce, dans son attendu de rejet :

« Mais attendu qu’ayant relevé que le contrat de sous-traitance stipulait un ordre de priorité entre les documents formant le marché et que ce contrat, placé en première position, ne prévoyait pas de mise en demeure des sous traitants par l’entrepreneur principal préalablement à l’établissement du décompte définitif en cas de carence des sous-traitants à l’établir eux-mêmes, ni de forme particulière de notification pour l’envoi de ce décompte qui devait être contesté dans un délai de 120 jours de sa transmission, et que le décompte avait été adressé aux sous-traitants qui ne le contestaient pas, le 13 juin 2001 par lettre simple, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à une recherche sur la contradiction des documents du marché que ses constatations rendaient inopérante et qui n’a pas donné à l’absence de contestation du décompte la portée d’un aveu judiciaire, a pu, abstraction faite d’un motif surabondant relatif à l’absence d’application de la norme AFNOR P 03001 aux relations entre l’entrepreneur principal et les sous-traitants, retenir que la société Léon Grosse n’était pas tenue d’adresser le décompte au mandataire commun des sous-traitants, par lettre recommandée avec accusé de réception, que le décompte daté du 15 février 2000 avait été régulièrement transmis le 13 juin 2001 après réception des travaux et que faute pour les sous-traitants, de l’avoir contesté dans le délai contractuel de 120 jours ceux ci étaient forclos pour le faire »

On retiendra donc de cet arrêt la réaffirmations de la primauté hiérarchique des stipulations contractuelles en matière de contrat de sous-traitance sur les autres documents du marché, en l’occurrence les conditions générales du contrat-type de sous-traitance (CCAG travaux) et la norme AFNOR.

Ce point doit interpeller les rédacteurs des contrats dont les stipulations, en cas de litige, constitueront les repères premiers. Surtout à considérer l’utilité pratique de la sous-traitance et la place qu’elle occupe dans l’économie du droit de la construction. Ainsi est-elle évaluée, en moyenne dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, à un chiffre d’affaires annuel, voisin de 15 milliards d’euros(cf. Jean-Bernard Auby « Droit de l’urbanisme et la construction » 8ème éd. Montchrestien p.583).

Toutefois, ce refus, de la part de la Cour de cassation de tenir compte des normes AFNOR, paraît contestable. Les normes AFNOR constituent un cahier des charges d’une valeur supplétive permettant d’encadrer les insuffisances des signataires. De plus ces normes sont censées porter les usages de la profession qui ont généralement les faveurs de la Haute juridiction. Cet arrêt reflète une image floue! Parce qu’à supposer que les sous-traitants prétendent qu’ils n’avaient pas reçu le décompte, comment pourrait-on établir la preuve contraire, puisque qu’aucune forme de transmission n’était stipulée dans le contrat et que la notification par lettre simple ne permettait pas de le démontrer?