Le tribunal arbitral du sport ou TAS défraie régulièrement la chronique lors d’affaires de dopage (le cycliste Floyd Landis, dont l’audience a commencé le 19 mars dernier, le nageur Ian Thorpe, le joueur de tennis Mariano Puerta, l’athlète Tim Montgomery etc.) ou à l’occasion de transferts de joueurs, généralement dans le milieu du football. Cela a été le cas, par exemple, du transfert de l’international français Mathieu Flamini de L’Olympique de Marseille à Arsenal en juillet 2004 ou encore de la récente sentence Wigan Athlectic c/ Heart of Midlothian ("l’affaire Andy Webster"), qui fait voler en éclats le système de transfert de joueurs difficilement élaboré par la FIFA post-Bosman ; décision sur laquelle nous reviendrons le mois prochain.

Ces jours-ci le tribunal apparaît de nouveau dans la presse spécialisée, suite à l’élection le 3 avril, du nouveau président du TAS Mino Auletta (Italie). L’un des favoris était pourtant Richard (dit « Dick ») Pound, mais il est vrai que certaines de ses déclarations à la tête de l’Agence mondiale antidopage, ont donné lieu à des controverses. L’occasion pour nous d’effectuer une brève présentation de cette institution encore méconnue du grand public, mais dont l’activité s’est pourtant fortement accrue depuis ses débuts.

Alors qu’en 1986, ce tribunal arbitral n’avait été saisi que d’une affaire, 204 affaires ont été portées devant lui en 2006. Ce succès fulgurant est dû principalement à l’avènement du sport-business dès les Jeux Olympiques de Los Angeles en 1984, où Coca-Cola par exemple n’a pas hésité à investir presque $30 millions en parrainage. La multiplication des contentieux en matière sportive, due en partie à l’accroissement de flux financiers dans le sport, a conduit les plus hautes instances sportives à s’intéresser, dès le début des années 1980, à la mise en place d’une juridiction spécialisée dans ce type de litiges. C’est ainsi qu’en 1981, peu après son élection à la présidence du Comité international olympique, M. Juan Antonio Samaranch a émis l’idée de créer un tribunal arbitral spécifique au monde du sport. Un an après, un groupe de travail fut donc institué afin de préparer les statuts de ce nouveau tribunal. C’est ainsi que le TAS, dont les statuts entrèrent en vigueur le 30 juin 1984, vit le jour.

1 – Les instances au sein du TAS

Le TAS, dont le siège est à Lausanne, comprend deux formations: une Chambre d’arbitrage ordinaire pour les litiges soumis au TAS en qualité d’instance unique et une Chambre arbitrale d’appel pour les litiges résultant de décisions prises en dernière instance par des organismes sportifs. Les arbitres, qui doivent être des « personnalités ayant une formation juridique et une compétence reconnue en matière de sport », sont désignés par le Conseil International de l’Arbitrage en matière de sport (CIAS – voir ci-dessous) pour une période renouvelable de quatre ans. Ils doivent exercer leur fonction en toute objectivité et indépendance.

Le CIAS a pour tâche de sauvegarder l’indépendance du TAS et les droits des parties. Il assure l’administration et le financement du TAS. En effet, bien que le Tribunal Fédéral suisse, par une décision du 15 mars 1993, ait affirmé que le TAS était un véritable tribunal arbitral, les liens étroits existant à ses débuts entre le TAS et le CIO au niveau financier et organisationnel étaient l’objet de critiques. Ainsi, le CIAS fut créé dans le but d’émanciper le TAS de la tutelle du CIO.

La création du CIAS et celle du TAS nouvelle version furent consacrées à Paris le 22 juin 1994 par la signature de la convention relative à la constitution du Conseil International de l’Arbitrage en matière de Sport dite « Convention de Paris ». Cette convention régit la nomination des premiers membres du CIAS et organise le financement du TAS. Depuis la signature de cette convention, toutes les fédérations olympiques internationales (à l’exception d’une seule) ont inséré dans leurs statuts une clause d’arbitrage en faveur du TAS. Aussi, l’organisation et les procédures d’arbitrage du TAS sont régies depuis le 22 novembre 1994 par le Code de l’arbitrage en matière de sport.

Les chambres ad hoc: en 1996, le CIAS avait créé pour la première fois une Chambre ad hoc du TAS; celle-ci avait alors pour mission de trancher de manière définitive, et en seulement 24 heures, les litiges survenant pendant les JO d’Atlanta. En 1998, le CIAS renouvela l’expérience en mettant sur pied deux nouvelles chambres ad hoc du TAS : l’une pour les JO d’hiver de Nagano, l’autre pour les jeux du Commonwealth à Kuala Lumpur en Malaisie. Plus récemment, l’UEFA sollicita le TAS pour créer une chambre ad hoc à l’occasion du Championnat d’Europe de football en 2000. Ces chambres ad hoc connaissent un succès croissant comme en témoigne le nombre d’affaires dont a été saisie par exemple la chambre ad hoc constituée à l’occasion des JO de Sydney: elle eut à connaître de 15 affaires, soit presque une par jour.

2 – La compétence du TAS

Toute personne physique ou morale peut saisir le TAS: athlète, club, sponsor, société de télévision, fédération sportive etc., dès lors qu’elles sont liées par une convention d’arbitrage qui le désigne. Elles peuvent en avoir convenu par écrit dans un accord isolé mais cette désignation peut aussi être contenue dans les statuts d’un organisme sportif, ce qui est généralement le cas.

Le TAS connaît des affaires qui ont un lien direct ou indirect avec le sport. Plus précisément, il s’agit de litiges de deux types:

  • les litiges de nature commerciale; et
  • les litiges de nature disciplinaire.

Les litiges commerciaux recouvrent les litiges portant par exemple sur les transferts de joueurs, sur la vente de droits de télévision, sur l’exécution de contrats de sponsoring ou encore sur l’organisation de manifestations sportives. Quand le TAS est saisi de telles affaires, il agit en qualité d’instance unique. Mais, les litiges commerciaux ne constituent pas la plus grande activité du TAS, puisqu’il a été estimé que 65% des affaires traitées par le TAS concernaient des affaires disciplinaires et, principalement, des affaires de dopage.

3 – La procédure devant le TAS

A. Procédure ordinaire et procédure d’appel
Plusieurs procédures sont applicables devant le TAS selon le type de litige dont il est saisi. Ainsi, la procédure d’arbitrage ordinaire ou de médiation est applicable aux litiges résultant de relations contractuelles ou d’actes illicites alors que la procédure arbitrale d’appel est appliquée aux litiges portant sur des décisions d’instances sportives. Il existe aussi une procédure consultative qui permet à certains organismes de demander – en dehors de tout contentieux – un avis consultatif au TAS sur toute question juridique relative à la pratique, au développement du sport ou à toute autre activité relative au sport. Toutefois, cet avis, consultatif, émis par le TAS n’a aucune valeur contraignante et les acteurs du monde du sport ont peu recours à cette procédure.

Si une partie souhaite saisir le TAS, elle doit soumettre une requête d’arbitrage ou une déclaration d’appel dont le contenu est décrit dans le Code de l’arbitrage en matière de sport. Concernant la procédure d’appel, une partie ne peut interjeter appel que si elle a épuisé toutes les voies de recours internes de la fédération sportive.

B. La règle: 3 arbitres
L’arbitrage est soumis à une formation de trois arbitres, mais un arbitre unique peut être désigné à la condition que les parties soient d’accord et que le TAS estime que ceci est plus approprié au regard de la nature et de l’importance de l’affaire. Aujourd’hui, le TAS compte près de 300 arbitres qui connaissent d’environ 22 affaires par an. Parmi eux, on peut citer quelques personnalités actives dans le monde du sport:

  • M. Alasdair Bell, ancien associé chez Hammonds;
  • M. Martin Kirsch, ancien Directeur du Cabinet du Ministre des Sports;
  • M. Paul Mauriac, avocat et ancien joueur de rugby, conciliateur au Comité National Olympique et Sportif Français;
  • M. Richard McLaren, professeur de droit à Montréal et spécialiste internationalement reconnu de la lutte anti-dopage;
  • M. Denis Oswald, avocat, membre du CIO et médaillé olympique; et
  • M. Jean-Pierre Quéneudec, professeur émérite de l’Université Panthéon-Sorbonne (Paris I).

C. Droit suisse
Dans l’arbitrage ordinaire, les parties conviennent librement du droit applicable au fond du litige et, à défaut d’accord, c’est le droit suisse qui s’applique. Dans la procédure d’appel, les arbitres statuent selon les règlements de l’organisme sportif concerné par l’appel et, subsidiairement, selon les règles de droit choisies par les parties ou le droit du pays dans lequel l’organisme sportif a son domicile.

D. Délais
Après le dépôt de la requête d’arbitrage ou de la déclaration d’appel, le défendeur soumet une réponse au TAS. Après un échange de mémoire supplémentaire, les parties sont appelées à une audience afin d’être entendues. Puis, le TAS rend sa sentence, soit le jour même (dans la procédure d’appel), soit quelques semaines plus tard.

La procédure ordinaire dure entre 6 et 12 mois mais la procédure d’appel est plus rapide car la sentence doit être rendue dans les quatre mois à compter de la déclaration d’appel. En cas d’urgence et sur requête, le TAS peut, à bref délai, ordonner des mesures provisoires ou suspendre l’exécution d’une décision dont il est fait appel.

E. Confidentialité
La procédure d’arbitrage ordinaire est confidentielle, mais la procédure d’appel ne prévoit pas de règles particulières de confidentialité, même si les arbitres y sont toutefois soumis.

F. Une sentence reconnue internationalement
Une sentence rendue par le TAS est définitive et obligatoire pour les parties à compter de sa communication. Sa reconnaissance et son exécution ont lieu conformément aux règles prévues par la Convention de New York pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères qui a été signée par plus de 125 pays.