La plupart des dispositions du règlement Digital Services Act ou « DSA » (règlement (UE) 2022/2065 du 19 octobre 2022 visant à réguler les services numériques) entreront en vigueur le 17 février 2024[1]. Toutefois, dès le 17 février 2023, les fournisseurs de plateformes en ligne et de moteurs de recherche en ligne doivent publier des informations sur la moyenne mensuelle des destinataires actifs de leur service dans l’Union, dans une section accessible au public de leur interface en ligne et cette information doit être mise à jour tous les 6 mois.

En effet, le DSA discrimine entre les grands et les petits en imposant des obligations plus lourdes aux « très grandes plateformes » et « très grands moteurs de recherche » (plus de 45 millions de destinataires).

Face aux nombreuses questions des acteurs de l’internet sur l’application pratique de cette nouvelle obligation, la DGConnect (direction générale des réseaux de communication, du contenu et des technologies de la Commission Européenne) a publié le 1er février dernier un Q&A « sur l’identification et le calcul du nombre de destinataires actifs du service ».  Nous résumons ci-dessous ce Q&A qui n’a pas de valeur contraignante mais apporte des précisions utiles.

A qui s’impose cette obligation ?

La plateforme en ligne est une sous-catégorie d’hébergeur qui stocke et diffuse au public des informations à la demande des utilisateurs. Toutes les plateformes permettant aux utilisateurs de publier et d’interagir avec du contenu sont visées (réseaux sociaux, marketplaces, peer-to-peer). N’entrent pas dans cette catégorie les fournisseurs de service offrant seulement une fonctionnalité mineure et purement accessoire de stockage et de diffusion (article 3 i) DSA).

Le moteur de recherche en ligne est un service permettant aux utilisateurs de formuler une requête afin de réaliser une recherche sur n’importe quel sujet, sur tous les sites internet, dans une langue donnée ou non. Cette requête peut être faite sous la forme d’un mot-clé, d’une demande vocale, d’une expression ou d’une autre entrée. Les résultats peuvent être présentés sous tout type de format et permettent de trouver des informations relatives au contenu demandé (article 3 j) DSA).

Comment calculer le nombre moyen de « destinataires actifs » ?

 Le DSA définit ainsi le destinataire actif :

  • pour les plateformes en ligne : un destinataire du service qui a été en contact avec une plateforme en ligne, soit en demandant d’héberger des informations, soit en étant exposé aux informations hébergées par la plateforme et diffusées via son interface en ligne (article 3 p) DSA).
  • pour les moteurs de recherche en ligne : un destinataire du service qui a soumis une requête au moteur de recherche et a été exposé aux informations indexées et présentées sur l’interface (article 3 q) DSA). 

Le considérant 77 du DSA et le Q&A apportent les précisions suivantes.

Pour les plateformes en ligne : il faut inclure tous les destinataires qui ont effectivement participé au service au moins une fois au cours des 6 derniers mois. Il suffit que le destinataire soit exposé à des contenus diffusés sur l’interface ou fournisse du contenu à afficher sur la plateforme.

  • Il n’est pas nécessaire que la personne soit enregistrée ou ait effectué une transaction.
  • Sont inclus tous les destinataires qui participent au service, par exemple en visionnant ou en écoutant des contenus diffusés sur la plateforme en ligne ou en fournissant de tels contenus, par exemple, en vue de vendre ou de promouvoir un produit ou un service.
  • Sont également inclus les annonceurs tiers, c’est-à-dire les bénéficiaires qui interagissent avec les services du fournisseur en demandant de stocker et de présenter leur publicité. 
  • Lorsque la plateforme en ligne est « hybride » c’est-à-dire qu’elle propose ses propres produits ou services parallèlement à des produits et services de tiers, tous les destinataires du service doivent être comptabilisés.
  • Dans le cas des plateformes de vente, les consommateurs et les professionnels doivent être inclus. Cela comprend l’utilisateur qui consulte des listes de produits ou services, même lorsqu’il décide finalement de ne pas acheter.

Pour les moteurs de recherche : il faut inclure tous les destinataires uniques qui utilisent activement le service.

  • Sont inclus ceux qui consultent les informations, y compris en utilisant d’autres interfaces en ligne, tels que d’autres sites, applications ou l’accès par URL et nom de domaine ; mais dans ce cas, l’utilisateur ne doit être comptabilisé qu’une fois, dans la mesure du possible.
  • Sont exclus les propriétaires des sites indexés et les autres fournisseurs de services intermédiaires mettant à disposition les informations du moteur de recherche de manière indirecte, par lien ou par indexation.

Dans tous les cas, les intermédiaires devraient éviter, dans la mesure du possible, le double comptage. Toutefois, le DSA n’impose pas de mettre en place un outil / robot pour éviter le double comptage et la plateforme ou moteur de recherche ne devrait pas en mettre un en place juste pour ce faire (pour des raisons de protection des données personnelles).

Où publier cette information ?

Le DSA indique que l’information doit être publiée dans « une section accessible au public de l’interface en ligne de leur plateforme en ligne » (article 24§2 DSA).

Le Q&A rajoute un peu au texte en indiquant que « le fournisseur devrait veiller à ce que ces informations soient facilement disponibles et accessibles sur leurs interfaces en ligne » (souligné par nous).

Faut-il notifier ces chiffres à une autorité ?

Le DSA n’impose pas aux fournisseurs de plateformes en ligne et de services de moteurs de recherche en ligne de notifier ces chiffres, à moins qu’ils ne soient expressément invités à le faire par les autorités en charge. Il s’agira en principe de l’ARCOM pour la France et de la Commission pour l’UE. Les fournisseurs devront alors transmettre les chiffres les plus actualisés et pourront se voir demander des informations sur le calcul réalisé pour les obtenir et les données utilisées. Celles-ci devront faire abstraction de toutes données à caractère personnel.

Le Q&A énonce que dans « un souci de transparence et afin de faciliter le contrôle du respect de la législation sur les services numériques au cours de la période initiale de son application, tous ces fournisseurs sont encouragés à communiquer ces informations à la Commission en utilisant la boîte fonctionnelle spécifique: CNECT-DSA-Registry@ec.europa.eu et au coordinateur pour les services numériques compétent de l’État membre de leur établissement (…). »

Nous contacter

Nous sommes à votre disposition pour analyser et mettre en œuvre les nouvelles exigences relatives au DSA. Pour plus d’informations, veuillez contacter catherine.muyl@squirepb.com et marion.cavalier@squirepb.com.

Merci à Helena Gavrilov pour sa participation à la rédaction de cet article


[1] Sauf pour les très grandes plateformes et très grands moteurs de recherche, pour lesquels le DSA s’appliquera quatre mois à compter de leur désignation par décision de la Commission, si elle intervient avant le 17 février 2024 (article 92 du DSA).