J’ai assisté le 26 mai à l’une des séances du premier tour de la conférence du stage, ce concours d’éloquence qui sélectionne, parmi des centaines d’avocats, les douze qui se sont distingués dans l’année par leur humour, leur force de conviction, leur pertinence, leur diction.

Ce soir là, les deux sujets étaient « peut-on défendre impunément ? » et « la victime doit elle avoir peur de la vérité ».

L’invité était Monsieur Xavier Magné, ancien bâtonnier du barreau de Bruxelles, qui avait accepté de défendre Marc Dutroux à la fin de sa carrière.

Le rapporteur de la séance, 5ème secrétaire de la conférence, a fait l’éloge de Monsieur le Bâtonnier Magné, a expliqué combien la défense dans un cas extrême comme celui-là pouvait être dangereux pour l’avocat, qui s’est trouvé confronté à la haine, à l’incompréhension, à l’éloignement de ses proches.

Quand Xavier Magnié s’est levé, ce n’est pourtant pas pour s’étendre sur l’injustice de sa situation, mais pour s’indigner de la façon dont le dossier avait été traité en Belgique. Monsieur le Bâtonnier Magnié, imprégné encore aujourd’hui avec passion et douleur de cette affaire, a plaidé à nouveau le dossier devant nous, a raconté encore combien la gendarmerie était coupable d’avoir surveillé pendant des mois la maison de Dutroux sans perquisitionner, niant la présence des enfants dont tout laissait supposer qu’ils s’y trouvaient, pour justifier leur passivité. Ignorant les voix d’enfants quand enfin ils décident de perquisitionner la maison pour un vol de camion. Attendant enfin le rapt d’un nouvel enfant pour intervenir sur un flagrant délit.

Monsieur le Bâtonnier Magnié dénonce encore l’impasse faite sur un pan entier de l’affaire, ces indices qui laissaient supposer que d’autres personnes étaient impliquées dans le rapt des enfants et que Marc Dutroux n’agissait pas seul mais au sein d’un réseau.

Monsieur le Bâtonnier Magnié a du refaire sa plaidoirie devant nous parce qu’à l’époque personne ne l’a écouté, ni les juges, ni les journalistes. Tous voulaient juger Dutroux, personne ne voulait juger la Belgique.

L’indignation de Monsieur Magnié ne s’est pas tarie et en dépit de tout ce qu’il a perdu dans cette affaire, il est encore convaincu qu’il ne faut pas se taire, qu’il faut continuer à lutter pour la vérité.

Le cliché de l’avocat pénaliste est transcendé par Monsieur Magnié qui une fois l’affaire close continue à se battre, quitte à mettre à nouveau sa réputation en jeu, pour défendre ce qu’il a conviction d’être la vérité.