Une œuvre brève et fulgurante, à l’image de la courte existence de son auteur, qui choisit d’y mettre fin en 2009, à l’âge de 48 ans. Personnage hors du commun assurément, dominé par l’instinct de mort, qui fait de lui un très jeune reporter de guerre s’exposant sur plusieurs théâtres d’opérations.
« Ceux qui vont mourir » [1] est l’écho le plus percutant de ce face à face voulu avec la mort. Placé sous le signe de L.F.Céline et de Nimier, ses maîtres avec Kierkegaard et Montherlant, ce roman est fait d’un récit qui s’adresse au sniper qui a massacré un bras au narrateur (c’est arrivé à l’auteur) et de lettres que ce dernier écrit au fils que lui a donné la femme libanaise dont il est amoureux. L’écriture de Marchand est un jaillissement de métaphores audacieuses qui se bousculent frénétiquement pour évoquer avec la même puissance l’absurdité de vivre, l’horreur de la souffrance et la rage d’aimer, dans un lyrisme parfois barbare.
La même fougue créatrice anime « J’abandonne aux chiens l’exploit de nous juger » [2] . L’auteur dit se faire l’interprète d’une admiratrice qui lui aurait confié le secret de son amour. C’est avec une innocence de propos que souligne un style plus épuré mais toujours éblouissant que nous est révélé le sentiment interdit d’une fille pour son père qui le partage. Ni voyeurisme, ni exhibition, simplement l’évidence d’une passion totale incoercible qui fait fi du tabou.
« Le Paradis d’en face » [3] est la troublante aventure d’un jeune Helvète en stage administratif à Paris qui accepte, pour ne pas briser les illusions de sa vieille voisine, d’emprunter l’identité du fils défunt de cette dernière. S’ajoute ici à la peinture très touchante d’une tendre amitié entre les deux protagonistes, la découverte non dénuée d’ironie de l’univers de la Préfectorale et de la vie des Parisiens. C’est aussi un roman d’apprentissage où le narrateur évoque son enfance, son éducation, sa maladie, ses amours, tout cela d’une plume rapide, sensible et caustique à la fois.
Citons simplement pour mémoire « Sympathie pour le diable » [4] le premier livre de Paul M. Marchand qui n’est pas réédité à ce jour. On ne peut que le regretter après la lecture des trois autres titres qui font découvrir un styliste exigeant et accompli et, sans doute, une personnalité originale, sulfureuse et provocatrice, loin de l’eau tiède qui ne manque pas d’alimenter généreusement les fleuves immenses de la rentrée littéraire.
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[1] Grasset 2001
[2] Grasset 2002, Le Livre de poche 2005
[3] Grasset 2007
[4] Lanctôt Montréal 1997, J’ai lu 2001 (épuisé)