Il ressort de l’arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 24 avril 2013 qu’un employeur ne peut décider unilatéralement de rétrograder un salarié, embauché en tant que chauffeur-déménageur, au motif qu’il n’est pas titulaire du permis de conduire.
En l’espèce, une société de déménagement avait embauché un déménageur par un contrat de travail à durée indéterminée visant très clairement la nécessité d’être titulaire d’un permis de conduire en cours de validité. En effet, il était précisé que le salarié se verrait confier « la conduite de divers véhicule […] dans toute la France voire même à l’étranger ». D’autre part, le salarié s’engageait par ce contrat « à faire connaître sans délai tout changement qui interviendrait dans sa situation concernant […] toute suspension de son permis de conduire ».
Un mois après l’embauche du salarié, l’employeur s’était aperçu que le salarié avait menti lors de son recrutement et n’était en fait pas titulaire du permis de conduire. Il l’a alors rétrogradé au poste d’aide déménageur, fonction moins bien rémunérée ne nécessitant pas d’avoir le permis de conduire. Bien qu’il n’ait pas signé le nouveau contrat de travail proposé par l’employeur, le salarié a occupé ses nouvelles fonctions pendant huit mois sans émettre aucune protestation.
Le salarié a par la suite saisi le Conseil des prud’hommes et formulé divers griefs, parmi lesquels le non-respect par l’employeur de la rémunération convenue lors de l’embauche.
La Cour d’appel de Versailles a débouté le salarié sur ce point, estimant qu’il n’était pas fondé à reprocher à l’employeur une situation qu’il avait lui-même créée en violant son obligation de loyauté par la signature d’un premier contrat de travail qu’il n’était pas en mesure de respecter.
La Cour de cassation a cependant cassé cet arrêt, considérant que la mauvaise foi du salarié lors de la conclusion du contrat de travail ne pouvait justifier la modification unilatérale de celui-ci par l’employeur.
Que doit faire l’employeur qui découvre que le salarié n’a pas le permis de conduire ?
La jurisprudence n’admet la nullité du contrat de travail que lorsqu’il est avéré que le salarié a commis un dol, c’est-à-dire qu’il a effectué de réelles manœuvres frauduleuses et que ces dernières ont été déterminante pour son recrutement (Cass. soc. 16 février 1999, n°96-45.565 ; et Cass. soc. 17 octobre 1995, n°94-41.239 : est par exemple nul le contrat de travail d’un salarié embauché en tant que professeur dans une école technique qui n’était pas titulaire des diplômes dont il se prévalait).
Le licenciement pour faute grave n’est quant à lui admis par la jurisprudence que lorsque le salarié, qui a fourni lors de son embauche des renseignements inexacts, n’a pas les compétences pour exercer les fonctions pour lesquelles il a été recruté (Cass. soc. 30 mars 1999, n°96-42.912 et Cass. soc. 19 janvier 2010, n°08-42.519).
La jurisprudence sur ces deux points est sévère et les décisions rendues varient en fonction des cas d’espèce, au point qu’il est impossible d’en dégager des solutions claires.
Dans cette affaire, l’employeur avait décidé d’explorer une troisième voie : la rétrogradation du salarié.
La décision de l’employeur, peut-être animée de bonnes intentions, de se contenter de rétrograder le salarié plutôt que de rompre son contrat de travail, était cependant illégale. En effet, en vertu de l’article 1134 du Code civil les conventions ne peuvent être modifiées qu’avec l’accord des parties. L’employeur ne pouvait donc pas se contenter de rétrograder le salarié sans obtenir au préalable son accord écrit et respecter la procédure de modification du contrat de travail.
Bien que la solution puisse étonner d’un point de vue pratique, elle est donc fondée en droit. En effet, une solution contraire, bien qu’elle ait pu paraître « juste » dans le cas d’espèce compte tenu de la mauvaise foi patente du salarié, permettrait aux employeurs d’invoquer la mauvaise foi de leurs salariés pour modifier à leur guise leurs contrats de travail.
Au demeurant, il est vivement conseillé d’anticiper cette difficulté, en vérifiant lors de l’embauche que le candidat est effectivement titulaire du permis de conduire si celui-ci est requis.