En octobre et novembre 2006, la société SNCF Participations (« SNCF ») filiale du groupe SNCF, a acquis des titres dans la société Novatrans auprès de sept actionnaires qui représentaient ensemble un peu plus de 10% du capital, augmentant ainsi sa participation juste au-delà de 49 % du capital de la société.
Par la suite, la SNCF a souhaité procéder à l’acquisition des parts de capital dans cette même société en achetant les participations minoritaires de deux autres actionnaires. Cette opération allait accroître sa participation dans Novatrans au-delà de 52% lui conférant par la même occasion le contrôle exclusif sur Novatrans. La SNCF a donc notifié l’opération au ministre de l’Economie.
Le 6 avril 2007, le ministre de l’Economie a saisi le Conseil de la concurrence au titre de l’article L 430-5 du Code de commerce estimant que la prise de contrôle de Novatrans par SNCF était de nature à porter atteinte à la concurrence.
Le 15 juin 2007, avant même que le Conseil de la concurrence ne se soit prononcé sur l’opération notifiée, la SNCF annonçait à la DGCCRF qu’elle décidait de retirer sa seconde opération d’acquisition de titres de la société Novatrans.
Néanmoins, le ministre a décidé que ce retrait n’avait pas mis fin à l’infraction car la première opération d’acquisition de titres auprès des sept actionnaires lui avait conféré dans les faits un contrôle exclusif.
Une appréciation in concreto
Comme à son habitude, le ministre a procédé à une interprétation in concreto de la situation et a pris en compte tous les « moyens de droit ou de fait de nature à conférer une influence déterminante sur l’activité d’un autre opérateur ».
Il rappelle que le contrôle peut être actif, c’est le cas quand une personne a le pouvoir d’imposer une décision stratégique, ou passif, dans l’hypothèse où une personne est capable de gêner la prise de décisions stratégiques.
Le ministre confirme ensuite qu’il n’est pas nécessaire que l’influence déterminante ait été exercée pour considérer qu’une entité contrôlait une autre. Ainsi, la seule condition nécessaire était que l’entité contrôlant ait eu l’opportunité d’exercer ce contrôle. En l’espèce, SNCF pouvait être considérée comme détenant un contrôle sur la société Novatrans car même si elle ne l’avait pas exercé, elle avait bénéficié de cette faculté.
Le ministre a enfin déclaré qu’il n’était pas exclu de considérer qu’un actionnaire minoritaire pouvait détenir un contrôle exclusif de fait. Dès lors qu’un actionnaire minoritaire est certain d’obtenir la majorité à l’assemblée générale au vu de la participation et de la présence des actionnaires aux assemblées générales dans les années antérieures, il doit être considéré comme exerçant une influence déterminante.
En l’espèce, le ministre a constaté que SNCF était quasiment certaine de pouvoir prendre seule des décisions lors des assemblées générales, ce qui permettait d’en déduire qu’elle contrôlait la société Novatrans.
Pour cela, le ministre s’est attaché à relever le poids respectif de SNCF et des autres actionnaires dans le mécanisme décisionnel au sein de Novatrans. Le ministre a ainsi pu constater que le taux de mobilisation (c’est à dire, le nombre de voix nécessaires pour que les autres actionnaires obtiennent la majorité, rapporté aux voix dont disposent ces actionnaires) avoisinait en 2007 les 96,2%. Cela signifiait donc que les autres actionnaires de la société Novatrans constituaient un contrepoids relativement faible face à SNCF car ils n’avaient quasiment aucune chance de lui faire barrage. Leur vote était par ailleurs très dilué ce qui diminuait d’autant, leur poids au sein des assemblées générales.
Une sanction modérée
En l’espèce, le ministre a estimé que dès lors que la SNCF n’avait pas respecté les obligations qui lui incombaient en vertu de la loi, celle-ci devait être sanctionnée conformément aux dispositions de l’article L 430-8 I du Code de commerce qui prévoit que : « si une opération de concentration a été réalisée sans être notifiée le ministre chargé de l’Economie peut infliger aux personnes auxquelles incombait la charge de la notification une sanction pécuniaire dont le montant maximum s’élève pour les personnes morales à 5% de leur chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France lors du dernier exercice clos augmenté le cas échéant de celui qu’a réalisé en France durant la même période la partie acquise et pour les personnes physiques à 1,5 millions d’euros. »
Après l’examen du dossier, le ministre en a conclu que SNCF ne pouvait légitimement invoquer le fait qu’elle ignorait les règles relatives au contrôle des concentrations. Par ailleurs, la réalisation d’une opération de concentration sans notification préalable constituait une infraction grave qui justifiait une sanction pécuniaire.
Toutefois, il a décidé de modérer cette sanction eu égard aux circonstances. En effet, SNCF n’avait pas eu l’intention délibérée de violer les règles sur le contrôle des concentrations et la notification de l’opération avait néanmoins eu lieu à l’occasion de la notification d’une autre opération.
Une précédente version de cet article attribuait par erreur la décision au Conseil de la concurrence. Les auteurs remercient Madame Marie-Pierre François de l’Autorité de la concurrence, de les avoir alertés.