Cass. soc. 13 février 2019, n°18-17.042
La Cour de Cassation rappelle dans un arrêt du 13 févier 2019 (n°18-17.042) l’esprit de la loi Rebsamen qui était de promouvoir, non pas une parité abstraite, mais une proportionnalité des candidatures femmes/hommes lors des élections professionnelles
Depuis le 1er janvier 2017, par application de l’article 7 de la loi 2015-994 du 17 août 2015 (Loi Rebsamen), les listes comportant plusieurs candidats aux élections professionnelles doivent :
- être composées d’un nombre de femmes et d’hommes correspondant à leur part respective sur la liste électorale, sous peine d’annulation de l’élection des candidats élus en surnombre ;
- présenter alternativement un candidat de chaque sexe sous peine d’annulation de l’élection des candidats élus dont le positionnement sur la liste est irrégulier.
La Cour de cassation est venue préciser la seconde obligation, à savoir la présentation de listes comportant alternativement des candidats des deux sexes à proportion de la part de femmes et d’hommes au sein d’un collège électoral.
En l’espèce, la Fédération communication conseil culture F3C-CFDT avait saisi le tribunal d’instance de Villejuif en vue de faire annuler l’élection de deux candidates en soutenant que la liste des titulaires et suppléants CFE-CGC France Télécom Orange ne respectait pas la répartition équilibrée des hommes et des femmes puisqu’elle comportait cinq candidatures de femmes au lieu de quatre.
La décision rendue par le tribunal d’instance en date du 9 mai 2018 ayant prononcé l’annulation de l’élection des deux candidates a été attaquée par le syndicat CFE-CGC France Télécom Orange.
La chambre sociale s’est penchée notamment sur la conformité aux textes internationaux,[1] applicables en droit français, du dispositif français qui contraint les organisations syndicales à présenter aux élections des listes comportant alternativement des candidats de chaque sexe jusqu’à épuisement des candidats du sexe sous-représenté.
Les requérants reprochaient au dispositif français de porter atteinte à leur liberté syndicale et au libre choix par un syndicat de ses représentants.
Or, la chambre sociale, pour rejeter le pourvoi, rappelle :
- d’une part que dans le champ d’application du droit communautaire[2], est interdite toute discrimination fondée sur le sexe ;
- d’autre part, qu’il résulte de la combinaison des articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales que toute discrimination entre les sexes en matière de conditions de travail est prohibée.
Dans ces conditions, la Cour conclut que les dispositions de l’article L.2324-22-1 du Code du travail ne constituent pas une atteinte disproportionnée à la liberté syndicale et au libre choix du syndicat de ses représentants.
Par ailleurs, en dépit de la volonté du législateur d’instaurer une égalité en droits au bénéfice des femmes, il n’en demeure pas moins que le principe de non-discrimination est une règle tout aussi fondamentale. À ce titre, la Cour invoque, au moyen de l’article 1er de la Convention n°111 de l’OIT ratifiée par la France en 1981, que toute distinction, exclusion ou préférence fondée notamment sur le sexe, qui a pour effet de détruire ou d’altérer l’égalité de chances ou de traitement en matière d’emploi ou de profession, est interdite.
Par conséquent, dès lors que l’obligation faite aux organisations syndicales de présenter des listes comportant alternativement des candidats de chaque sexe à proportion de la part de femmes et d’hommes dans le collège électoral s’articule avec l’objectif d’assurer une représentation des salariés qui reflète la réalité du corps électoral et de promouvoir l’égalité effective entre les femmes et les hommes, le manquement à cette obligation ne peut qu’être frappé par une sanction limitée à l’annulation des élus surnuméraires de l’un ou de l’autre sexe.
La Cour de Cassation rappelle enfin la volonté du législateur qui entendait promouvoir une proportionnalité des candidatures au nombre de salariés masculins et féminins présents dans un collège donné plutôt qu’une parité abstraite.
Article rédigé par Jean-François Rage et Ingrid Appasamy
[1] Il s’agissait des articles 3 et 8 de la Convention n° 87 de l’Organisation internationale du travail (OIT), de l’article 4 de la Convention n° 98 de l’OIT et l’article 5 de la Convention n° 135 de l’OIT, ainsi que les articles 11-2 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH), 5 et 6 de la Charte sociale européenne, 28 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
[2] La Cour fait référence ici à l’article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, d’effet direct (CJUE 17 avril 2018, aff. C-414/16), d’autre part de l’article 23 de la même Charte.