L’Association Française d’Arbitrage (AFA) a réuni ses amis pour son dîner annuel le 13 avril 2010 à la Maison du Barreau. Comme à l’accoutumée, étaient présents le gratin du monde de l’arbitrage parisien, professeurs de droit, avocats, juristes d’entreprise et autres praticiens de l’arbitrage.

Le thème de ce dîner débat était « Paris, place d’arbitrage ». Il a donc été question des avantages offerts par la place de Paris pour attraire les arbitrages internationaux et leurs audiences, même quand le lieu de l’arbitrage est situé à l’étranger. Paris offre une infrastructure hôtelière de qualité, la proximité de la ICC et de son somptueux centre de conférences avenue Kléber, équipé pour la tenue de larges audiences avec des cabines de traduction, des emplacements pour les sténotypistes et toute la technologie moderne d’information.

Paris offre aussi un choix de restaurants auquel les arbitres étrangers d’une certaine tranche d’âge sont sensibles, tous les prestataires de services, comme des avocats spécialisés de presque toute les nationalités. Il n’y a donc aucune barrière de la langue. Faut-il rappeler qu’un arbitrage de type continental localisé à Paris coûte sensiblement moins cher qu’un arbitrage se tenant par exemple à Londres où les audiences sont plus longues – tradition anglaise oblige –, le nombre de témoins croissant et le poids toujours plus grand des mémoires et pièces communiquées ?

Les pouvoirs publics français ont bien compris l’enjeu économique pour la ville de Paris. L’arbitrage international est devenue une activité économique à part entière avec une compétition féroce entre les différentes places d’arbitrage européennes telles que Paris, Londres, Bruxelles, Genève, Stockholm et aussi dans une moindre mesure Francfort et Vienne.

Il s‘agit donc de mettre en avant les atouts et attraits de Paris comme place d’arbitrage international. C’est dans cette perspective que la Chancellerie (Direction des Affaires civiles et du Sceau) a mis le turbo sur la modernisation du droit de l’arbitrage issu du décret n°81-500 du 12 mai 1981, tel que codifié aux articles 1460 à 1507 du code de procédure civile. Il est amusant de resituer dans son contexte historique le 12 mai 1981, surlendemain de l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République. Le décret signé in extremis par Alain Peyrefitte fait partie de l’ère giscardienne.

Le projet de décret réformant le droit de l’arbitrage a été soumis aux professionnels pour avis et fera l’objet d’un décret en Conseil d’Etat. Nous ignorons quand le projet de décret sera soumis au CE et quand il sera publié au JO. Espérons que cela se passera encore en 2010.
Le premier objectif de ce décret est de mettre en harmonie notre droit de l’arbitrage avec l’abondante jurisprudence qui s’est développée en la matière au cours des trente dernières années, notamment sous l’influence de M. Dominique HASCHER, Président de chambre à la Cour d’Appel de Reims, lorsqu’il siégeait à la Cour d’appel de Paris.

L’autre objectif est de tenir compte de l’évolution législative à l’étranger. De nombreux pays ont adopté une approche plus moderne et commerciale du droit de l’arbitrage.

Le décret de 1981 traite à la fois de l’arbitrage interne et international, la France faisant partie des pays ayant opéré une distinction entre les deux types d’arbitrage dans son droit.

Le texte en élaboration propose d’atténuer le formalisme relatif aux conventions d’arbitrage et de faciliter davantage la délivrance de l’exequatur. Il est aussi question de conférer à la juridiction arbitrale des pouvoirs accrus pour ordonner la production de preuves, ainsi que des mesures provisoires ou conservatoires. Enfin le décret entend spécialiser et consolider les pouvoirs du juge d’appui. Ainsi, le Président du TGI se voit conférer une compétence exclusive pour statuer sur les incidents de procédure lors de la constitution du tribunal et pendant l’instance arbitrale.

Pour promouvoir Paris comme place d’arbitrage, il est apparu souhaitable de moderniser aussi le titre II relatif à l’arbitrage international.

Tout d’abord, pour plus de cohérence, le décret propose d’affirmer le rôle du Président du TGI de Paris en étendant sa compétence à l’ensemble des incidents lors d’une procédure arbitrale internationale. Le TGI de Paris aura également une compétence exclusive pour connaître des demandes d’exequatur de sentences étrangères, c’est-à-dire lorsque le tribunal arbitral n’avait pas son siège en France.

A l’instar du droit suisse, les parties pourront dorénavant renoncer à tous recours, en l’espèce, le recours en annulation, tout en conservant la possibilité d’interjeter appel à l’encontre de l’ordonnance prononçant l’exequatur.

Enfin et surtout, le projet de décret ne reprend pas l’effet suspensif du recours en annulation, ce qui est une percée plus que remarquable. En effet, l’article 1506 actuel du CPC stipule « Le délai pour exercer les recours prévus aux articles 1501, 1502 et 1504 suspend l’exécution de la sentence arbitrale. Le recours exercé dans le délai est également suspensif.», ce que la pratique critiquait depuis longtemps ouvertement et à juste titre. Les hérauts des places d’arbitrage suisse et de Londres ne se privaient pas de critiquer notre droit pour dissuader les parties de venir arbitrer en France. En effet, la suspension de la sentence non assortie d’exécution provisoire, soit parce que les parties ne l’avaient pas demandé, soit que les arbitres ne l’avaient pas ordonné, pouvait paralyser la sentence, quelle soit ad hoc ou rendue sous l’égide d’un centre et règlement d’arbitrage, pendant au moins un an, délai moyen d’un recours en annulation.

Il s’agissait, pour la partie qui avait succombé, d’un moyen dilatoire aisé de rendre inefficace une sentence pendant quelque temps et pourquoi pas de profiter de ce répit pour négocier un arrangement plus favorable que la décision des arbitres. Seul un article 700 substantiel pouvait avoir un effet dissuasif contre cette pratique dilatoire.

Bien entendu, l’arbitre pouvait bloquer par anticipation ce procédé dilatoire en ordonnant l’exécution provisoire totale ou partielle de la sentence, mais aussi en assortissant la condamnation de dommages à un taux d’intérêt élevé. Le taux d’intérêt légal applicable en 2010 en France, soit 0.65 %, n’a pas un caractère dissuasif pour les mauvais payeurs. Bien au contraire, c’est un excellent placement. Un taux entre 6 et 10% serait, en l’état actuel de l’inflation, plus dissuasif.

A notre avis, constituera un progrès indéniable et un atout supplémentaire pour Paris comme place d’arbitrage, si la réforme est adoptée, qu’une sentence arbitrale revêtue de l’exéquatur soit exécutoire en France de plein droit, le recours en annulation n’étant plus suspensif. Le projet de décret prévoit néanmoins que le premier président de la Cour d’appel pourra arrêter ou aménager l’exécution de la sentence si celle-ci est susceptible d’entraîner des conséquences manifestement exagérées.