Un pourvoi soumis à la chambre commerciale de la Cour de cassation le 21 mars 2006 lui à fourni une des rares occasions de peaufiner sa jurisprudence relative aux « success fees ». Ce mécanisme, dont le terme anglo-américain désigne l’honoraire de succès ou de résultat ou la commission de réalisation, est employé, en dehors des honoraires de résultat de l’avocat, dans de nombreux contrats d’affaires, notamment en ce qui concerne la rémunération d’intermédiaires financiers intervenant dans des opérations de fusion–acquisition d’entreprises (Com. 16 déc. 1997, Bull civ. IV n° 336).

L’arrêt de rejet ici commenté ne remet pas en cause le principe même de l’admission de ces conventions mais refuse, en l’espèce, l’octroi de la commission de réalisation à son créancier faute d’apporter la preuve de ses diligences particulières.

En l’espèce, la société CRC avait cédé à la société Kéolis, pour un prix d’un million et demi de francs, l’intégralité du capital de la société SNEG, concessionnaire de la fourrière de Nice.

Le contrat de cession stipulait que « si le vendeur avait apporté ses meilleurs efforts pour assurer le succès de la SNEG dans le renouvellement du contrat de concession à des conditions au moins égales à celles en vigueur » l’acquéreur lui verserait 1 million de francs en sus du prix de cession. Le contrat de concession ayant été renouvelé à des conditions au moins égales à celles alors en vigueur, la société venderesse a demandé le paiement du complément de prix en justice.

Au regard du fait que la société cédante a été déboutée de sa demande devant la Cour d’appel de Versailles, puis cette dernière approuvée par la Chambre commerciale de la Cour de cassation, il convient de s’intéresser de plus près aux obligations pesant sur le cédant et au raisonnement des juges. Selon l’arrêt, pour bénéficier du « success fee » la société venderesse devait satisfaire à deux obligations, l’une de moyen, à savoir apporter ses meilleurs efforts pour assurer le succès de la SNEG dans le renouvellement du contrat de concession, l’autre de résultat, à savoir l’obtention de ce contrat à des conditions au moins égales à celles en vigueur.

Or, alors même que la concession avait été renouvelée à des conditions équivalentes, la cédante n’a pu obtenir le paiement de la commission dés lors qu’elle ne rapportait pas la preuve de ses diligences, si bien que le cessionnaire était fondé à considérer que le dossier qu’il avait déposé suffisait à lui seul pour parvenir au résultat escompté.

Ainsi, les juges du fond ne se contentent pas de la simple obtention du résultat prévu, comme il en aurait été pour une obligation de résultat unique. Ils exigent en plus la preuve des diligences effectuées au titre de l’obligation de moyens pour accorder l’honoraire de succès stipulé.

Cette position peut sembler sévère au regard du principe que la contrepartie d’une obligation de résultat dont est tenue une partie, lui est due dés lors que le résultat promis est atteint. En particulier, si l’on s’interroge sur les conséquences qu’aurait pu avoir une rédaction plus claire de la clause, comportant uniquement une obligation de résultat et pas deux obligations distinctes dont l’une de moyens.

Peut-être cette exigence supplémentaire se justifie-t-elle en l’espèce par la volonté d’éviter toute suspicion quant à la cause de l’obligation de verser une prime de succès ? En effet, le contrat par lequel une entreprise fait appel à une personne pour obtenir la conclusion d’un marché avec une collectivité publique est licite, sauf s’il est démontré qu’il est inspiré par une cause illicite telle que la corruption d’un préposé de la personne publique pour obtenir le marché convoité. D’où l’importance d’apporter la preuve de services effectifs rendus par la personne, preuve qui ne peut être exigée qu’en lui infligeant une obligation de moyens.