Cass Civ 3ème, 4 avril 2019, n°18-14.049

La conclusion d’une sous-location dont la durée n’est pas supérieure à la durée du bail principal n’est pas suffisante pour exonérer le locataire principal de toute responsabilité en cas de maintien dans les lieux du sous-locataire.

La sous-location est un mécanisme usuel par lequel un locataire principal, disposant d’un droit d’occupation issu d’une convention pouvant revêtir diverses qualifications juridiques (bail à construction, bail commercial, bail civil, convention d’occupation précaire etc.), accorde lui-même un droit de sous-occupation sur tout ou partie de la chose mise à disposition.

Au-delà de toute disposition de droit commun ou spécial régissant cette situation, conformément à l’adage « personne ne peut transférer à autrui plus de droits qu’il n’en a lui-même », la sous-location est par essence conditionnée par le contrat principal : ainsi la durée de l’occupation ne peut être supérieure à celle octroyée au locataire principal.

À l’expiration de la convention principale, le locataire principal devra libérer les locaux et les restituer au propriétaire libre de toute occupation. Nul doute qu’il aura pris soin de prévoir une date d’expiration de la sous-location au plus tard à l’expiration de son propre titre et qu’il aura également stipulé la restitution des locaux sous-loués libres de toute occupation pour cette date de manière à pouvoir lui-même répondre de son obligation à l’égard du propriétaire.

Pour autant et nonobstant ces précautions de rigueur, dans l’hypothèse où le sous-locataire se maintiendrait dans les locaux sous-loués au-delà de la date d’expiration et de restitution des lieux au titre du contrat principal, le locataire serait-il responsable envers le propriétaire de cette absence de restitution ?

C’est la question posée à la Cour de cassation dans l’espèce ayant donné lieu à un arrêt du 4 avril 2019 (Cass Civ 3ème n°18-14.049).

Dans le cadre d’un bail à construction d’une durée de vingt-cinq ans dont le preneur à bail était une société de HLM, celle-ci avait consenti des baux d’habitation à des personnes physiques.

À l’expiration du bail à construction, plusieurs sous-locataires se sont maintenus dans les locaux qui leur étaient sous-loués, rendant impossible la restitution libre de toute occupation due par la société HLM au titre de son bail. Le propriétaire a alors assigné celle-ci pour être indemnisé en raison de cette absence de restitution conforme, ce à quoi les juges du fond ont fait droit.

La société de HLM s’est pourvue en cassation considérant que sa responsabilité ne pouvait être recherchée que si elle avait conclu des conventions d’une durée supérieure à celle du bail à construction.

La Haute Cour n’a toutefois pas retenu cet argument et rejeté le pourvoi ainsi formé.

Dès lors, il y a lieu de retenir que, quelles que soit les stipulations de la convention de sous-location et des précautions prises par le locataire principal s’agissant de la durée, ce dernier reste responsable vis-à-vis du propriétaire de la restitution des locaux libres de toute occupation et se doit d’obtenir la libération des locaux sous-loués à bonne date à défaut de quoi il pourra être tenu d’indemniser le propriétaire du préjudice subi.

Il est, en conséquence, indispensable en pratique de prévoir et reporter, le cas échéant, à la sous-location d’éventuelles pénalités qui seraient dues au titre du contrat principal en cas de non libération des lieux.

Il convient de noter que cette décision a été rendue sous l’empire de l’ancienne rédaction de l’article L.251-6 (ancien) du Code de la construction et de l’habitation qui prévoyait uniquement l’extinction des sous-locations à l’expiration du bail à construction. Au regard de la nouvelle rédaction du texte (L.251-6 en vigueur), une telle situation ne serait plus, en principe, source de responsabilité pour le preneur à bail à construction, car l’article du Code de la construction et de l’habitation prévoit désormais que les baux d’habitation sont poursuivis par exception au principe d’expiration des autres sous-locations, évolution qui semble naturelle au regard de la volonté de protéger les locataires.

À signaler, le cas spécifique d’une sous-location commerciale consentie dans le cadre d’un bail principal commercial : en cas de sous-location autorisée dans le respect des dispositions de l’article L.145-31 du Code de commerce, si le bail principal commercial ne prévoit pas de clause d’indivisibilité des locaux ou si une sous-location totale à un sous-locataire a été autorisée (et ce même en présence d’une clause d’indivisibilité), ledit sous-locataire pourra se maintenir dans les locaux et revendiquer un droit direct au renouvellement envers le propriétaire en cas de non renouvellement du bail principal conformément à l’article L.145-32 du Code de commerce.

En conclusion, quelle que soit sa qualification juridique, la mise en place d’une sous-location, opération qui semble de prime abord anodine, doit susciter la plus grande précaution notamment à l’approche de l’expiration de la convention d’occupation principal.

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