Cass. Soc. 3 février 2016, nº 14-18.600, publié au bulletin
Un responsable régional saisit la juridiction prud’homale d’une action en résiliation de son contrat de travail aux torts de son employeur. Il est, dans la foulée, licencié pour faute grave.
Constatant que la lettre de licenciement visait explicitement, entre autres motifs, l’action en justice exercée par le salarié, la cour d’appel juge le licenciement nul et condamne l’employeur à verser diverses sommes au salarié au titre de la rupture de son contrat de travail.
En effet, sauf si son action revêt un caractère abusif ou révèle sa mauvaise foi, un salarié qui saisit la juridiction prud’homale d’une demande en résiliation de son contrat de travail ne peut être valablement sanctionné pour cette raison.
Ainsi en est-il, d’une manière générale, d’une rupture du contrat de travail motivée par l’exercice d’une action en justice, qui est, à ce titre, atteinte de nullité (Cass. Soc. 6 février 2013, n°11-11.740 : à propos du dépôt d’une plainte par le salarié). Il en est de même pour un licenciement lié au témoignage d’un salarié, défavorable à son employeur (Cass. Soc. 29 octobre 2013, n°12-22.447).
Dans ces situations, en effet, la mesure prise par l’employeur porte atteinte à la liberté fondamentale d’agir ou de témoigner en justice, liberté protégée par l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Tel était aussi le cas en l’espèce, puisque la décision de l’employeur de licencier son salarié trouvait son origine dans l’action en résiliation du contrat de travail intentée par celui-ci à son encontre. En l’absence de tout abus ou d’intention malveillante du salarié, une telle décision est sanctionnée par la nullité.
Contrairement à ce que soutenait l’employeur, la nullité du licenciement rendaient inopérants les autres griefs énoncés dans la lettre de licenciement, sans que le juge ait à les vérifier.
L’espèce commentée constitue ainsi une nouvelle illustration de la jurisprudence dite « des motifs contaminants ».
Selon cette jurisprudence, en présence d’un motif dans la lettre de licenciement qui démontre que celui-ci a été prononcé en considération de l’exercice d’une liberté fondamentale ou pour un motif prohibé par la loi, de nature à entrainer la nullité du licenciement, le juge n’a pas à examiner les autres motifs mentionnés dans ladite lettre.
Cette jurisprudence a été appliquée notamment pour la dénonciation d’agissements de harcèlement moral en l’absence de mauvaise foi du salarié, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu’il dénonce (Cass. Soc. 10 juin 2015, n°13-25.554), pour la participation à une grève en application de l’article L.1132-2 du Code du travail (Cass. Soc. 8 juillet 2009, n°08-40.139), ainsi qu’en matière de discrimination sur le fondement de l’article L.1132-3 du même code (Cass. Soc. 19 mars 2013, n°11-28.845).
En cas de licenciement, les employeurs veilleront donc à rédiger la lettre de licenciement avec la plus grande précaution et s’abstiendront de toute référence à un agissement du salarié relevant d’une liberté fondamentale, tel l’exercice d’une action en justice ou du droit de grève.
Rappelons en outre que la sanction de la nullité n’est pas circonscrite au licenciement mais s’applique à toute sanction disciplinaire prise en considération de l’exercice d’une liberté fondamentale (Cass. Soc. 9 octobre 2013, n°12-17.882 : à propos d’une mesure lié à un litige en cours).
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