CJUE 7 avril 2016  affaire C‑315/14

Comme nous l’avions déjà évoqué dans un précédant article[1] , contrairement à ce que l’on pourrait penser, le droit français n’est pas le seul, au sein de l’UE, à être extrêmement protecteur des agents commerciaux concernant l’importance de l’indemnité due à l’agent en fin de contrat. Un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) précise le régime de « l’indemnité de clientèle » (une des deux options existant au sein de l’EU) de façon favorable à l’agent.

Contexte

1. La Directive

La directive 86/653/CEE relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants prévoit que l’agent bénéficie, dans certaines circonstances, d’un droit à dédommagement à la fin de son contrat.

Son article 17 prévoit que les États membres peuvent choisir dans leur législation nationale, en ce qui concerne les sommes versés à la cessation du contrat, parmi deux options proposées :

– La « réparation du préjudice causé par la cessation de ses relations ». Cette indemnisation n’est par définition pas plafonnée. La France a opté pour ce type d’indemnisation.

– Une « indemnité de clientèle », lorsqu’après la cessation du contrat la société « a encore des avantages substantiels résultant des opérations » réalisés par l’agent commercial auprès des clients qu’il a apporté ou développés.Cette indemnité ne peut être supérieure à 1 an de rémunération de l’agent, calculé sur la moyenne des cinq dernières années. L’Allemagne a opté pour ce type d’indemnisation. 

2. L’indemnité de clientèle et la notion de « nouveaux clients »

La question devant la CJUE était l’interprétation de l’article 17 (2) (a) de la directive sur les agents commerciaux.

2. A) L’agent commercial a droit à une indemnité si et dans la mesure où :
– il a apporté de nouveaux clients au commettant ou développé sensiblement les opérations avec les clients existants et le commettant a encore des avantages substantiels résultant des opérations avec ces clients »

En ce qui concerne le droit allemand, applicable à l’espèce, aux termes de l’article 89b, paragraphe 1, du code de commerce (Handelsgesetzbuch) : « Est assimilé au démarchage d’un nouveau client le fait pour un agent commercial d’avoir approfondi la relation d’affaires avec un client existant de manière telle que cela équivaut, d’un point de vue économique, au démarchage d’un nouveau client ».

Les Faits

Dans ce cas d’espèce, Mme K était un agent commercial de la société allemande Marchon, grossiste de montures de lunettes. Marchon a recours aux services de plusieurs agents commerciaux. Elle confie à chacun d’eux des marques différents de sa gamme de montures. Marchon a donné à Mme K une liste des opticiens avec lesquels la société entretenait déjà des relations d’affaires sur d’autres marques de montures que celles confiées à Mme K. Mme K a négocié des contrats de vente essentiellement avec ces opticiens-là.

À la suite de la résiliation de son contrat, Mme K réclamé à Marchon une indemnité de clientèle, en faisant notamment valoir que les opticiens ayant acheté pour la première fois, grâce à son intervention, des montures de marques qui lui étaient confiée, ils devaient être considérés comme de « nouveaux clients » (alors même qu’ils figuraient déjà sur la liste de clients que cette société avait mise à sa disposition).
 

La décision

Sur question préjudicielle du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice), la CJUE juge que « les clients apportés par l’agent commercial pour les marchandises qu’il est chargé par le commettant de vendre doivent être considérés comme de nouveaux clients, au sens de [l’article 17 paragraphe 2, premier tiret, de la Directive], et ce alors même que ces clients entretenaient déjà des relations d’affaires avec ce commettant concernant d’autres marchandises, lorsque la vente, par cet agent, des premières marchandises a nécessité la mise en place d’une relation d’affaires spécifique, ce qu’il revient à la juridiction de renvoi de vérifier ».

Elle a précisé qu’il fallait notamment tenir compte des objectifs de la directive à savoir la protection des agents commerciaux.

La décision de la CJUE montre que se placer sous la législation d’un État qui, à la différence du droit français, a choisi l’option de l’indemnité de clientèle n’est pas forcément plus favorable au fournisseur, ce qui est déjà le constat que nous avons fait dans notre précédent article. Il convient donc de bien rédiger le contrat, d’examiner au cas par cas la législation nationale le régissant et de tenir compte de ces facteurs au moment de la décision de mettre fin audit contrat.
  Contact : stephanie.faber@squirepb.com    


[1] Clarification sur l’indemnité de l’agent commercial au sein de l’UE : https://larevue.squirepattonboggs.com/Clarification-sur-l-indemnite-de-l-agent-commercial-au-sein-de-l-UE_a2813.html