Au Portugal il y a actuellement plus de 40.000 procédures fiscales en cours qui représentent environ 13.000 millions d’Euros en litige. L’encombrement chronique des juridictions lusitaniennes a poussé le législateur à prendre des mesures. C’est dans ce contexte que le Décret-loi 10/2011 du 20 janvier a introduit un système innovant de résolution alternative des conflits en matière fiscale. Le préambule de la loi annonce les objectifs poursuivis, dont : améliorer la tutelle des droits et intérêts légalement protégés des contribuables, accélérer la résolution des litiges opposant l’Administration et le contribuable, et réduire la litispendance en matière fiscale.
S’agissant d’une pratique courante et de longue tradition aux USA, le Portugal se situe à l’avant-garde européenne en matière d’arbitrage fiscal. Jusqu’à présent, seulement l’Espagne avait tenté en 2001 d’inclure l’arbitrage en matière fiscale dans sa réforme de la loi arbitrale. Néanmoins, cette mesure n’a pas été finalement retenue, la réforme bornant le recours à l’arbitrage de l’Administration aux litiges entre deux personnes publiques et excluant, en conséquence et de manière expresse, les personnes privées. C’est pour cette raison que la réforme portugaise sera, certainement, suivie de près par les Législateurs de l’Union.
L’arbitrage constitue une forme de résolution des litiges par l’intermédiaire d’un tiers indépendant et impartial (l’arbitre), choisi par les parties ou désigné par le « Centro de Arbitragem Administrativa » (CAAD, Centre d’arbitrage Administratif, association privée à des fins non lucratives fonctionnant sous l’égide du Conseil Supérieur des Tribunaux administratifs et fiscaux). La sentence rendue par l’arbitre a la même valeur que les décisions des tribunaux.
Afin de garantir une bonne célérité à cette procédure alternative, il a été prévu que la sentence arbitrale devra être rendue dans un délai de six mois, prorogeable une fois. Les décisions rendues sont, en principe, définitives, la loi prévoyant seulement un recours devant le Tribunal Constitutionnel dans le cas de violations de droits et garanties fondamentaux, et un appel devant le Tribunal Suprême Administratif dans le cas de défauts de forme de la décision (omission de réponse à certaines demandes, etc.). Cependant, la loi prévoit que l’Administration n’est pas liée par les sentences supérieures à € 10.000.000. Il est important de souligner qu’il est expressément interdit aux arbitres de recourir à l’équité, obligation leur étant faite de toujours rendre des décisions conformes aux normes en vigueur.
Les litiges susceptibles d’être soumis à l’arbitrage fiscal concernent la nullité des actes de liquidation, autoliquidation ou rétention de l’impôt, la nullité des actes de détermination de l’assiette imposable et de fixation de valeur patrimoniale, ainsi que toute autre question relative à la liquidation d’impôts. De manière logique, sont exclues toutes les questions relatives à la reconnaissance de droits, d’exemptions fiscales ainsi qu’aux droits de douane.
La question des frais de la procédure arbitrale a fait l’objet de nombreuses critiques dans la presse portugaise. Étant donné que le contribuable a la possibilité de choisir l’arbitre ou de laisser au CAAD ce choix, deux régimes différents sont prévus à cet égard, la « taxe d’arbitrage » étant toujours fixée en fonction du montant objet du litige. Dans le cas ou c’est le CAAD qui désigne l’arbitre, la taxe est d’un minimum de 306 Euros pour les litiges de moins de 2.000 Euros et augmente jusqu’à 4.896 Euros pour les litiges de plus de 275.000 Euros. En revanche, et c’est sur ce point que portent les critiques, lorsque l’arbitre est désigné par la partie passive (le contribuable), la taxe se situe à un minimum de 12.000 Euros pour les litiges jusqu’à 60.000 Euros et peut aller jusqu’à 120.000 Euros pour les litiges dont l’objet est plafonné à 10.000.000 Euros (limite légale pour le recours à l’arbitrage fiscal). Par ailleurs, 50% de cette taxe doit être payée lors de la constitution du tribunal arbitral.
En résumé on peut conclure que l’introduction de l’arbitrage en matière fiscale représente un progrès important dans le contentieux fiscal au Portugal. Il est espéré que non seulement il contribuera à alléger l’encombrement des tribunaux fiscaux, mais servira aussi à renforcer les droits des contribuables en leur permettant d’améliorer le processus de résolution des conflits. Néanmoins, les taxes d’arbitrage trop élevées lorsque l’arbitre est désigné par le contribuable, ainsi que le fait que l’Administration ne soit pas liée par les décisions arbitrales défavorables rendues pour un montant supérieur à 10.000.000 Euros pourraient avoir un effet dissuasif. En dépit de ces aspects négatifs, il faut reconnaitre le caractère pionnier de la législation portugaise.