L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Nîmes du 25 février 2010 apporte une importante précision sur la nature de la sanction prévue à l’article L.442-6 IIIe du code de commerce.

Dans cette affaire, le ministre de l’économie avait saisi le TC d’Annonay afin de faire condamner la SAS Carrefour France pour rémunération manifestement disproportionnée au regard de la valeur du service rendu en violation des dispositions de l’article L.442-6 I.2° du code de commerce dans sa version antérieure à la LME.

La SAS Carrefour France, qui venait au droit de la SAS Carrefour Hypermarchés France suite à la dissolution de celle-ci, contestait le bien-fondé de la demande du ministre au motif que l’amende civile prononcée revêtait un caractère punitif et répressif, et correspondait donc à une sanction pénale.

Selon Carrefour, une telle qualification de sanction pénale impliquait par la même le respect des principes généraux du droit pénal français, et notamment les principes posés aux articles 111-3 (légalité des peines), 114-4 (interprétation stricte de la loi pénale), 121-1 et 121-2 du code pénal (responsabilité pénale des personnes morales) et rendait impossible la condamnation de la SAS Carrefour France pour le compte d’une autre société.

La Cour rejette l’argumentation de l’intimée en affirmant la nature civile de la sanction prise en application de l’article L.442-6 IIIe du code de commerce.

La Cour d’appel de Nîmes fait notamment valoir que le montant élevé de l’amende qui découle de l’application de l’article L.442-6 du code de commerce correspond à la nature à fois répressive et indemnitaire de cette sanction . Ces caractéristiques ne permettent cependant pas de conclure à l’existence d’une sanction punitive et donc pénale.

Le montant de l’amende est justifié selon la Cour de part le caractère lucratif de la faute, ainsi que du fait de l’inexistence en droit français de la procédure dite de « class action ». En effet, bien que la Cour d’appel de Paris ait récemment décidé de laisser les Français libres de s’associer à une « class action » menée aux Etats-Unis ; en France c’est le ministre de l’Economie qui détient le rôle de réparateur des préjudices collectifs subis par les acteurs économiques sur le marché, et notamment les consommateurs. En l’espèce, le juge considère que le ministre a réparé le préjudice collectif subi suite à la mise en œuvre de pratiques faussant le libre jeu de la concurrence.

En réponse à l’argument de Carrefour selon lequel l’action en nullité et l’action en restitution initiées par l’administration en application de l’article L.442-6 du code de commerce violeraient l’article 6 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (CEDH), la Cour confirme que cette disposition peut effectivement trouver application mais que l’article 6 de la CEDH n’a pas pour effet de soumettre cette disposition aux principes généraux du droit pénal français. En conséquence, la Cour rejette l’appel de Carrefour et confirme la condamnation du distributeur.

Pour l’anecdote, il est intéressant de noter que cette décision est la première publiée au Bulletin officiel concurrence, consommation, répression des fraudes, suite à la récente décision de la DGCCRF de publier la jurisprudence des cours d’appel en matière de pratiques restrictives de concurrence.