Le périple digestif Une vie française de Jean-Paul Dubois a occupé mes soirées de fin d’année (Prix Femina 2004 – Point 1378). Cette « vie française » devrait séduire les baby-boomers, commençant à l’avènement de de Gaulle pour se terminer au milieu de l’ère Chiraquienne en 2004. Il est question d’un rabbin priapique et d’une entreprise de jacuzzi à Toulouse, d’un photographe arboricole, de François Mitterrand, élégant bretteur et joyeux hâbleur, de Jacques Chirac surtout préoccupé par sa propre sénescence, de la canicule de 2003. Dubois a de l’estime, voire de l’admiration pour Chichi, mais avec réserves. Lisez Dubois, pour son style, son vocabulaire fleuri et son rythme de conteur.
J’ai eu plaisir à lire et relire un autre écrivain, celui-ci napolitain, prix Femina étranger 2002[1], (un de mes écrivains favoris, tant par sa personnalité, ses origines, sa jeunesse, que par ses écrits) : Erri de Luca. Un article lui est consacré dans Le Monde du 2 janvier que je vous invite à lire. Erri de Luca, né en 1950 à Naples, d’éducation bourgeoise, a refusé la carrière diplomatique à laquelle il était prédestiné. Il adhère au mouvement d’extrême gauche, le Lotta continua, dont il est l’un des dirigeants jusqu’en 1977. Il multiplie les métiers manuels (ouvrier chez Fiat, maçon en région parisienne et en Afrique). Il s’engage dans la cause humanitaire et part pour l’Afrique, découvre la Bible et se passionne pour l’Ancien et Nouveau Testaments sans renoncer à ses convictions d’athée. Il se consacre à l’étude des textes sacrés sans relâche. C’est alors qu’il devient – par hasard ou peut-être par nécessité – écrivain, un des plus doués d’Italie. Son premier livre parait en 1989, alors qu’il avait commencé à écrire dès l’âge de vingt ans. En 2011, son amour pour la montagne lui dicte une ode à la nature Le Poids des Papillons, un court récit poétique où il est question d’un vieux braconnier alpiniste (de Luca est un alpiniste chevronné) qui affronte, quelque part dans les Alpes italiennes, sa dernière traque, le « roi des chamois ». Un affrontement entre l’homme et l’animal, deux solitaires face à leur destinée.
A noter aussi l’encyclopédie Modernist Cuisine en 6 volumes (2440 pages, soit 25 kg) que vous pouvez acquérir au prix de 319 €. La France va décidément mal pour que des américains, une équipe constituée par Nathan Myhrvold, poursuivent les travaux d’Escoffier, de Balzac, voire de Diderot pour offrir aux citoyens du monde une encyclopédie culinaire. Il y est question de cuisine moléculaire, de technique et équipement, d’animaux et végétaux, d’ingrédients et préparations, recettes, manuels de chef et autres particularités que je vous laisse découvrir si vous avez le courage et la place pour cette encyclopédie mondialiste en 6 volumes. Anne-Sophie Pic, seule femme chef, trois fois étoilée, se l’est procurée dès sa sortie en attendant d’ouvrir son restaurant parisien, rue du Louvre. En attendant, allez à Valence admirer – et peut-être feuilleter – l’ouvrage et mirer l’une ou l’autre de ses 3.500 illustrations (photos).
____________________________________________________________________________________
[1] « Montedidio » – Gallimard