La chambre sociale de la Cour de cassation nous a donné, au mois de novembre 2010, deux illustrations des risques encourus à négliger certaines mentions obligatoires qui doivent figurer sur les documents contractuels, et dont l’oubli est pourtant sans conséquence apparente.

C’est sans compter sur l’ardeur du salarié dans la défense de ses droits, bec et ongles. Bien sûr, ce ne sont pas tant les montants des condamnations qui affolent, mais bien ceux d’une procédure judiciaire longue de plusieurs années, allant jusque devant la Cour de cassation.

Dans une première affaire (Cass. soc. 9 nov. 2010, n°09-41578), Monsieur X, technico-commercial au sein de la société Arizant depuis le 9 février 2004, a été licencié le 8 décembre 2005 pour insuffisance professionnelle. Pour ce faire, Monsieur X a auparavant été convoqué à un entretien préalable.

La lettre de convocation indiquait à Monsieur X qu’il avait la possibilité de se faire assister « par une personne appartenant au personnel de l’entreprise ou par un conseiller extérieur choisi sur une liste dressée par le préfet, liste que vous pourrez consulter à la Mairie de la Ciotat ou à l’Inspection du Travail, 55 boulevard Perrier, 13008 Marseille ».

Cependant, postérieurement à son licenciement, Monsieur X a saisi la juridiction prud’homale notamment pour licenciement irrégulier, invoquant un préjudice du fait que ne figurait pas sur la convocation l’adresse de la Mairie de la Ciotat.

La Cour de cassation, confirmant la position de la Cour d’appel, a jugé que le licenciement de Monsieur X était en effet irrégulier au motif que, par la combinaison des articles L.1232-4 et D. 1232-5 du Code du travail, « la lettre de convocation à entretien préalable au licenciement doit mentionner la faculté pour le salarié, lorsqu’il n’y a pas d’institutions représentatives du personnel dans l’entreprise, de se faire assister par un conseiller de son choix, inscrit sur une liste dressée par le représentant de l’Etat dans le département, et préciser l’adresse de l’Inspection du travail et de la mairie où cette liste est tenue à la disposition du salarié ; que l’omission d’une de ces adresses constitue une irrégularité de procédure ».

L’adresse de la Mairie de la Ciotat (33 000 habitants) n’ayant pas été renseignée dans la lettre, Monsieur X s’est ainsi vu alloué la somme de 3 183,33 €, soit un mois de salaire.

Notons que l’article L. 1235-2 prévoit que l’indemnité ne peut être supérieure à un mois de salaire. C’est ainsi que dans une espèce similaire – elles sont nombreuses et les irrégularités y sont toujours sanctionnées – les juges du fond ont usé de ce pouvoir de modération en fixant le montant alloué à 50 €, estimant que « le préjudice subi par le salarié a été nécessairement limité du fait que l’adresse de la mairie de la ville de Dijon est facile à connaître et que celle de l’inspection du travail régulièrement mentionnée dans la lettre de convocation donnait partiellement l’information prévue à l’article précité » (CA Dijon 9 décembre 2003 n° 03-31, ch. soc., Carreira c/ SARL BKF Electroniques).

Dans une seconde affaire (Cass soc. 23 nov. 2010, n°08-45483), Monsieur Y avait été engagé en C.D.D. à temps partiel pour une durée de 1h30 et pour la seule journée du 14 mars 2007, en tant que distributeur de tracts. Notons que l’embauche de Monsieur Y pour cette mission avait résulté d’une suite d’échanges de mails, sans pour autant qu’un contrat en bonne et due forme ait été signé.

A l’issue de son contrat, Monsieur Y a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de requalification du C.D.D. à temps partiel en C.D.I. à temps plein, assortie de plusieurs demandes de paiement d’indemnités de rupture du contrat de travail, notamment pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour non-respect de la procédure de licenciement.

Monsieur Y a en outre formulé une demande de dommages-intérêts au titre de l’absence de mention de la convention collective applicable sur le bulletin de paie qui lui avait été remis.

La Cour d’appel, tout en faisant partiellement droit aux demandes de l’intéressé, a néanmoins rejeté la demande de dommages-intérêts formulée par Monsieur Y au motif que ce dernier ne rapportait pas la preuve du préjudice allégué.

Et c’est justement sur ce point précis que la Cour de cassation est intervenue dans le cadre du pourvoi formé par le salarié. La chambre sociale a en effet cassé l’arrêt de la Cour d’appel et fait droit à la demande de dommages-intérêts de Monsieur Y sur le fondement de l’article R. 3243-1 du Code du travail au motif que « le bulletin de paie doit comporter l’intitulé de la convention collective applicable », et qu’en conséquence « l’absence de cette information avait nécessairement causé un préjudice au salarié ».

Ainsi, la cour d’appel de renvoi (Cour d’appel de Paris mais autrement composée) – qui, vu l’encombrement des chambres, ne statuera vraisemblablement pas avant fin 2011, soit après 4 ans de procédure – devra allouer des dommages intérêts à l’intéressé. Notons quand même que leur base de calcul reposera sur le seul et dernier salaire perçu par Monsieur Y, soit environ 30 €.

En outre, depuis le 1er avril 2009, « le non-respect des dispositions légales concernant la délivrance, la forme et le contenu du bulletin de paie est sanctionné de l’amende prévue pour les contraventions de 3e classe, soit 450 euros » (article R. 3246-3 du Code du travail).

Il n’y a pas de petit combat…