Pourquoi le Droit ?
Avez-vous, avez-vous jamais eu la vocation ?
Pourquoi devenir juriste ? Juriste d’entreprise, magistrat, notaire, avocat ?
Question qui nous taraude tous un jour ou l’autre, question qu’on ne pose pas forcément impunément.
Question qu’on peut se poser à chaud (à 3h du matin au milieu d’un closing) ou à froid, le blues du dimanche soir et l’appréhension du lundi matin aidant.
Peut-être le hasard. Peut-être des comptes à régler avec les délinquants, avec la société, avec ses parents. Peut-être un choc émotionnel à 8 ans en regardant « L’inspecteur Harry » ou « Le Train sifflera trois fois ». A moins que ce ne soit, quelques années plus tard, la lecture du « Marchand de Venise » ou de Steinbeck, qui explique les raisons de la colère.
Peut-être tout simplement que vous n’avez pas la bosse des maths et que vous ne vous imaginiez pas actuaire ou professeur d’éducation civique (ou physique) à Clichy-sous-Bois.
Peut-être un peu tout cela.
Pourquoi pas ?
Ce mois-ci la « Libre tribune » de La Revue, expose le point de vue de deux jeunes futurs avocats, Nadia Sandjak et Alhousmi Diallo.
On connaît la vieille formule qui sent bon la IVème République, « Le droit mène à tout à condition d’en sortir ». Passé de mode ? Pas sûr ; Parlez en à Rachida Dati ! Dans la même veine, Gide disait que l’on fait son droit comme on fait ses dents ! CQFD, quand on a la dent dure ou les dents longues on a dû beaucoup travailler à la faculté ou à l’école de commerce (du groupe HEC).
S’agissant du droit, mais c’est certainement aussi vrai pour la médecine ou de la pâtisserie, on a parfois la vocation forcée ou la vocation familiale (on doit reprendre le cabinet comme d’autres doivent reprendre la ferme). Il existe de célèbres dynasties de juristes : les de Ferrières, les Mazeaud…
On trouve dans « La cité des femmes » de Christine de Pizan une belle anecdote. Le grand canoniste Jean d’André, glossateur du liber Sextus et des Clémentines (Corpus Juris Canonici) avait une fille brillante qu’il avait appelé « Novella » , ce qui n’est bien sur pas un hasard. La jeune femme remplaçait parfois son père à la faculté de droit canon de Bologne. On prétend qu’elle était d’une telle beauté, que, pour ne pas troubler la concentration de son auditoire, elle professait derrière une tenture légère !
Cela m’amène à risquer une hypothèse sur le taux anormalement élevé d’échec des étudiants en DEUG de droit. C’est tout simplement lié à un manque de crédits -ça tout le monde le sait- empêchant l’investissement dans des paravents lesquels permettraient d’améliorer la concentration des étudiant(e)s.
Parfois on change de cabinet, on quitte la profession, on change de vocation. Comme pour certaines histoires d’amour les désillusions peuvent venir sur le tard, à l’image du narrateur de « La Recherche », qui vieillissant, se rend compte qu’Odette, un des grands amours de sa vie, n’était pas son genre…
Balzac considère que « Les vocations manquées déteignent sur toute existence » (« La maison Nucingen ») Avait-il la vocation de juriste? Il a tâté du droit chez un avoué, Jean Baptiste Guillonnet- Merville, un homme cultivé qui avait le goût des lettres. Rien ne se perd vraiment. On retrouve un intéressant personnage d’avoué, Me Derville, dans « Le colonel Chabert » (mais également dans « Une ténébreuse affaire », « Le père Goriot » et « Splendeurs et misères des courtisanes »).
La vocation existe-t-elle ?
« Vocation » : « Action d’appeler, qui ne se dit qu’au figuré et en parlant des appels que Dieu fait à l’homme » (…). Du latin « vocationem », de « vocare » appeler. Littré dixit.
Curieusement, au XIVème siècle, par exemple dans les « Chroniques de St Denys », on utilise « vocation » au sens de citation, d’appel en justice.
Elargissons le propos du religieux au profane ; la vocation existe-t-elle ou n’est ce qu’un mythe ? Les points de vue varient.
Il y a les bienheureux et les idéalistes
« La vocation c’est d’avoir pour métier sa passion » (Stendhal)
« Une vocation est un miracle qu’il faut faire avec soi-même » (Louis Jouvet )
« Toute vocation commence par l’admiration » (Michel Tournier)
Il y a les sceptiques et les cyniques
« La vocation n’est que le résultat de la pratique » (Jean Piat)
« La vocation est un absolu inconditionnel que toutes les réussites altèrent ; plus grande est la vocation, plus vague sa définition projetée » (Hubert Aquin)
« L’individu obéissant à une vocation authentique est réactionnaire quelles que soient les opinions qu’il nourrit. Est démocrate celui qui attend du monde la définition de ses objectifs » (Nicolas Gomez Davila)
« Ma vocation, c’est ma jambe”(Talleyrand)
« Méfiez-vous des gens qui ont une vocation, il leur faut des victimes » (François Proust)
« Il s’est trouvé des filles qui avaient de la vertu, de la santé, de la ferveur et une bonne vocation, mais qui n’étaient pas assez riches pour faire dans une riche abbaye vœu de pauvreté »( La Bruyère)
Le parti d’en rire ; le point de vue anglais
“Nineteen Good Reasons to become a Lawyer (Why Not? Everyone else is)”
1. The money.
2. You got a degree in History which just about qualifies you to sell suits at Hacketts.
3. You think people who carry oversized black briefcases have an aura of worldly power.
4. Your Uncle Fred is a lawyer.
5. The money.
6. You’re a genius, you know it, and you think becoming a lawyer is the best way to make sure everyone else knows it.
7. Your parents don’t want you to break a seven-generation succession of lawyers going back to your great-great-great-great-grandfather Bert, who migrated to London from Llanwelwyn with his wife Gwyneth and half a sack of coal.
8. You want to change the world.
9. You want to own the world.
10. You’re going thin on top and you think wearing a wig at the Bar is a better bet than the Svenson method.
11. You want to get out of doing jury service.
12. The money.
13. When you were twelve, you spent you entire savings on a train set that broke down in two hours, since when your sole purpose in living has been to sue the swine who sold it to you and reduce him to servile beggary.
14. The money.
15. You were President of your University debating team and always loved the panic-struck look on the face of your opponent as you took his argument to pieces.
16. You think most male lawyers look like Harry Hamlin.
17. You think most female lawyers look like Glenn Close.
18. You want to teach law because it’s common knowledge that law tutors have lots of affairs with their students.
19. The money."
(Extrait de “The Young Solicitors Handbook”1990)
Pour conclure
Schopenhauer prétendait que le médecin voit l’homme dans toute sa faiblesse, le théologien dans toute sa bêtise et le juriste dans toute sa méchanceté.
Arthur Train est plus trivial: “The law offers greater opportunities to be at one and the same time a Christian and a horse-trader than any other profession”
A suivre (…/…)