Lire Marginalia n°14 et 16, version complète en pdf, de « Le modèle français »
« VINCENT FRANCOIS PAUL ET LES AUTRES »
« Happy birthday Mr President ». Un an, l’heure des premiers bilans, faire le point, tenir le cap. Un an, un siècle, une éternité, « On ira, où tu voudras quand tu voudras…». Nous ne sommes pas allés bien loin, et nous attendons toujours l‘été indien. L’hiver français se confirme. Récession, aucune reprise à l’horizon, et pas d’inversion de la courbe du chômage avant deux ans, voire 36 ‘Moi président’. Au rythme actuel, la cote d’impopularité de F. Hollande va bientôt atteindre le zéro absolu, moins 273 degrés d’électeurs satisfaits. Si encore c’était le prix à payer pour des réformes courageuses et indispensables. Mais rien. La synthèse du néant, ce n’est plus de la politique c’est de la métaphysique (pour ne pas dire de la ‘pataphysique’). Notre Président, plus fort que Péguy, transforme la politique en mystique ! « Normal, j’ai dit normal, comme c’est normal …».
Sur un pédalo, un dériveur, le ‘Concordia’, la ‘Méduse’ ou le ‘France’, la navigation n’est jamais normale. Privé du vent de la croissance, il faut des moteurs auxiliaires, du flair, du bon sens, ne pas hésiter à tirer des bords. On est loin du compte. Le ‘Hollandais volant’, à la recherche de l’île au trésor de la ‘normalité juste et prospère’, godille dans la marée basse des sondages, sans toucher les alizés de la croissance et de la crédibilité. L’équipage n’est guère amariné; 1/3 les copains d’abord, 1/3 marins d’eau douce, 1/3 naufragés du Toutanic DSK. La pendaison de Long John Cahuzac Silver à la grande vergue de la rue de Solferino, les larmes de crocodiles, les « promis juré croix de bois croix de fer »….Mosco veni vedi vici et le vent des discours, ne suffisent pas. Après la grande illusion, le grand bluff. « Quand on a un gros problème on le divise en petits, et les petits on les ignore » (JL Sinave). Le pays, encalminé, broie du noir. Attention aux mutineries qui se fomentent. Le Bounty, c’était en 1789. F. Hollande, capitaine ’Blind Blind’ (Après le capitaine Blight (celui du Bounty), et le capitaine ‘Bling bling’) ou capitaine Smith ? Edward (celui du Titanic), plutôt que John (celui de Pocahontas) !
Le quinquennat a commencé « Au théâtre ce soir »; d’amusantes pitreries, la chute de DSK (Cardinal Dubois du PS) et la crucifixion de J Cahuzac. Fouquet Tinville de Bercy, Judas de la gauche outragée, il a osé mentir à Marianne les yeux dans les yeux. Souvenirs, souvenirs… F. Hollande, ‘Président sans qualités’, voudrait nous faire croire qu’il va rincer ‘Calamity Angela Merkel’ et la Commission européenne, au poker menteur avec une paire de 9. « Homais vous allez voir ce que vous allez voir…». La vérité c’est que le roi est nu. La scoumoune de Jean Le Bon et Henri III réunis, coincé entre le ligueur Mélenchon (Le Zorro et l’infini) et les réformés de l’aile modérée du PS. Pour se consoler, il reste le mariage pour tous, les mignons et une bonhommie à la Louis XVI. En attendant la vente des ferrets de Trierweiler et la brioche, le gâchis continue. Peut-être vaut-il mieux en rire.
Le vaudeville politique national rappelle certains mélodrames bourgeois façon Claude Sautet : « L’arme à gauche » ?, « Un mauvais fils » ?, « Classe tous risques » ?, « Une histoire simple » ?, « Les choses de la vie» ?, « Un cœur en hiver » ?, « Nelly et Monsieur Ayraud » ? Non, vous n’y êtes pas… « François, Vincent, Paul et les autres » bien sûr ! J Cahuzac c’est Michel Piccoli (François dans le film). Après les dispensaires de banlieue, les idées généreuses, il fait des affaires et ouvre une clinique privée place de l’Etoile. Lors d’un déjeuner dominical, les copains [1] chambrent François sur la faillite du progrès social et de ses idéaux. La découpe de gigot tourne au vinaigre; «Merde, je ne vais pas entendre des conneries toute ma vie, recevoir des conseils imbéciles jusqu’à la fin des temps, …écouter un écrivain qui n’écrit pas, un boxeur qui ne veut pas boxer…je vous emmerde tous avec vos dimanches et gigots à la con » (François). La séance du gigot ou l’éternel malaise de la Gauche en particulier, et des français en général, avec l’argent et la réussite. En version italienne, «C’érevano tanti amati». On commence avec Jaurès et «Je n’aime pas les riches » (formule assez Augier…). Au bout d’un an, on réalise qu’on ne fait pas pousser le gazon en tirant sur l’herbe. Ce n’est pas enseigné à l’ENA. Pépère doit avaler le chapeau de Tonton. On biaise en louant le courage de P. Mauroy en 1983, ou G. Schröder. Après Jaurès, on passe à L. Blum, puis P. Mendes France avant d’en appeler au « socialisme du possible » (En français, il n’y a pas de plan ‘B’), au «réalisme de gauche » (Avec de subtiles variantes, Mauroyste, Jospinienne ou Ayraultesque.). Arrive le temps du ‘coming out’ social-démocrate, en attendant le Panthéon pour M. Rocard et J. Delors. Exit les promesses naïves et intenables qui nourrissent les rancœurs et la guerre civile. “Les plus dangereux de nos calculs ce sont nos illusions” (Bernanos). 1983-2013, l’histoire bégaie, 30 ans de perdus [2]. ‘France année en dessous de zéro’. « Les rides d’une nation sont aussi visibles que celles d’un individu » (Cioran).
[1] Paul (Serge Reggiani) écrivain raté, Vincent (Yves Montant) entrepreneur dans une mauvaise passe, Jean (Gérard Depardieu) jeune boxeur qui s’interroge sur la suite de sa carrière.
[2] J E Hallier relevait que c’était avec des idées mortes (le socialisme) que la gauche était arrivée au pouvoir en 1981. Bis repetita en 2012 (avec la social-démocratie).
GABEGIE LE MAGNIFISC
Qu’attend le gouvernement pour prendre au sérieux les avertissements répétés des logothètes de la Cour des comptes et mettre en place chez nous les réformes courageuses qui ont été faites outre-Rhin ? « Le progrès, c’est aussi de faire dans les moments difficiles des choix courageux pour préserver l’emploi, pour anticiper les mutations industrielles, et c’est ce qu’a fait Gerhard Schröder ici en Allemagne et qui permet à votre pays d’être en avance sur d’autre» [1]. Qu’attend-on pour renouer avec le ‘réalisme à visage humain’? « La rigueur était la condition pour poursuivre le changement » (…) Pierre Mauroy a fait des choix essentiels dont nous sommes, les uns et les autres, quelle que soit notre place dans la vie politique, les héritiers (…) Le destin de la France passe par l’Europe…Faire cavalier seul peut finir en une cavalcade sans lendemain »[2] . Le gouvernement, schizophrène, attend peut-être l’avis d’une ‘Haute autorité participative et trans-culturelle’, un ‘happening’ au festival d’Avignon, un miracle à Lourdes ? Manque de courage, de vista, ou pesanteur des corporatismes qui gangrènent le pays depuis des décennies ? Les trois mon Général. « Mettez-vous bien cela dans la tête Pompidou, les individus peuvent comprendre, les corps constitués jamais » (de Gaulle pendant l’affaire Markovic).
Pour les miracles, le pape François a exhorté les évêques à ne pas être des « fonctionnaires paresseux ». Il a fustigé « Le manque de vigilance qui rend tiède le pasteur, le rend distrait, oublieux et même indifférent (…) Il risque d’être séduit par la perspective d’une carrière, la tentation de l’argent, et les compromis avec l’esprit du monde ». François rendra-t-il à François ce qui appartient à François ? En attendant, nous attendons. Nous attendons comme Joseph K attend sa convocation au tribunal (Kafka, ‘Le Procès’), comme l’aspirant Grange attend les panzers dans les Ardennes (Gracq, ‘Un balcon en forêt’), comme Aldo attend l’attaque du Farghestan (Gracq, ‘Le rivage des syrtes’) comme le lieutenant Drogo attend l’ennemi au fort Bastiani (Buzzati, ‘Le désert des tartares’). L’éternité c’est long, surtout vers la fin… Attention au glissement progressif vers la ‘ringardisation’; F. Hollande ‘fou de guerre’ [3], Dopey [4] ou encore ‘Johnny French’ de la politique [5].
[1] F Hollande lors du 150 eme anniversaire du SPD, à Leipzig en mai 2013. [2] F Hollande lors des obsèques de P Mauroy, aux Invalides en juin 2013. [3] « Le fou de guerre », D Risi, Coluche, 1983. [4] Voir Lucky Luke ‘Ruée sur l’Oklahoma », Morris, 1960. [5] Johnny English, « Il ne craint rien, il n’a peur de rien, il ne comprend rien », 2003.
LA SOCIETÉ BLOQUÉE
MALAISE DE LA DÉMOCRATIE FRANÇAISE
Une enquête « Ipsos-Le monde » (« Les crispations alarmantes de la société française », janvier 2013) fait ressortir un désenchantement des citoyens et une vraie défiance vis-à-vis de la classe politique.
1- «Le système démocratique fonctionne plutôt bien en France ? -Non, et mes idées ne sont pas bien représentées 72 %, -Oui, mes idées sont bien représentées 28% ».
2- « Les femmes et les hommes politiques agissent principalement dans leur intérêt personnel 82 % dans l’intérêt des français 18 % ».
3- « Ces 10 dernières années la puissance économique a un peu/ beaucoup décliné 90 % ; a un peu /beaucoup progressé 7 % ».
4- « Ces 10 dernières années le rayonnement culturel de la France a un peu / beaucoup décliné 63 % ; a un peu /beaucoup progressé 27% ».
5- « On a besoin d’un vrai chef en France pour remettre de l’ordre 87 % ; L’autorité est une valeur trop souvent critiquée 86 % ».
Nos représentants, les sociologues professionnels de l’indignation, les politologues bon chic bon genre, stigmatisent ou relativisent ces chiffres et constats, les disqualifient comme ‘irrationnelles’, ‘populistes,’ ou encore les expliquent par la crise du logement à Tremblay-en-France. Mais il ne sert à rien de se voiler la face (sainte ou islamique). Pourquoi ce désarroi, comment en est-on arrivé là ?
LES RAISONS DE LA COLÈRE; INVENTAIRE À LA ‘PRÉVERICATION’
(1) ‘L’évidence pour tous’, le gouvernement navigue à vue. Désemparé, il n’a aucun programme économique cohérent à court, moyen ou long terme. Tout le monde sait que ce n’est pas avec les ‘emplois d’avenir’ et le ‘Crédit d’impôt recherche’ que se gagnera la bataille du chômage. Hollande-Ayrault, Weygan-Gamelin en mai 40, même combat [1], «… Quelle affaire, quelle affaire…». On ne prescrit pas de l’aspirine pour soigner un cancer. Gouverner ce n’est pas multiplier des slogans fumeux, «Remettre l’humain au cœur de la vie», ni préconiser « l’ordre juste », « la joie pour tous », « un ministère de la défense de l’humanité », « la démocratisation de l’intelligence et de la beauté », « l’humanisme durable». Il ne suffit pas de repeindre les centrales nucléaires en vert, de proposer la fracturation hydraulique douce et sans odeur, de passer à la retraite à 61 ans ou encore de créer la maison du « rap-slam-spam », un Master en ‘tweetologie’, ou le musée du ‘graffiti bio,’ pour changer de société et sauver la culture !
(2) Les carabistouilles et les restrictions budgétaires exacerbent les aigreurs. La multiplication des affaires (Bettencourt, Cahuzac, Tapie [2], Guéant, Balladur) et le climat délétère n’arrangent rien.
(3) Le ‘pipo-litique’ ne fonctionne plus comme avant. Entre autre parce que nos représentants n’ont plus le talent, le lyrisme et l’imagination des grands bonimenteurs d’antan.
(4) Des dirigeants coupés des réalités socio-économiques. Le mal économique français est connu [3]. Le déni est permanent. Aucune leçon n’est jamais tirée des fiascos, et les responsables, intouchables, ne rendent aucun compte. Ils restent aux commandes ou sont parachutés en douceur dans des conseils d’administration friendly, l’Institut des mondes arables, et autres petits ‘Sink tanks’ entre amis. Pour noyer le pigeon et hypnotiser les citoyens, on agite des épouvantails et des boucs émissaires [4] (l’Europe, les américains, les chinois, les belges…). On chantonne des comptines sur le retour prochain des beaux jours, on psalmodie des fables mises au point par les légistes de Philippe le Bel et le Conseil d’Etat e.g. ‘le service public’, ‘l’intérêt général’, et le tour (extérieur) est joué. « Si les singes avaient le talent des perroquets, on en ferait volontiers des ministres » (Chamfort).
(5) La confiscation du pouvoir par une caste. Les élites françaises sont endogames et l’ascenseur social hors-service. Le grand désarroi citoyen est lié au fait qu’en France la politique et le pouvoir sont monopolisés par des ‘professionnels’, souvent héritiers, indéboulonnables [5], sans légitimité ou talent particulier. Faute de temps et accessoirement d’argent, à défaut d’être fonctionnaire, rentier ou à la retraite, il est impossible de faire de la politique. L’immense majorité des français est condamnée à travailler pour gagner sa vie. Elle ne peut se mettre en détachement, hors rang ou en marge, pour rejoindre les marches du pouvoir et du Palais. C’est un dévoiement gravissime de notre démocratie. Pour le ‘vulgum pecus’, ouvriers, avocats, employés, artisans, entrepreneurs, chauffeurs de taxis, « Circulez, il n’y a rien à voir ». Une caste a confisqué le pouvoir depuis des générations et s’étonne des grognements du « Tiers Etat » !
(6) Le torpillage systématique des réformes. La ‘Société bloquée’ (M. Crozier) date de 1970. L’immobilisme mortifère de nos élites est voulu et organisé. Les politiques (à droite comme à gauche) et une oligarchie en place (bureaucrate, syndicale, professionnelle) s’accrochent à leurs privilèges. « Si un problème n’a pas de solution, pourquoi se faire du souci, si un problème a une solution pourquoi se faire du souci ? » (Proverbe chinois). Les mandarins redoutent les changements de structure et une remise à plat du système [6]. Pour calmer les esprits et échapper aux ‘Etats généraux’ nous avons l’’Etat généreux’, une chimère qui repose sur le clientélisme et un corporatisme généralisés. [7] Mais tout cela a un prix. Un coût financier (aggravation de la dette et gel des réformes indispensables) et un coût symbolique. Ne pas dire la vérité sur la gravité de la situation économique et sociale ou ne l’admettre que dos au mur est désastreux pour l’image et la crédibilité des politiques vis-à-vis des citoyens. L’argument « il ne faut pas désespérer Billancourt » [8] est pervers et dangereux pour la Démocratie. Les politiques apparaissent en effet comme (i) lâches et démagogues, (ii) menteurs et (iii) sans crédit. C’est par ailleurs un faux calcul. Aujourd’hui, beaucoup de français sont lucides et prêts à entendre la vérité sur la gravité du mal national.
«TOUT CHANGER POUR QUE TOUT RESTE COMME AVANT…»
Que faire ? La multiplication des lois, des commissions et des ‘Hautes autorités’ est un leurre. Depuis des décennies, les lois et les rapports sur la transparence et la déontologie de la vie publique se succèdent, en vain. Au débotté, lois de 1988, 1990, 1993, 1995, 2003, « Comité de réflexion et de propositions sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Vème République » (dit ‘comité Balladur’) en 2007. Rebelote en juillet 2012, avec la nomination de la « Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique » présidée par Lionel Jospin [9]. Le constat ne varie pas: « Notre démocratie traverse une crise de confiance. Cette crise, aggravée par les difficultés économiques (…) et par le sentiment qui en résulte d’une certaine impuissance de l’action publique, peut aussi apparaître comme une crise de légitimité. Il est nécessaire d’ouvrir le chantier de la rénovation de la vie publique » [10]. Bon dieu, mais c’est… bien sûr !!! Merci inspecteur Lionel et Professeur Jospin. Pour les travaux pratiques, voir les affaires Cahuzac ou ‘Tapie-Estoup-Richard-Lagarde-Sarkozy-etc.’. «Vous avez voulu éviter la guerre (civile) au prix du déshonneur, vous avez le déshonneur et vous aurez la guerre » (Churchill).
La ‘Commission pour la transparence financière de la vie politique’ (née en 1988) est morte, vive la ‘Haute Autorité de la transparence de la vie publique’, sponsorisée par Windex, ‘Monsieur Propre’ et ‘Pax citron’ ! Composée de 6 hauts magistrats et 4 ‘personnalités qualifiées’ choisies par l’Assemblée et le Sénat, elle est en charge du contrôle des déclarations d’intérêt et de patrimoine de 7 000 personnes (membres du gouvernement, parlementaires et grands élus locaux). Bon courage ! L’accouchement du plan ‘Mani pulite’ made in France se fait sous péridural. La frilosité (pour ne pas dire le rejet) de la plupart des politiques s’agissant du non-cumul des mandats, de la transparence et d’un contrôle efficace des conflits d’intérêts rend perplexe [11]. C. Bartolone, Président de l’Assemblée Nationale, a des scrupules de rosière: « La publication des déclarations de patrimoine alimentera les dérives populistes et les tentatives de déstabilisation des élus ». Il ne faudrait pas « confondre contrôle de la probité des parlementaires et intrusion généralisée et malsaine dans leur vie privée (….) La transparence absolue est un mythe…loin de rétablir le lien de confiance entre les citoyens et leurs élus, elle risque de nourrir la suspicion et d’affaiblir la légitimité des élus de la Nation ». Admirables mises en garde, fortes paroles frappées au coin du ‘bon cens‘ qui redonnent confiance aux citoyens. Hélas, le mal est déjà fait. Trop de ‘Flosse’ déclarations, fiscales et de principe. Infortune de France.
« SICK TRANSIT …»
Quand les ‘toilettes sont bouchées’ il ne suffit pas de se pincer le nez ou d’espérer une vidange par l’opération du Saint-Esprit, d’Allah ou de l’Etre suprême. N. Sarkozy n’a rien débouché. Il a donné trois coups de ventouse en s’écriant « Ca ne sent pas bon, j’ai l’impression que les WC sont bouchés ». Le problème, c’est qu’il n’y a pas de Destop dans la boite à outil du nouveau Président. F Hollande n’est pas plombier, il est énarque ! [12] N Vallaud Belkacem, avec un sourire d’hôtesse d’accueil, se veut rassurante : «Il ne faut pas exagérer, ça ne sent pas si mauvais que cela, et puis nous allons débloquer des crédits pour acheter des réserves de Spray ‘Senteur du grand large’ ». La politique du chat crevé au fil de l’eau. Il est trop facile de renverser les rôles et les responsabilités, de faire le procès des vilains « populistes » [13]. Qui est censé représenter la nation ?! Qui a le devoir de dire la vérité sur la gravité de la situation !? Qui a l’obligation de proposer un programme et non pas des slogans, de défendre l’intérêt général au-delà des corporatismes !? Le peuple sent que les chefs sont faibles, médiocres, désemparés. Angoissante ‘fin de partie’ [14] avant… l’entrée des loups dans Paris ? Il est grand temps que les barons, les éléphants, les petits marquis et les grandes duchesses du PS, de l’UMP, du PC, du Front de gauche ou National, verts, rouges, bleus, roses, les apparatchiks et choc de l’énarchie, ouvrent les yeux, tendent l’oreille, relisent leurs classiques politiques [15] et fassent leur autocritique. « La politique c’est comme l’andouillette, ça doit sentir un peu la merde, mais pas trop » (E Herriot). Nous avons malheureusement perdu le « AAA » et dépassé la cote d’alerte.
[1] Ses subordonnés, avaient surnommé le général Gamelin ‘Baudelaire’, car toute sa doctrine se résumait dans un vers : « Je hais le mouvement qui déplace les lignes ».
[2] Dernière minute ; rumeur d’une possible garde à vue de l’avocat de l’avocat de Me Lantourne, l’avocat de B Tapie ! [3] Voir ‘Marginalia’ no 15; Faible rentabilité des investissements industriels, esprit d’entreprise défaillant, absence de flexibilité, coût du travail et fiscalité indirecte trop élevés. «La France est un pays extrêmement fertile: on y plante des fonctionnaires et il y pousse des impôts» (G Clemenceau). [4] Je suis tombé par terre c’est la faute à Thatcher; J’ai glissé sur une peau de banane c’est la faute à Reagan… [5] Un mot d’ordre; ‘J’y suis j’y reste’. Un exemple, Jack Lang. Admirateur de P Mendes France, il adhère au PSU dans les années 60. 50 ans plus tard, après sa défaite aux élections législatives de 2012, Jack le Muezzin, Iznogoud du tambourin, a encore trouvé le moyen de se faire nommer Président de l’’Institut du monde arabe’. [6] Veilles craintes inconscientes ou non, de traumatismes passés, de perte de contrôle, la Fronde, juillet 89, mai 68, automne 95 ? [7] Les agriculteurs sont ‘achetés’ (et sous perfusion avec la PAC), la fonction publique est ‘achetée’ (avec son statut, ses ‘droits acquis’, la sécurité de l’emploi) et hypnotisée par ‘l’amour du censeur’, les dockers, les cheminots sont ‘achetés’, les intermittents du spectacle sont ‘achetés’, la paix sociale est achetée… à crédit. [8] Ou aujourd’hui, disons ‘L’éducation Nationale’, puisque la classe ouvrière est en voie de disparition. [9] Lionel Jospin, Edouard Balladur de la Gauche ? [10] « Aucun responsable politique n’est regardé comme pleinement légitime au seul motif qu’il a été élu. Sont en cause aussi bien les modalités d’accès aux responsabilités publiques que les conditions dans lesquelles celles-ci sont exercées… » (Rapport Jospin)
[11] Les courageux citoyens lanceurs d’alertes échapperont-ils au fichage ? Bénéficieront-ils d’une protection rapprochée ? Une certitude, les ‘divulgations d’informations’ seront punies d’un an d’emprisonnement et 45 000 e d’amendes ! On n’est jamais trop prudent… [12] Nous avons trop d’énarques et nous manquons de plombiers en France. [13] Qu’est-ce qu’un ‘populiste’ ? Quelques propositions de définition: un citoyen qui n’est pas content, un sans culotte qui n’est pas content et ose le faire savoir, un citoyen qui ose dire du mal des politiques ou des élites, un fou qui prône le recours au peuple , un politique qui dit qu’il faut écouter les messages qui remontent de la base, quelqu’un qui ne partage pas mes idées ou qui ne vote pas comme moi …?
[14] Triste actualité des analyses de W Reich; la peur du déclassement des classes moyennes, la régression émotionnelle etc. [15] « Le Prince » (Machiavel) a 500 ans, le Discours de la servitude volontaire’ (La Boétie) 464 ans.
« DEFONCE ET ILLUSTRATION DE LA LANGUE FRANCAISE » [1]
DES CHIFFRES ET DES LETTRES
Le Bac a du plomb dans l’aile. Cafouillages des épreuves de langues [2], fuites organisées par l’Académie de Toulouse [3], correcteurs encouragés à ‘tripatouiller’ et sur-noter les copies de français [4]. « Nivellement par le Bac » et chronique d’une mort annoncée. A quoi sert un examen si tout le monde est reçu ? L’absence de sélection favorise l’afflux de faux étudiants, ‘chasseurs de bourses’, plus intéressés par les aides et le ‘resto U’ que par Merleau-Ponty et le théorème de Gödel [5]. Malheureusement le niveau du Brevet baisse aussi [6]. Le coût de la mascarade du ‘Bac pour tous’ estimé par le ministère à 50/100 millions d’euros serait en réalité de 1,5 milliards d’euros par session [7]. Cela fait cher l’assignat. « L’ignorance est une passion » (Lacan).
Désarroi des intellectuels et mélomanes défenseurs du service public. Victimes de sombres coupes budgétaires (2%), plusieurs piliers de la Culture nationale disparaissent : ‘Taratata’, ‘CD Aujourd’hui’, ‘Chabada’, sans oublier une émission en prime time (1 heure du matin) ‘Des mots de minuit’. A. Filippetti voudrait défendre la sacrosainte « exception culturelle française » (sorte de couteau sans lame auquel il manque un manche) mise à mal dans les négociations Europe-Amérique sur le commerce et l’investissement. Marché de dupes et angélisme franchouillard de mauvais aloi. « Il s’agit d’un débat européen, d’une ambition universelle, d’une conviction non négociable : la France ira jusqu’au bout pour défendre cet idéal » [8]. Les américains ont des sueurs froides, l’action Walt Disney est en chute libre, Beethoven, Malraux, Nagui et D Boon respirent. «Il y en a qui portent leur crainte. D’autres qui la traînent» (Montherlant, ‘Port-Royal’).
LANGUES ÉTRANGÈRES
Levée de boucliers arvernes contre le projet du ministre de l’enseignement supérieur, G Fioraso, qui souhaite qu’1% des cours soit dispensé en anglais à l’université, pour mettre « la loi en harmonie avec les besoins du pays ». Quite…. Les syndicats appellent à la grève. On ne change pas une équipe qui gagne. La France, le pays de Du Bellay, Racine, La fouine, G. Musso et Didier Morville (dit ‘JoeyStarr’) en voie de mondialo-scandinavisation ? Shocking/‘Ça craint’ [9] ! Selon la Commission européenne, le niveau d’anglais des jeunes français est plutôt bon chez les débutants mais se dégrade ensuite rapidement [10]. Les résultats 2012 du Toefl, placent la France en 23ème position sur 54 pays testés [11]. L’enseignement de l’anglais et des langues vivantes n’a jamais été la force de notre système éducatif. Un handicap qui coupe les étudiants français des meilleures universités anglo-saxonnes ou plus généralement non francophones. V. Peillon, Jean Moulin à paroles de la rue de Grenelle, défend le multilinguisme et veut renforcer l’enseignement des langues régionales. « Le patriotisme, c’est une France sûre d’elle-même (…) Il faut que la France attire l’intelligence partout dans le monde et que nous diffusions notre français partout dans le monde ». « Indeed my friend, indeed ! ». Le français bientôt protégé par la charte européenne des langues régionales ! Et si on donnait les cours d’anglais en occitan. Comment dit-on « Killing 2 birds with one stone » en breton…? Au Bac philo cette année, « Le langage n’est-il qu’un outil ? ».
LANGUES VIVANTES
Ne soyons pas grincheux. Les linguistes rappellent que les langues évoluent, se métissent, s’enrichissent, gagnent en poésie. Il faut s’adapter, vivre avec son temps; l’imparfait et le con-ditionnnel. La guerre des boulons « Tu m’as lanceba (balancer) au proviseur espèce de tarba, à cause de toi sale chacal, je vais manger une exclusion. »/ « Eh madame, c’est abusé 4 heures de colle, on vous a juste manqué un chouïa d’respect, c’est pas comme si on avait foutu le dawa dans votre cours ! « C’est le temps des copains… » « Charly le Chauve, c’est une zoulette, il est en sang (il panique) dès qu’il croise le boss de la street « , / « Laisse-moi faire mes bails, fais pas le faux frère sinon je vais te suriner avec un mouss (couteau) de boucher ! » … « Et de l’aventure… » « Mon billet que je te fume (je te corrige) à Collof, je vais te zlataner, t’arriveras jamais à toucher mon level » / « C’est la trik, j’ai décroché un CDI de médiateur à Venvlin (Vaulx-en-Velin), le recruteur, il s’en battait les yeukous (couilles) de mon soi-disant accent des cités » / « Kafass, tu viens chauffer la console chez moi, vas-y, j’ai l’écran plasma de folie ! Tous les garçons et les filles de mon âge….«Je suis tout rouge, faut que je tape la harba (la fuite), la zabour atomique, chaud comme elle me fait trop d’effet » / « Depuis que j’ai fini de manger la gamelle (je suis sorti de prison), je kiffe trop la night, je zouke, je fais mon MC (abréviation de Maître de Cérémonie, un rappeur) avec des meufs, toussa toussa » Les 400 coups « Je suis enfouraillé comme un Yougo, on va pouvoir monter sur un braco à Bériz (Paris) / « Ils ont voulu me clasher mais je les ai mis viteuf (vite fait) à l’amende en distribuant les balayettes » / « Le schtroumpf (policier), je lui ai dit « Vas-y calme-toi, va voir ton marabout » et hop, direct dans l’aquarium, c’est le mektoub (destin) Touche pas au Grisbie « C’est un nessbi de la balle, je fais la collec’ des violets (les billets de 500 euros) sans jamais flipper ma race » / « Le gros tartare (fou), il a voulu défier le sisgro (verlan de grossiste, fournisseur des dealers) en lui disant « Va jouer sur l’autoroute », ben, il s’est fait goumer, normal » / « Je veux d’abord test ta meumeu, tu me files un meuj (verlan de gramme) et si c’est bav (bien), je t’assure de belles transacs » / »Comment il a fait la hyène (le malhonnête), il nous a refourgué du tcherno, si je le coince, il va la lâcher la moula (nous rembourser) » [12]. Les langues se délitent…La France, mère des arts martiaux, des armes et des hors la loi.
LANGUE DE BOIS
Parlez-vous le Hollande ? Non, F H n’est pas un mou [13] ! Inflexible sur les promesses, c’est le Staline du « Je vais », le Gengis Khan du « Je veux », le Attila du « Vous allez voir », le Charlemagne des « Observatoires consultativo-participatifs » et le… Daladier du « compromis ». Le Président n’est pas ennemi d’une certaine naïveté. Il y a un an, il en appelait au «patriotisme de ceux qui ont reçu le plus comme cadeaux fiscaux, sans qu’il y ait une volonté de punir qui que ce soit, parce que nous avons besoin de tous…. Les classes moyennes ne seront pas touchées par les mesures qui seront prises dans les prochains jours comme dans les prochaines semaines » [14]. F Hollande demande à être jugé sur son ambitieux programme et sur ses actes… surtout si le contrôle est impossible. Rappelons les trois priorités du quinquennat : « la justice, la jeunesse, l’éducation ». Il ne manque plus que « La joie de vivre pour tous », et « L’immortalité durable ».
Le Président est entouré de communicants, conseillers, « souffleurs d’idées ». Son porte-parole officieux, A. Morelle, a une mission importante : «Son rôle, c’est de produire des analyses politiques et d’aider à la compréhension de la société ». Vaste programme ! Agnan [15] d’expliquer : « Mon intention n’est jamais d’enfumer, mais d’éclairer. D’apporter la lumière qui vient de l’Elysée ». Lumineux comme un ‘La Tour’ [16] ! «Obscure clarté qui tombe des étoiles» (Corneille) ou «Affreux soleil noir d’où rayonne la nuit» (Hugo) ? F. Hollande, M. Jourdain du syntagme, Prince de l’anaphore (Moi Président…), affectionne le zeugma, la syllepse, l’anacoluthe des classes, et la formule chic et choc de simplification du discours ; « Trop d’affaires ! ». Mais sa vrai spécialité c’est la parole oiseuse, la tautologie, le pléonasme, la pétition de principe, l’affirmation creuse, le datisme [17] et l’auto-persuasion permanente : « Je veux être un Président qui d’abord respecte les Français, qui les considère ». Elu, « Vêtu de probité candide et de lin blanc», sans peur ni reproche, notre ‘Booz endormi‘ va livrer la mère de toute les batailles, «Une lutte implacable contre les dérives de l’argent, de la cupidité et de la finance occulte » ! Quand les bornes sont frenchie, il n’y a plus de limites.
L’oxymore [18] a le vent en poupe chez les Diafoirus de la ‘Com politique’. Comment sécuriser l’emploi par la souplesse ? Avec la ‘flexisécurité’ voyons ! On connait le ‘développement durable’, ‘l’industrie verte’, le ‘droit souple’ [19] bientôt, ‘l’abondance frugale’, la ‘pollution écolo’ et la ‘décroissance productive’. F. Hollande, qui se hâte lentement à l’insu de son plein gré, est-il un ‘faible fort’, un ‘fort mou’ ou un ‘flexidur’ ? Chacun son truc [20]. Les canadiens ont eu le parti ‘progressiste-conservateur’ et le drapeau brésilien propose un programme Ayrault (hic) ‘Ordre et progrès’. Il y a 50 ans une bande- annonce vantait « Le nouveau film traditionnel de Jean Luc Godard »…. ‘Le Mépris’ ! Un rappel salutaire de Montherlant : « Gouvernants, méfiez-vous des mots. Ils soulèvent les montagnes quand ils sont des mots vivants ; ils les sapent quand ils sont des mots morts. Rappelez-vous que, de même qu’il est préférable de ne pas donner un ordre, à en donner un dont l’exécution ne sera pas exigée, de même il est préférable de se taire, à lâcher des mots qu’on a privés de leur aiguillon ; je vais jusqu’à croire que le vice du verbiage est une des causes de notre décadence : on avait beau nous dire (comme aujourd’hui) les meilleures choses du monde, personne n’écoutait plus. Qu’on me pardonne un concetto : dans ce creux, la nation s’engouffre » (‘Le solstice de juin’).
Les politiques n’ont pas le monopole des palinodies. Langue de bois écolo et biodégradable de l’ASN [21] concernant un projet d’enfouissement de déchets nucléaires [22]. L’ASN a revu la copie de l’ANDRA [23], maître d’ouvrage du site. «A l’avenir, l’Andra devra cependant combiner plus systématiquement approches déterministe et probabiliste, notamment pour évaluer l’impact du stockage et quantifier l’aléa sismique (…et…) les incertitudes résiduelles » sur l’homogénéité de la couche d’argile. Eureka et euphémismes au service de la mauvaise foi. Pourquoi partout cette logomachie, galimatias, pédantisme frelaté de pseudo-experts ? Y aurait-t-il un problème en amont, du côté de la transmission et des pédagogues ?
[1] «La Deffence, et Illustration de la Langue Francoyse », Du Bellay, 1549. [2] Les enseignants notent leurs propres élèves, les fiches d’évaluation proposent un éventail de notes réduit pour limiter les dégâts… [3] L‘Académie a mis en ligne plusieurs jours avant l’examen 25 sujets d’épreuves de compétence expérimentale de SVT. [4] Les professeurs de lettre de l’académie d’Orléans se sont fait chapitrer par des inspecteurs pédagogiques; « Vous allez devoir faire preuve d’indulgence pour le Bac 2013 …votre attitude de notation est négative », par exemple en utilisant un barème sur 24 et non sur 20. En 2012 l’académie d’’Orléans avec 83,3% de taux de réussite pointait à la 22eme place, un point et demi sous la moyenne nationale, Bouhouhouhou ! [5] Voir ‘Le Monde’ du 27 mai 2013, « L’université face à un afflux de faux étudiants boursiers ». [6] Selon une enquête récente du Ministère , pour l’histoire-géographie, entre 2006 et 2012, la part des élèves de faible niveau est passée de 15 à 21 %, la proportion des ‘bons’ élèves diminuant de 10 % à 6 %. Les élèves ‘faibles’ sont uniquement capables « de réponses ponctuelles et dispersées (et ont du mal) à traiter et interpréter des informations auxquelles ils ne peuvent le plus souvent pas donner de sens« . Soft et cool, la rue de Grenelle admet un « affaiblissement de l’assimilation par les élèves d’une culture scolaire géographique et historique, qui ne peut s’expliquer par un changement de programme ». [7] Evaluation du syndicat SNPDEN-Unsa. [8] « Il s’agit pour la France d’une conviction d’ordre politique et philosophique. Une conviction à laquelle notre pays est profondément attaché : la culture n’est pas une marchandise comme les autres. La mécanique du marché n’est pas capable de prendre en compte la valeur spécifique des biens culturels. Ce qui est en jeu, c’est la capacité d’un pays à se représenter le monde. Nous ne pouvons pas abandonner la culture aux lois aveugles du marché ! » (A Philippetti). Hypocrite et creux comme un tambour made in France. Quand les caisses sont vides il faut trouver de l’argent, par exemple en développant les partenariats ou du mécénat. La BNF, le Louvre l’ont bien compris. Sur le terrain G Durand a une vision plus triviale de la situation « La télé fabrique du buzz pour Youtube ». il y a longtemps que la médiocrité hollywoodienne ‘Mainstrain’ a envahi le quotidien ‘culturel’ des français. Parlons vrai; la défense de l’exception culturelle française c’est, côté ‘culture,’ la défense de ‘Bienvenue chez les ch’tis’ (contre Superman le Yankee), et côté ‘exception’, entre autres fromages affinés (Appellation d’origine Contrôlée), le maintien du statut (exorbitant…de droit commun) des intermittents du spectacle. The shit will soon hit the fan … [9] Une consolation, l’allemand ne va pas mieux. ‘Rindfleischetikettierungsueberwachungsaufgabenuebertragungsgesetz” mot de 63 lettres, le plus long de la langue allemande (qui signifie « loi sur le transfert des obligations de surveillance de l’étiquetage de la viande bovine« ), disparait, victime d’une modification des règlements de l’UE sur le contrôle des bovins. [10] Les résultats en anglais ont baissé entre 2004 et 2010 à la sortie du collège. Les cours d’anglais sont dispensés aux 7-8 ans par des enseignants qui maîtrisent mal la langue. En 3eme les collégiens reçoivent la certification A1 [premier niveau] sans avoir passé aucun test. [11] Loin derrière la Belgique, l’Allemagne et les Pays-Bas mais devant la Lituanie et la Lettonie ! [12] Extraits de « Le petit livre de la tchatche », V Mongaillard, 2013. [13] Intraitable, garant des principes, défenseur de l’article 161 du code civil, il vient de refuser une dérogation permettant le mariage d’un beau fils avec sa belle-mère. L’association «La belle-mère pour tous» en appelle à la ‘Cour Européenne des Droits de l’Homme’. [14] Confronté à la médiocrité des résultats des redressements fiscaux, pour les exilés et les fraudeurs qui acceptent de se faire soigner, Bercy réfléchit à la mise en place d’une ‘salle de shoot’ dans le Palais Omnisport; distribution gratuite de faux billets de 500 euros pour le sevrage, assistance de bénévoles pour remplir les formulaires 2035 et 2037 et les liasses fiscales etc. [15] Voir « Le petit Nicolas ». [16] Selon O Macron (Secrétaire général adjoint chargé des affaires économiques) «…il est plus chevau-léger. Il aide le Président à se définir ». Inquiétant ! Un autre collaborateur d’ajouter « Il est nécessaire pour mettre de la polyphonie dans le concert élyséen. C’est un contrepoids à la doxa européenne qui règne via la cellule diplomatique ». (Rapporté dans ‘Le Monde’ du 19 juin 2013). On ne s’entend plus !…Pipo, violon ou grosse caisse ? [17] « Manière de parler ennuyeuse, dans laquelle on entasse plusieurs synonymes pour exprimer la même chose, par exemple : je suis aise, content, satisfait, ravi de vous voir » (Littré). [18] Du grec ‘oxymoron’ de ‘oxus’ aigu, spirituel, fin et ‘moros’ sot, fou, stupide.
[19] Ou ‘droit mou’, de ‘anglais ‘soft law’. Voir l’étude du Conseil d’Etat sur ce thème, attendue pour septembre prochain. [20] A l’est à la grande époque, aujourd’hui au sud, on fait plutôt dans le pléonasme des ‘Républiques populaires démocratiques », 3 précautions valent mieux qu’une… [21] ‘Autorité de Sureté Nucléaire’. [22] Le projet vise à confiner dans l’argile de la Haute-Marne, à 500 mètres de profondeur, des déchets nucléaires à vie longue. [23] ‘Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs’.
PÉDAGOGIE, CACOGRAPHIE ET TRANSMISSIONS DES SAVOIRS
Les maitres grammairiens ne montrent pas toujours l’exemple. Dans la famille des cacographes, je demande le pédago sémiologue es’ didactique, plus fasciné par les rouages que par la transmission [1]. Rappel pour les ignares, ‘Tel Quel’: « le stylème est appréhendé comme un caractérisème de littérarité, c’est-à-dire comme une détermination langagière fondamentalement non informative (même fictionnellement) dans le fonctionnement textuel » [2], « On peut donc se livrer à un deuxième ratissage de la page, en quête de marques langagières se constituant peu à peu, par accumulation-augmentation-imbrication, à l’intérieur et au cours du tissu textuel concret en question » [3]. Les bons élèves ont reconnu la prose de l’insurpassable G Molinié, apparatchik de l’Education Nationale, Hermès des sémio-philologues et grand cacographe qui ne se laisse jamais à Barthes [4].
Hilarant et désastreux quand on sait que ce salmigondis psycho-linguistico-pédagogique fait encore florès à l’université ou dans les ex-futurs IUFM. P. Mari dénonce avec talent la constance d’une double imposture : « Aujourd’hui, tout professeur de français ayant à la fois une conscience exigeante de sa tâche et le recul que donnent plusieurs années d’expérience le confirmera : il lui faut se battre sur deux fronts – l’inculture de plus en plus décomplexée qui monte inexorablement d’«en-bas», et la sottise qui se déverse d’«en-haut» par tombereaux de prescriptions méthodologiques, protocoles d’apprentissage et séquences pédagogiques. Deux fronts dont il n’est pas nécessaire d’être grand clerc pour comprendre qu’ils se renforcent mutuellement : plus les Tables de la loi didactique renchérissent sur leur sophistication formelle, plus les élèves y opposent une résistance butée; plus les performances des élèves s’effondrent, plus il faut inventer de dédales scolastiques qui escamotent l’évidence de cet effondrement. (…) Les Trissotin lui ont appris (à l’élève) l’art d’écraser un texte littéraire entre l’enclume des pseudo-concepts linguistiques et le marteau des bonnes intentions civico-humanitaires, et de le réduire à quelques truismes portatifs. Plus profondément, et plus dramatiquement, ils ont conforté en lui cette disposition si caractéristique de l’époque : la revanche des petits malins sur les grands maîtres. Quoi de plus efficace, en effet, pour éviter qu’une tradition prestigieuse ne nous juge et ne nous condamne, que de la faire passer au crible de nos grilles techniciennes ? (…) Reste que l’enseignement du français ne peut être considéré comme un champ de ruines parmi d’autres, parce qu’en s’effondrant, la maîtrise de la langue et la compréhension des textes écrits ont emporté avec elles la capacité d’argumenter et l’intelligence critique » [5]. lls ont éteint la lumière !
[1] Son royaume ce sont les actes de parole (locutoires, illocutoires, et perlocutoires), les connecteurs logiques et temporels, les marqueurs d’énonciation… [2] G Molinié, « La Stylistique » (Que sais-je ?, 1989). [3] G Molinié « La Stylistique » (PUF, Premier Cycle, 1993). Ou encore, arpenteur et sismographe de l’œuvre, à l’œuvre; «Le narrateur dit au lecteur que la princesse de Clèves dit à son mari, M. de Clèves, que la reine Dauphine lui a dit (à elle la princesse) que le vidame de Chartres lui a dit (à elle la reine) que M. de Nemours lui a dit (à lui le vidame) qu’un ami lui a dit (à lui le duc) qu’une dame a dit à son mari (son histoire) ( « Sémiostylistique et socio-poétique de la réception »). [4] Il y a 50 ans, R Picard avait mis en boite certains travers du « Sur Racine » de R Barthes («Nouvelle critique, nouvelle imposture»). [5] P Mari; ‘L’enseignement des lettres au royaume de Trissotin’.
« LA FRANCE IRREELLE »
De l’actualité d’un essai d’E. Berl publié en 1957.
« La politique française me semble évoluer moins comme une histoire que comme une névrose. Son trait dominant, à mon estime, c’est l’affaiblissement progressif du sens du réel qu’elle manifeste, depuis quinze ans. Politique schizophrène (…).
La détérioration du vocabulaire me paraît, ici, un premier signe clinique. Je regrette qu’on le néglige. Je sais bien qu’il en est de plus douloureux, mais il n’est pas de plus clair, et il me semble que la première tâche des intellectuels, sinon des pouvoirs, serait d’y prendre garde : il leur appartient de veiller au langage. Non seulement Mallarmé le disait, mais encore Confucius. (…) Le mot : « relance », qui se propage beaucoup depuis plusieurs mois, ne vaut pas mieux. Je l’ai cherché dans Littré, mais en vain. Je l’ai trouvé dans le dictionnaire Larousse, mais sous une seule acceptation : « au poker, nouvel enjeu qu’on ajoute à celui de son adversaire ». Il y a bien le verbe : relancer. On l’emploie en vénerie : on relance un cerf. Abel Hermant avait donné pour titre à un récit : « La biche relancée ». D’où, dans Quillet, le sens dérivé « harceler quelqu’un pour l’engager à quelque chose qu’il n’avait pas envie de faire ». Il me semble donc fâcheux qu’on parle tant de « relance européenne », et regrettable qu’il n’y ait pas de « grand prince » pour froncer le sourcil, quand on le fait devant lui (…).
Tout se passe comme si nos orateurs travaillaient à offusquer les mots, et nos comptables, à embrouiller les comptes. Goethe faisait l’éloge de la comptabilité en partie double pour le souci de rigueur qu’elle manifestait. Mais, si notre comptabilité est devenue de plus en plus savante, elle ne cherche plus à révéler, aussi clairement qu’il se peut, les recettes et les dépenses. Elle cherche plutôt à les cacher. L’imposture, ici encore, prend un caractère quasi institutionnel. (…) Même ce dernier stade, je crois d’ailleurs que nous l’avons dépassé. Le mensonge, chez nous, cherche de moins en moins à être cru. On fausse les indices, les comptes, les prix, les changes, mais tout le monde le sait. L’imposture triomphante n’a plus pour objet de faire illusion, mais de respecter un certain code de convenances, qui d’ailleurs n’est formulé nulle part. Le ministre joue son rôle dans un scénario dont il n’est pas l’auteur. On s’attend à ce qu’il dise : les prix ne monteront pas, les denrées ne manqueront pas, le franc gardera son pouvoir d’achat, l’Indochine restera française. S’il ne le dit pas, on le conspue ; s’il le dit bien, on l’acclame. (…)
Les politiques français peuvent ne pas se soucier du fait, parce qu’au départ, ils ne s’attendaient pas trop à ce qu’il confirmât leurs idées. Les erreurs les plus flagrantes les disqualifient rarement, aux yeux des autres et aux leurs propres, pourvu qu’ils résistent à la tentation de les avouer. Aussi, quand la France rêve, il faut de bien grands malheurs pour la réveiller. Cette souplesse, cette mollesse ne sont pas sans avantages. Elles donnent au pays, un fond de stabilité que n’entame pas l’instabilité des constitutions ou des ministères. L’inconvénient, c’est qu’elles rendent très difficiles les choix politiques et de faire accepter leurs contreparties. Pour déclarer sans ambages le coût d’une politique, comme le prix d’une marchandise, il faut une certitude et une assurance qu’aucun chef français n’a eue, depuis Clemenceau et Poincaré. On n’ose pas dire : oui, il faudra que les jeunes se privent pour nourrir les vieux. On dit que les vieux seront nourris et que les jeunes n’auront rien à débourser. C’est que chacun, électeur, législateur, ministre pense confusément que, si les mesures proposées n’étaient pas prises, les vieux mangeraient quand même, et qu’ils ne seront sans doute pas les premiers, certainement pas les seuls bénéficiaires des dispositions projetées en leur faveur. Tantôt on insinue qu’on n’aura pas à payer le prix de ce qu’on achète : « Cela ne coûtera rien, ce sera payé par l’étranger, par les riches, par des divinités mystérieuses tels que le Crédit ou l’Expansion ». Et tantôt, le plus souvent, on déclare : « C’est nécessaire. L’honneur national, la grandeur française, la justice sociale, la solidarité humaine l’exigent. Nous le ferons coûte que coûte », ce qui, à la vérité, n’a pas de sens et évite d’avouer, de calculer même, le prix réel qu’en fin de compte paiera le peuple ». 55 ans plus tard, rien n’a changé. Toujours et encore des faux monnayeurs.
FLORILÈGE
Sur l’air facile mais réjouissant de ‘Je vous l’avais bien dit’…
Septembre 2005 Le référendum sur la Constitution européenne a joué un rôle de révélateur. On s’en doutait, mais la fracture n’est pas seulement sociale. Le pays traverse une crise générale structurelle de confiance. Notre contrat social, qui date des « 30 Glorieuses », récemment et bien légèrement estampillé « modèle français », ne fait plus rêver beaucoup de monde. Une fois de plus, on se paie de mots/maux. Camus disait que mal employer les mots, c’est ajouter à la misère du monde.
Le travail et les chantiers politiques, économiques, sociaux et culturels sont colossaux, à la mesure de l’enjeu, i.e. notre capacité à vivre ensemble, à trouver un nouvel affectio societatis hexagonal. ‘New Deal’ ? ‘Plan Marshal’ ? Non, cela sonne trop américain ! ‘Nouvelle République’ ? Peut-être, mais la crise n’est pas seulement institutionnelle. ‘Nouvelle société’ alors ? (déjà en 1970, Chaban-Delmas …). Mais l’espoir et la confiance ne se décrètent pas. Ils sont subjectifs, impalpables, souvent irrationnels ; ils peuvent revenir mais ils ne se décrètent pas. Il serait dramatiquement irresponsable pour nos dirigeants, les décideurs de ne pas prendre le désenchantement national au sérieux. Il n’y aura plus beaucoup d’avertissements sans frais [1].
Avril 2006 Il nous reste l’énigmatique formule de notre ministre de la justice sur le « caractère immédiat de la prise de conscience de l’intérêt de la réforme »… S’agissant du déclin de la loi – sans aller jusqu’à la loi du déclin – je suis sans illusion et redonne la parole à Chamfort pour le mot de la fin : « C’est une chose avérée qu’au moment où Monsieur de Guibert fut nommé gouverneur des Invalides, il se trouva aux Invalides, 600 prétendus soldats qui n’étaient point blessés et qui, presque tous, n’avaient jamais assisté à aucun siège, à aucune bataille, mais qui, en récompense, avaient été cochets ou laquais de grands seigneurs ou de gens de place ». C’était il y a 250 ans, c’était l’Ancien régime, c’était il y a au moins cinq constitutions et autant de républiques. Les faits sont têtus et les bonnes habitudes ne se perdent pas. Existerait-il une malédiction française de la gouvernance ? ! [2]
Septembre 2007 Un grand « Débat [lage] national sur la fonction publique » vient d’être lancé. Il existerait aujourd’hui près de 500 corps différents dans la fonction publique d’État. C’est beaucoup trop. Après la fusion de la Direction Générale des impôts et de la Direction Générale de la Comptabilité Publique, il n’en restera plus que 499. Une vraie révolution est en marche ! Le « Comité de réflexion et de propositions sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Vème République » est pour sa part sensé réfléchir au renforcement des moyens de contrôle et d’initiative du Parlement, au mode de scrutin, mais aussi à l’article 16 de la Constitution.
La réforme de l’État, c’est une vieille ficelle aussi vieille que l’État, ses grands commis et ses petits serviteurs. C’est le succès garanti : « La cantatrice chauve » au théâtre, i.e. tiré par les cheveux, toujours à l’affiche et indéboulonnable ! Aujourd’hui, les grands intendants et chanceliers réformateurs (Michel de l’Hospital, Colbert, Louvois, etc.) ont été remplacés par moult commissions, comités, estampillés « de sages » (ça ne mange pas de pain). On connaît le mot de Mirabeau à Louis XVI à la fin de l’ancien régime : « Sire, si l’on voit où les bonnes têtes ont mené la France, il ne serait pas inutile d’essayer les mauvaises ». J’ai le sentiment toutefois que le public boude un peu le spectacle, le cœur n’y est plus. La crédulité a des limites. L’opinion a surtout retenu la composition œcuménique du comité présidé par Edouard Balladur et qui comprend plusieurs hommes (ou sont les femmes ?) de Gauche, dont J Lang, O Duhamel, G Carcassonne. Ouvrir pour mieux fermer ? Tout changer pour ne rien changer ? Souhaitons bonne chance et longue vie à cette 500ème reprise de la Comédie française [3].
Mars 2008 Aujourd’hui, quelques journalistes, bloggeurs et pamphlétaires « rebelles » (re)découvrent en frissonnant les racines absolutistes du pouvoir hexagonal et les dérives d’une république un peu trop monarchique à leur goût. Tout cela est assez comique. Le Roi, l’Empereur, le Maréchal, le Général, le Président, ont été de grands hommes providentiels et restent nos maîtres et nos sauveurs. Dans les lieux de pouvoir (à droite, à gauche, au centre, à Paris, en province), on entend partout le chant des courtisans (« Ami qu’attends-tu… »). On parachute, on distribue, on place, on (re)case, on se renvoie l’ascenseur, notamment entre grands corps ou pour petits services politiques rendus: une ambassade, une circonscription imperdable, un comité de sage, une légion d’honneur, une villa Médicis, un consulat à New York, une commande de rapport sur «La défense de la modernisation de la tradition» (ou l’inverse). Pas de quoi être fier et faire des gorges chaudes sur les républiques bananières du tiers monde. Les petits rappels à l’ordre de la cour des comptes sont bien inoffensifs pour ne pas dire dérisoires. Au-delà de la gabegie comptable et financière, particulièrement inique et choquante, nous touchons ici à des questions de principe et à des symboles sur lesquels tout l’édifice social est construit. Il me semble qu’il y a quelque chose de pourri au royaume de la République française, pourtant si fière de son « modèle », ses institutions et si ombrageuse sur son Etat impartial, sans oublier ses incomparables services publics au service de tous. Chamfort est cruel mais avait vu juste sur la nature courtisane des français [4].
Septembre 2008 Contre le veau d’or, nous avons le vaudou et les incantations façon « S. égo Wonder » sur fond de ‘fraternitude’. A plus long terme, il sera toujours temps de réchauffer le réalisme de gauche (de l’ouest ou du levant), de réfléchir sur une gouvernance newlook, la transition vers un nouveau social libéralisme, ou l’inverse : on inventera le ’capitalisme à visage humain’, que sais-je ? [5]
Novembre 2011 La multiplication des ‘affaires’ et conflits d’intérêts est particulièrement explosive lorsqu’il ne reste plus le moindre fifrelin dans les caisses pour amadouer les irréductibles, incorruptibles, inrockuptibles, et quand ce n’est plus la femme de César, mais l’empereur, sa cour et les mandarins qui sont mis en cause. Gare au syndrome du tour de France : « Tous dopés, mais peu importe du moment qu’il y a du spectacle ». L’arène a eu raison de l’Agora. « Tous pourris », tous pour rire, « salauds de riches », « salauds de pauvres », Bourvil ou Gabin dans « La traversée de Paris », autant de variations sur le thème du désenchantement général et de la théorie du complot. Tout le monde se cache derrière l’arbre, la forêt, la paille ou la poutre. Ce n’est pas moi, c’est lui ! Tout le monde se tient par la barbichette. Les politiques qui ont trop permis, trop promis, trop mentis, sont pris en otages et en tenaille par les indignés et des banquiers plus pyromanes que pompiers. Il est bien tard pour jouer les Churchill en promettant de la sueur, du (mauvais) sang, et des larmes (de crocodile). Attention, le prolongement naturel des conflits d’intérêts, favorisé par les cumuls en tous genres, c’est l’intérêt du conflit. (…/…) On ne règlera pas les problèmes de fond avec des leçons de morale, des citations du gros Winston ou du grand Charles, la menace du péril jaune, ou en débouchant une bouteille de rosé nouveau, étiqueté « Château VIème République ». Pour reconstruire la maison commune, en amont des débats sur la redistribution des richesses, les jacuzzis pour tous, le mondial moquette de l’humanisme et les slogans creux et démagogiques (« Placer l’humain au cœur de la politique »…Qui est contre ? Comment on met en place ?), il faut commencer par des fondations solides, c’est-à-dire un socle commun de valeurs et repères. [6]
Juillet 2012 Le déni continue. Il ne faudrait surtout pas confondre la « rigueur », avec de saines et justes économies, un gel des dépenses en valeur de 1 milliard d’euros, une réallocation des crédits, les coups de pouce raisonnables et mesurés, le redressement, les efforts ou mieux encore, le juste effort partagé, mot compte triple et joker. Il faudrait garder l’espoir. C Duflot, ministre de « l’Egalité des Territoires et du Logement » dont la méthode de travail est « l’écoute », veut faire « le grand Paris des habitants ». S Royal « souhaite très sincèrement à C Bartolone de réussir cette belle mission (la présidence de l’Assemblée Nationale), pour revivifier la démocratie au service du peuple français ». F Hollande est formel: « Les classes moyennes ne seront pas touchées par les mesures qui seront prises dans les prochains jours comme dans les prochaines semaines ». Le Président entend faire appel en priorité au «patriotisme de ceux qui ont reçu le plus comme cadeaux fiscaux, sans qu’il y ait une volonté de punir qui que ce soit, parce que nous avons besoin de tous ». Tout le monde retient son souffle et serre les fesses. (…/…) La crise n’est pas soluble dans la novlangue technocrato-énarchic. Nier l’évidence, les « understatements » et la langue de bois sont des poisons qui minent la démocratie. La justice commence par la justesse des mots. Ayons au moins cette rigueur. Déjà, sous le quinquennat précédent le mot était tabou ; nous avions une ‘politique rigoureuse’ mais de ‘rigueur’, jamais. Ne confondons pas ‘rigueur’ et ‘rigorisme’. Est-il si imprononçable, si rude, si âpre ce mot de « rigueur »? Ou est-ce la rigueur sans appel de la démonstration qui fait peur ? La méthode Coué, les incantations et l’exorcisme, stade suprême de la politique ! Étonnant ce mal bien français de ne pas appeler un chat un chat et l’Etat providence à la française une faillite. (…)
La priorité est censée aller aux ministères de la Justice, de l’Education et de l’Intérieur. Too little too late ! Notre Président se verrait bien en Roosevelt français et sa compagne en pince pour Elaonor, une femme ‘libre’ aux lointaines origines hollandaises. Pourquoi pas. Franklin Delano est l’homme du ‘New Deal’, le chef d’orchestre de la victoire des alliés en 1945, un sage qui affirmait « Les livres sont la lumière qui guide la civilisation ». Mais le « vol des ancêtres » ne suffira pas. La différence entre un homme politique et un homme d’Etat, c’est que le second n’a pas peur d’être impopulaire et force son destin sans tergiverser. Le pays est prêt à accepter des efforts pour reconstruire l’avenir, pas à se saigner pour un sempiternel replâtrage démago-idéologique. Essayons d’éviter l’humiliation de la prescription d’huile de foie de morue (de ricin ou d’olives espagnoles) imposée par le FMI et les marchés. Un homme d’Etat, c’est surtout quelqu’un qui s’attelle aux vraies réformes, de structure, celles que, ni N. Sarkozy, ni personne avant lui, n’a eu le courage de mettre en place; la réforme de l’Etat et de la fonction publique, la réforme des collectivités territoriales (millefeuille ubuesque), la réforme du marché du travail, « Faites quelque chose et, si ça ne réussit pas, essayez autre chose » (F.D. Roosevelt, 1939). Forza François ! (…) Ni libraire, ni médecin, ni capitaine de pédalo, ni capitaine de Concordia, François Hollande est un nouveau capitaine Nemo. Ulysse, pour échapper au cyclope Polyphème, s’était donné un faux nom « Nemo » en latin, c’est-à-dire « Personne ». François Hollande, lisse et rose comme Barbapapa, polymorphe, ordinaire, normal, passe partout, passe muraille, est un magicien, son nom est « personne »…. « Vingt Mille Lieux lieues sous les mers », le Nautilus et une devise mystérieuse « Mobilis in mobile » (« Mobile dans l’élément mobile »). Cette devise permettra au capitaine Hollande de déjouer les pièges d’un été meurtrier et triompher des obstacles les plus redoutables : les requins et les poulpes géants de la finance internationale, les « Charydbe et Scylla » de l’UMP (FF et JFC) ou les Castafiore du PS [7].
Juin 2012 Avant le Grand prix de l’Arc de Triomphe des législatives, dans l’ordre ou dans le désordre, pas de surprises, le tiercé électoral de la Présidentielle n’aura pas permis de toucher de grosses cotes. De temps en temps, il faut aérer la pièce et changer les draps. Les beaux draps !? Après le cabotin, le cabotage. Le capitaine de pédalo accostera-t-il sur l’île au trésor ou sur l’île aux enfants ? Churchill, qui avait la dent dure et le sens de la formule, disait de Christophe Colomb que c’était le premier socialiste : « Il ne savait pas où il allait, il ignorait où il se trouvait, et il faisait tout cela aux frais des contribuables ». De toute façon, par gros temps, les marges de manœuvres sont infimes. Faute de plan «B» et de vrai programme, il reste les symboles et la Com : régime minceur pour les émoluments des ministres, charte déontologique, train et voiture plutôt que le Falcon 900 pour « Mister President », et RER pour la visite de J.M. Ayrault à Saint-Denis. Sacre et onction royale du PM et du nouveau Président, thaumaturge et normal. La nouvelle équipe doit se garder des grands numéros de violon, sur le retour de l’espoir, l’espoir du retour et autres slogans plus vides que les caisses de l’Etat. Cela ne marche plus et dans cinq ans, si toutefois le pédalo « France » du Club Med « Europe » flotte encore, ce sera dramatique. Sur le radeau de la méduse, il ne nous restera que l’es poire pour la soif et l’espoir de l’espoir. Demander, le soir de la proclamation des résultats, à être jugé sur la « justice » et la « jeunesse », c’est habile et moins risqué que d’être jugé sur les taux de chômage et d’endettement. A la lecture du menu du chef du Grand restaurant « France », on peut nourrir quelques craintes. Fric assez de « normalité », gigot de « justice », avec ses petits légumes de diversité à la sauce « jeunesse ». Les symboles, comme l’espoir, c’est bien, mais ça ne nourrit pas son peuple. « Ordinaire » c’est une belle chanson du chanteur québécois Robert Charlebois « J’suis un Président ben ordinaire… Autour de moi il y a la guerre/ la peur, la faim et la misère/ J’voudrais qu’on soit tous des frères/ C’est pour ça qu’on est sur la terre/ J’suis pas un chanteur populaire/ Je suis rien qu’un gars ben ordinaire »(1972). La même année, Charles Denner proclamait dans le réjouissant et décapant ‘L’aventure c’est l’aventure’ (Claude Lelouch), « La politique c’est du show business…! » [8]
Septembre 2012 Les feuilles mortes se ramassent à la pelle, les souvenirs aussi. Il est un peu tôt pour les regrets, même si rien ne se passe comme prévu, à moins que ce ne soit l’inverse. B. Arnaud veut devenir Belge (« Sois belge et tais-toi »…), Johnny H. a un coup de mou, Y. Noah envisage de devenir Suisse, R. Millet va demander l’asile politique à l’Equateur. Qui veut devenir français ? F. Hollande recherche de gros contribuables, créateurs d’emplois, attirés par le modèle hexagonal, sa fiscalité patriote, l’exception culturelle, la radioactivité et le rayonnement en tous genres. Il y a 4 ans, j’avais intitulé un éditorial « 2008-2009 Les Euros sont fatigués ». Il suffit de substituer « 2012 » à « 2008 », le pays est vitrifié. L’histoire nous rappelle que la France ne se relève qu’après les fessées militaires, or depuis 60 ans, à l’ouest, les batailles et les guerres sont économiques (Selon le classement du « World Economic Forum », l’an dernier le pays a perdu 3 places, glissant du 18ème au 21ème rang en ce qui concerne la compétitivité). La machine infernale de la dette sociale nous plombe (tous régimes confondus, un déficit record de 53,7 milliards d’euros a été atteint en 2010. À lui seul le déficit du régime général avoisinera 15 milliards d’euros en 2012). Après 5 mois, 5 ans et en réalité 50 ans d’atermoiement, d’aveuglement et de déni, au bord de la cessation des paiements, nos dirigeants commencent à ouvrir les yeux et réalisent qu’il n’est pas sain d’acheter de la croissance frelatée, des emplois publics (et accessoirement la paix sociale et les élections) avec de la dette (…).
Ce qui est valable en politique l’est aussi pour l’économie : ‘Gouverner c’est choisir’. En France, on navigue à vue. Le nuage toxique de la crise mondiale s’arrête aux frontières et n’a pas de prise sur notre modèle miraculeux permettant de ménager le choux, le loup, la chèvre, le beurre, l’argent du beurre et les subventions de la crémière. Le dindon, c’est le citoyen contribuable. Le pays se fantasme avec une industrie allemande, des impôts italiens, une City anglaise, une protection sociale suédoise. Ce qui nous pend au nez ce sont des impôts à la suédoise, une protection sociale à l’anglaise, une industrie à la grecque…Drôle de drachme avant «Cassons-nous…» ! L’inadmissible c’est que des politiques, par lâcheté ou aveuglement, prétendent que les mesures d’austérité seront temporaires et que dans 2 ans ce sera le retour à la normale. La vérité est qu’il faudra au moins 10 ans pour remettre l’économie sur des rails et réaliser un aggiornamento qui n’a pas encore commencé. On reste bouche « Coué» ! L’inquiétant c’est la rhétorique creuse et faussement rassurante d’un gouvernement prisonnier des illusions passées. Le Premier ministre, germaniste mais aussi géographe perspicace veut faire de Marseille : «une grande porte sur la Méditerranée». Le Président est… ferme sur l’usine PSA de Rennes : «La volonté qui est la mienne, c’est le sens du dialogue que j’ai eu avec ces représentants, c’est-de-dire que nous devons tout faire pour réduire le nombre de suppressions d’emplois». C. Duflot décrète la « mobilisation générale » pour le logement contre le « séparatisme social ». Sans irrespect aucun, les faux mages de Hollande Frise(nt) le ridicule (…)
Préparer la reconquête avec des lignes Maginot de ‘paroles verbales’ augure mal de l’avenir. L’indignation légitime provoquée par l’exil annoncé d’un milliardaire en Belgique ne constitue ni un programme, ni une (contre)morale, ni un plan ‘B’. Trotski disait qu’il ne faut pas faire de l’impatience un argument théorique. Aujourd’hui, l’urgence c’est d’admettre que 1 + 1 = 2, que 1 – 1= 0, et d’éviter la faillite. La drôle de guerre ne dure qu’un temps. Le 19 mai 1940, le front est enfoncé, la situation est dramatique. En présence du gouvernement au complet, une messe est célébrée à Notre-Dame de Paris. Dans son homélie, Mgr Beaussart rangeait la France du côté de Dieu: « Dieu donnera la victoire aux Français parce que leur cause est juste et parce qu’ils ne combattent ni par haine ni par cupidité ». Cela n’a pas suffi. Bis repetita ? V. Peillon, le ministre de l’Education Nationale, souhaite introduire un cours de morale laïque à l’école. « La morale laïque, c’est comprendre ce qui est juste, distinguer le bien du mal, c’est aussi des devoirs autant que des droits, des vertus et surtout des valeurs»… Inch’ Allah ! « Le pays usé qui n’attend plus rien à tout souffert » (Chateaubriand). [9]
Suis-je trop noir, grinçant, pessimiste ? Aux dernières nouvelles, « positiver » serait contre-productif. O Burkeman prône ‘la pensée négative’ [10] et Julie Norem le ‘pessimisme défensif ,‘ pour mieux se préparer à l’adversité. « The optimist proclaims that we live in the best of all possible worlds; and the pessimist fears this is true » (James Branch Cabell).
[1] Editorial ; «Rentrée; haute couture et prêt à portée socio politique», Septembre 2005. [2] Editorial; « Faillite de la loi et droit de la faillite (Chamfort, Kafka et le conseil d’Etat) », Avril 2006. [3] Editorial; « Discours sur la modernisation et modernisation du discours, (le Prince Salina, Colbert et Ionesco) », Septembre 2007. [4] Marginalia; « L’empire du droit (2) Le Corpus juris civils’ et son héritage », Mars 2008. [5] Editorial ; «La couleur de l’argent (Henry Paulson, Saint François et Fast Eddie) », Septembre 2008. [6] Editorial ; « Confit d’intérêts », Novembre 2011. [7] Editorial; «L’été meurtrier », Juillet 2012. [8] Marginalia 13; « Moi, François H… ou les limites du toulemondisme », Juin 2012. [9] Editorial; « Automn leaves », Septembre 2012. [10] “Happiness for People Who Can’t Stand Positive Thinking,” 2012. “Les visions positives d’un avenir idéalisé sapent l’énergie, la motivation nécessaires pour atteindre ses objectifs » (H Kappes, G Oettingen).