Sous cette rubrique, je vous propose de quitter un moment l’aridité de la technique, des lois, des jugements pour baguenauder et laisser nos esprits braconner dans les chemins de traverse de l’insolite, du curieux, à la lisière du droit, de la culture, de la morale et de l’histoire.
I. QUID ?
Le Littré définit l’éloquence comme une « Facilité à s’exprimer. Par antonomase ; l’art le talent d’émouvoir et de persuader par le bien dire ». C’est pour Quintilien la science du bien-dire, qui embrasse toutes les perfections du discours, y inclus la moralité même de l’orateur, puisqu’on ne peut véritablement parler sans être homme de bien.
L’éloquence est une «structure mère» de la culture occidentale (M Fumaroli). C’est aussi un sport bien français avec des entraineurs prestigieux, (Boileau «Ce qui se conçoit bien…», Fénelon «Dialogues sur l’éloquence», Bossuet «Madame se meurt, Madame est morte…»), des poids lourds (Danton, De Gaulle), et beaucoup de welters (Sacha Guitry «Ce qui probablement fausse toute la vie c’est qu’on est convaincu qu’on dit la vérité parce qu’on dit ce qu’on pense», Tristan Bernard «Les idées s’accordent beaucoup mieux entre elles que ne le font les hommes», Cyrano/Rostand «Je vous dois d’avoir eu, tout au moins, une amie /Grâce à vous une robe a passé dans ma vie…»). L’éloquence n’a pas toujours bonne presse. On admire le grand orateur; «La vraie et grande éloquence est celle dans laquelle, même aux moments calmes, on sent le grondement d’une foudre» (V Hugo). Mais on se méfit des mots « Le peuple appelle éloquence la facilité que quelques-uns ont de parler seuls et longtemps, jointe à l’emportement du geste, à l’éclat de la voix et à la force des poumons» (La Bruyère) et des prestidigitateurs; «La meilleure façon d’imposer une idée aux autres, c’est de leur faire croire qu’elle vient d’eux» (A Daudet). Critiquer une certaine éloquence c’est aussi rendre hommage à Polymnie. La véritable éloquence n’a rien d’enflé ni d’ambitieux et se moque de l’éloquence, rappellent Fénelon et Pascal. Verlaine veut lui tordre le cou. Barbey d’Aurevilly relève avec finesse; «La séduction suprême n’est pas d’exprimer ses sentiments. C’est de les faire soupçonner». Point tropes n’en faut…
II. L’ELOQUENCE POLITIQUE
Où sont les tribuns ?
La campagne de l’élection présidentielle devrait révéler et réveiller les tribuns. Mais à 15 jours du premier tour on reste sur sa faim. Où sont les Clémenceau, les Jaurès, les orateurs capables d’haranguer les foules, les voleurs de feux ? «Du foyer des aïeux nous avons gardé la flamme; vous en avez conservé la cendre» (Jaurès). T Herzl, correspondant à Paris de la «Neue Freie Presses», a rendu hommage à la tribune française du tournant du siècle. Une République plus tard, P Mendes France ou E Faure ne manquaient pas d’éloquence.
Aujourd’hui JL Mélenchon brille surtout parce qu’il déclame au milieu d’une nuit de médiocrité. « Le torrent révolutionnaire est sorti de son lit »…d’imprécations et de sénateur. Bernanos disait que «Le mépris tourne vite à l’éloquence»; avec le leader du Front de gauche c’est l’inverse. Notre Président «s’présente» et n’en fini pas de plaider en chambre du conseil, devant des journalistes trop polis et des électeurs blasés, le plan de sauvegarde de la France. Le quinquennat a commencé dans la rupture, moitié Jaurès moitié Vergés; il se termine dans Paris Match moitié connivence, moitié confidence. «J’ai changé… je ne serai pas le même Président»…. «Ah tu verras tu verras, tout recommencera tu verras tu verras….». F Hollande, candidat biaphine de l’apaisement (Demain on rose gratis…) n’est pas éloquent. F Bayrou non plus. M Le Pen a le sens de la répartie mais reste prisonnière de la polémique et de l’atavisme familial. Les technocrates, les énarques, les politiciens sans culture ni épaisseur, châtrés par des gourous auto proclamés de la communication et du «storytelling» », font passer leur indigence, un vocabulaire de 500 mots, et la multiplication des anaphores (merci H Guaino) pour de l’efficacité. N Sarkozy n’est pas l’unique objet de mon ressentiment. On baille au Corneille. Jugement en délibéré au 6 mai 2012.
Les médias et le buzz planétaire dictent leur loi, celle du sumo et du référé permanent. 5 mn pour faire passer 4 idées, 3 mensonges et 2 bons mots, en espérant que le meilleur sera repris sur la blogosphère. Les jugements deviennent triviaux, sans appel, les sondages font office de juge de paix. Il a été bon, mauvais, meilleur. Pas le temps, ni d’ailleurs les moyens ou la volonté, de discuter des idées, de débattre au fond. «Empêcher les autres de parler, c’est ce qu’on appelle l’éloquence» (A Capus). La rhétorique a disparu de l’enseignement du français en 1900. Aujourd’hui nous avons des philosophes et des communicants, des bavards. «On parle toujours mal quand on a rien à dire» (Voltaire).
Morceaux de bravoure
Maximilien Robespierre ; dernier discours de 8 thermidor an II, 26 juillet 1794, dans une ambiance hostile; «J’ai promis il y a quelque temps de laisser un testament aux oppresseurs du peuple. Je vais le publier dans ce moment qui convient à la situation où je me suis placé : je leur lègue la vérité terrible et la mort …Qui suis je moi qu’on accuse ?…Tous les fripons m’outragent, ôtez moi ma conscience et je deviens le plus malheureux de tous les hommes…Qui dit de nous que nous sommes des hommes de sang ? Ce sont les anglais, c’est York, c’est Pitt, ce sont nos ennemis…La mort est le commencement de l’immortalité… Pour la dernière fois président d’assassins, je te demande la parole…». « Échafaud – S’arranger quand on y monte pour prononcer quelques mots éloquents avant de mourir» (Flaubert, «Dictionnaire des idées reçues»).
Robert Badinter ; L’abolition de la peine de mort, discours à l’Assemblée nationale 17 septembre 1981; « […/…] Le plus haut magistrat de France, M. Aydalot, au terme d’une longue carrière tout entière consacrée à la justice et, pour la plupart de son activité, au parquet, disait qu’à la mesure de sa hasardeuse application, la peine de mort lui était devenue, à lui magistrat, insupportable. Parce qu’aucun homme n’est totalement responsable, parce qu’aucune justice ne peut être absolument infaillible, la peine de mort est moralement inacceptable. Pour ceux d’entre nous qui croient en Dieu, lui seul a le pouvoir de choisir l’heure de notre mort. Pour tous les abolitionnistes, il est impossible de reconnaître à la justice des hommes ce pouvoir de mort parce qu’ils savent qu’elle est faillible. Le choix qui s’offre à vos consciences est donc clair: ou notre société refuse une justice qui tue et accepte d’assumer, au nom de ses valeurs fondamentales – celles qui l’ont faite grande et respectée entre toutes – la vie de ceux qui font horreur, déments ou criminels ou les deux à la fois, et c’est le choix de l’abolition; ou cette société croit, en dépit de l’expérience des siècles, faire disparaître le crime avec le criminel, et c’est l’élimination. Cette justice d’élimination cette justice d’angoisse et de mort, décidée avec sa marge de hasard, nous la refusons. Nous la refusons parce qu’elle est pour nous l’anti-justice, parce qu’elle est la passion et la peur triomphant de la raison et de l’humanité […].
Demain, grâce à vous, la justice française ne sera plus une justice qui tue. Demain, grâce à vous, il n’y aura plus, pour notre honte commune, d’exécutions furtives, à l’aube, sous le dais noir, dans les prisons françaises. Demain, les pages sanglantes de notre justice seront tournées. À cet instant plus qu’à aucun autre, j’ai le sentiment d’assumer mon ministère, au sens ancien, au sens noble, le plus noble qui soit, c’est-à-dire au sens de « service ». Demain, vous voterez l’abolition de la peine de mort. Législateur français, de tout mon cœur, je vous en remercie »
André Malraux, discours du transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon, 19 décembre 1964 « Monsieur le Président de la République, Voilà donc plus de vingt ans que Jean Moulin partit, par un temps de décembre sans doute semblable à celui-ci, pour être parachuté sur la terre de Provence, et devenir le chef d’un peuple de la nuit. Sans cette cérémonie, combien d’enfants de France sauraient son nom ? Il ne le retrouva lui-même que pour être tué ; et depuis, sont nés seize millions d’enfants… Puissent les commémorations des deux guerres s’achever aujourd’hui par la résurrection du peuple d’ombres que cet homme anima, qu’il symbolise, et qu’il fait entrer ici comme une humble garde solennelle autour de son corps de mort. […/…] Comme Leclerc entra aux Invalides, avec son cortège d’exaltation dans le soleil d’Afrique, entre ici, Jean Moulin, avec ton terrible cortège. Avec ceux qui sont morts dans les caves sans avoir parlé, comme toi — et même, ce qui est peut-être plus atroce, en ayant parlé. Avec tous les rayés et tous les tondus des camps de concentration, avec le dernier corps trébuchant des affreuses files de Nuit et Brouillard, enfin tombé sous les crosses. Avec les huit mille Françaises qui ne sont pas revenues des bagnes, avec la dernière femme morte à Ravensbrück pour avoir donné asile à l’un des nôtres. Entre avec le peuple né de l’ombre et disparu avec elle — nos frères dans l’ordre de la Nuit… Commémorant l’anniversaire de la Libération de Paris, je disais : “Écoute ce soir, jeunesse de mon pays, les cloches d’anniversaire qui sonneront comme celles d’il y a quatorze ans. Puisses-tu, cette fois, les entendre : elles vont sonner pour toi”.
L’hommage d’aujourd’hui n’appelle que le chant qui va s’élever maintenant, ce Chant des Partisans que j’ai entendu murmurer comme un chant de complicité, puis psalmodier dans le brouillard des Vosges et les bois d’Alsace, mêlé au cri perdu des moutons des tabors, quand les bazookas de Corrèze avançaient à la rencontre des chars de Runstedt lancés de nouveau contre Strasbourg. Écoute aujourd’hui, jeunesse de France, ce qui fut pour nous le chant du Malheur. C’est la marche funèbre des cendres que voici. À côté de celles de Carnot avec les soldats de l’an II, de celles de Victor Hugo avec les Misérables, de celles de Jaurès veillées par la Justice, qu’elles reposent avec leur long cortège d’ombres défigurées. Aujourd’hui, jeunesse, puisses-tu penser à cet homme comme tu aurais approché tes mains de sa pauvre face informe du dernier jour, de ses lèvres qui n’avaient pas parlé. Ce jour-là, elle était le visage de la France ».
III. L’ELOQUENCE JUDICIAIRE
Bien plaider
JM Varaut rappelle que celui qui a l’honneur de plaider doit avoir le respect de la parole. La Conférence du stage, fondée en 1810, organise chaque année un concours d’éloquence parmi les jeunes avocats. Les 12 lauréats « secrétaires de la Conférence » assurent des missions de défense pénale. J Grévy, R Poincaré, A Millerand sont passés par là. L’éloquence de certains confrères est entrée dans l’histoire. Chauveau Lagarde et Tronson du Coudray avocats de Marie Antoinette, Berryer avocat de Louis Napoléon Bonaparte, F Labori défenseur de Dreyfus.
Des enragés, avec verve, ont rendu hommage aux avocats de la Reine ; «Je ne conçois pas, foutre, comment on peut souffrir que des cuistres de Bazoche, par l’appas de la dépouille des scélérats, pour une boëte d’or, une montre, des diamants, trahissent leur conscience et cherchent à jetter de la poudre aux yeux des jurés. N’ai-je pas vu ces deux avocats du diable non seulement se démener comme des diables dans un bénitier, pour prouver l’innocence de la guenon dont ils plaidoient la cause, mais encore oser pleurer la mort du traître Capet et dire aux juges que c’étoit assez d’avoir puni le gros cocu, qu’il falloit au moins faire grace à la saloppe. […] Mais j’ai eu une joie que je ne saurois rendre, quand j’ai appris que ces deux jean-foutres avoient été arrêtés par ordre du comité de sûreté générale de la Convention. J’espère au moins jusqu’à la paix on les laissera siffler la linotte » (Le Père Duchêne). Les risques du métier… « A plaider contre un mendiant, on gagne des poux. » (J Freeman Clarke).
On sait que, chacun avec son talent, Waldeck Rousseau (précis), Labori (une voix de tonnerre), H. Robert (rigoureux), M Garçon (jouant de l’émotion), étaient des maitres de la parole. Le maitre mot c’est l’efficacité. « La véritable éloquence consiste à dire tout ce qu’il faut et à ne dire que ce qu’il faut. » (La Rochefoucauld).
Avant et après les bonheurs et les éblouissements malheureusement fugaces des prétoires, il y a la préparation, les préceptes, des recettes et le bon sens : «Ça ne sert à rien d’avoir raison, si l’on n’a convaincu personne!» (R Weltz), «Tout ornement est une faute de style» (A Perret; à propos de l’architecture moderne), «La clarté est la qualité maîtresse, elle domine tout», «Une grande partie du talent d’un orateur consiste à dissimuler son art et à montrer un naturel qui crée, entre celui qui écoute et lui-même, un courant de sympathie et de confiance» (M Garçon), « (1) De quoi s’agit il ? (2) Qu’est ce que je veux ? » (R Floriot, précepte attribué à Foch), «J’ai renoncé à la beauté du discours» (H Leclerc).
S Hecquet se moque du Bâtonnier Albert Salle, grand avocat, bourgeois, satisfait; « né quinquagénaire … né bâtonnier … qui partout s’accompagnait lui-même ». Pascal est grinçant ; « L’affection ou la haine changent la justice de face. Et combien un avocat bien payé par avance trouve-t-il plus juste la cause qu’il plaide ! ». R Badinter est grave; «Je crois finalement que seuls sont de grands avocats ceux qui portent en eux l’angoisse d’être accusés».
Bien plaider est un art difficile qui repose sur quelques principes: «L’avocat doit être concis, précis et clair. Il doit être capable d’exposer les faits, et sans doute le droit, sans s’y perdre, sans que le juge s’y perde, et bien sûr ne pas cesser d’intéresser. Il doit résolument rejeter le vague, le flou, l’inutile. La plaidoirie doit être un discours organisé, structuré, mis au service d’une démonstration, et qui pourtant ne doit jamais être ennuyeux. […/…]
L’éloquence explique, démontre, en même temps qu’elle intéresse. Elle séduit pour mieux enseigner. Elle émeut pour mieux démontrer. Elle est la voix bien sûr, forte ou fragile, imposante, séduisante, ou insinuante. Elle est le regard. Elle est le geste, non le geste ridicule mais le geste qui porte la conviction. Elle peut être l’immobilité apparemment froide, la rassurante sobriété. Elle est la présence à la barre, l’attitude, le maintien, le silence même qui précède le discours et parfois l’interrompt. Elle est aussi la maîtrise des mots et des formes du discours. Surtout elle est l’intelligence, la culture, la force de la pensée, la pudeur de l’émotion, la puissance de la raison, la sensibilité discrète, retenue. Elle est aussi le respect, le respect du juge, l’attention du juge, et le respect de l’adversaire, et le respect de tous. L’éloquence est faite de toutes les forces de l’esprit et du cœur savamment assemblées, tendues pour tâcher de convaincre.
L’éloquence est forcément discrète. Elle assemble mystérieusement toutes les ressources de la connaissance, de l’esprit et du cœur, pour convaincre. Elle est toujours présente, apparemment absente. Quand le Bâtonnier Charpentier prenait la parole, s’installait un parfait silence qui semblait l’écouter. Les mouches s’arrêtaient de voler pour entendre. Nul n’aurait consenti à perdre un seul mot. Tel était le miracle d’une éloquence évidemment invisible. "Vous avez été très éloquent", lui disait un jour l’un de ceux qui l’avaient admiré. Le Bâtonnier Charpentier sembla déçu. Il répondit "Si vous vous en êtes aperçu, c’est que je ne l’ai pas été." » (JD Bredin, « Art et technique de la plaidoirie » postface, 2003).
Morceaux de bravoure
Jean-Louis Tixier Vignancour devant le Haut Tribunal militaire, défendant le général Salan (mai 1962)
« Dans votre réquisitoire, monsieur l’avocat général, vous avez un moment, été trop loin. Vous avez affirmé, par souci littéraire, je l’espère, que, la peine capitale que vous réclamiez de ce tribunal prononcée, nul n’essuierait les larmes du condamné au Tribunal de Dieu. Vous ne pouviez point le dire et pas davantage ne pouviez-vous invoquer les morts des guerres. Ce n’est pas possible. Je vous réponds en adjurant le tribunal de m’entendre. […/…] Nous sommes devant le Tribunal des hommes et aujourd’hui, dans ce mois qui est consacré à la Mère de tous les hommes, je dis au Haut Tribunal militaire qu’il ne faut pas jeter une ombre de deuil dans le printemps de Marie, qu’il ne faut pas placer dans l’avenir qui est devant nous le germe fondamental d’une discorde éternelle. Vous avez, Messieurs, ce soir, entre vos mains, le moyen d’accomplir un geste pour que se réalise, au bout de la nuit, la fragile et difficile unité des vivants ». Contre toute attente l’avocat sauvera la tête du militaire. Les braises de la guerre d’Algérie, les 203, les Sikorski, les trahisons, les attentats, l’OAS, les accords d’Évian, Comme le temps passe…50 ans plus tard, l’unité des vivants reste fragile et difficile.
Du côté des anglo-saxons: la justice et le théâtre du procès
D’abord, une fascination pour les acteurs, les lawyers; “You can’t break him with words. Words are his business. He’s a lawyer” (Star of Midnight, 1935), “-What makes you think I’m a lawyer?” – “You’ve got that sharp, useless look about you” (Pretty Woman, 1990), Ensuite, le culte de l’oralité, de la « cross examination », l’improvisation qui se prepare, et enfante des procès dynamiques et théâtraux. Le cinéma est un miroir, et outre-Atlantique, le « court room drama » est un genre en soit. (Marginalia n°4 – Le cinéma de la justic). Dans l’excellent «A few good men» (R Reiner, 1992), Tom Cruise (avocat sans expérience, instinctif et génialement provocateur) finira par faire craquer Jack Nicholson (vieux crocodile dénué de scrupules, commandant la base de Guantanamo). Le méchant témoin est aussi éloquent que le bon avocat:
– Col. Jessep (J Nicholson): “You want answers – Kaffee (T Cruise) I think I’m entitled – Col. Jessep: You want answers?- Kaffee: I want the truth – Col. Jessep: You can’t handle the truth”.
– Col. Jessep:” Son, we live in a world that has walls, and those walls have to be guarded by men with guns. Whose gonna do it? You ? You Lt. Weinberg? I have a greater responsibility than you could possibly fathom. You weep for Santiago, and you curse the marines. You have that luxury. You have the luxury of not knowing what I know. That Santiago’s death, while tragic, probably saved lives. And my existence, while grotesque and incomprehensible to you, saves lives. You don’t want the truth because deep down in places you don’t talk about at parties, you want me on that wall, you need me on that wall. We use words like honor, code, loyalty. We use these words as the backbone of a life spent defending something. You use them as a punchline. I have neither the time nor the inclination to explain myself to a man who rises and sleeps under the blanket of the very freedom that I provide, and then questions the manner in which I provide it. I would rather you just said thank you, and went on your way, Otherwise, I suggest you pick up a weapon, and stand a post. Either way, I don’t give a damn what you think you are entitled to”.
Happy end. – Col. Jessep: “You f….’ people. You have no idea how to defend a nation. All you did was weaken a country today, Kaffee. That’s all you did. You put people’s lives in danger. Sweet dreams, son”. – Kaffee: “Don’t call me son. I’m a lawyer and an officer in the United States Navy. And you’re under arrest, you son of a b….”
IV. ELOQUENCE ET CULTURE : MARC FUMAROLI
«L’Éloquence c’est lorsque les paroles sont des choses» (attribué au Pseudo-Longin, Traité du sublime»). Il y a la culture de l’éloquence, il a aussi l’éloquence de la culture. L’art de persuader n’est pas circonscrit dans le langage et la parole. Il existe une rhétorique des arts chère à Marc Fumaroli.
Ce vieux monsieur élégant et très savant, né à Marseille en 1931, a passé son enfance et son adolescence à Fez. Agrégé de Lettres classiques, Marc Fumaroli est élu professeur au Collège de France (chaire « Rhétorique et société en Europe XVIe -XVIIe siècles) » en 1986 et devient immortel 9 ans plus tard. Spécialiste du XVIIe siècle, du « classicisme français », passionné par la rhétorique, curieux et travailleur insatiable, d’une érudition prodigieuse, il écrit un français élégant, sans pédanterie. On citera parmi son œuvre immense ; «L’Age de l’éloquence : rhétorique et "res literaria" de la Renaissance au seuil de l’époque classique» (1980), «Héros et orateurs, Rhétorique et dramaturgie cornéliennes» (1990), «Histoire de la rhétorique dans l’Europe moderne: 1450-1950», (1999), «Paris-New York et retour Voyage dans les arts et les images», (2009) «L’Homme de cour, préface-essai sur l’œuvre de Baltasar Gracián» (2011).
M Fumaroli a la nostalgie de « l’otium » et de « l’eutrapélie ».
« Otium ne signifie pas passivité, paresse, congé, relax, mais retrait de l’agitation quotidienne afin de contempler, de méditer, de regarder à distance et à loisir, afin aussi de s’interroger soi-même, c’est-à-dire de redoubler d’activité mentale et imaginative. Ce mot, je l’ai rencontré d’abord chez un des plus grands orateurs, hommes d’État et philosophes de l’ancienne Rome, celui qui a donné au monde la rhétorique la plus raffinée, c’est Cicéron ! […/…]
L’eutrapélie est un mot que j’ai été cherché à dessein dans le grec d’Aristote et le latin scolastique de Thomas d’Aquin, et qui a remporté un certain succès de surprise chez mes lecteurs. Ce mot savant désigne en fait une disposition d’humeur heureuse, bienveillante, souriante qui répand dans la conversation et les relations sociales la détente, la gaîté, l’esprit de jeu et de joie. L’entrée de cette notion hellénique dans le vocabulaire de la théologie morale chrétienne au XIIIe siècle a coïncidé avec l’apparition du sourire sur les traits des Vierges à l’enfant ou des Christs de la sculpture gothique. La joie contagieuse commence à devenir une vertu, et la tristesse cesse d’être tenue pour l’attitude convenable au chrétien. L’humanisme de la Renaissance, qui réhabilite l’otium, laïcisera cet esprit de joie. Tout un aspect des arts de la Renaissance se propose de favoriser cette bonne humeur, fille de l’équilibre intérieur, et mère du bonheur social. On a l’impression d’être revenu au Haut Moyen-âge lorsque l’on parcourt les installations sanglantes ou les conceptualisations sordides qui s’étalent dans les Foires dites d’Art contemporain. La joie et le sourire sont bannis de ces sabbats sinistres et prétentieux. Ils vous sont rendus lorsque vous parcourez les salles bien disposées et bien éclairées d’un musée où voisinent Titien et Véronèse, Boucher et Watteau, Corot et Matisse. » (Interview Lexnews, avril 2009).
Une asyndète (ellipse des conjonctions) pour conclure. « J’ai dit : vous avez entendu ; vous possédez la question : jugez » (Aristote ; Rhétorique, III, 19).