« Miroir, Mon beau miroir… »
En matière de marchés publics le mémoire en réclamation doit apparaître comme un véritable miroir ; le constat du préjudice financier, né des difficultés déjà évoquées ( cf. La Revue de janvier 2009 ) constitue le rayon incident de la réclamation, laquelle doit permettre de réfléchir son étendue objective.
Toute réclamation fondée ne pourra prospérer que s’il existe, en dehors de toute responsabilité de l’entrepreneur, une différence manifeste entre le budget prévisionnel fixé pour l’exécution de tels travaux et le coût réel de leur exécution.
La demande devra, ainsi, mettre en exergue cette distorsion, non normalement prévisible, pour motiver in fine la nécessité d’opérer, au bénéfice de l’entrepreneur, un rééquilibrage financier du marché public.
L’exposé documenté des faits ayant affecté les conditions d’exécution des travaux objet du marché ( Intempéries, sujétions imprévues, retards administratifs ou des différents corps d’états intervenants…) est un préalable nécessaire et incontournable pour identifier les différents fondements justifiant de l’indemnisation d’un préjudice financier déterminé. Postérieurement à cette catégorisation des préjudices, et dans un second temps, chaque poste ( ou chef ) de réclamation pourra être quantifié, chiffré et arrêté.
Pour la mise en œuvre de cette méthode, la combinaison de compétences distinctes, mais complémentaires, sera nécessaire. Si la réclamation est, dans sa finalité, économique, elle procède nécessairement de dysfonctionnements factuels ou techniques, outre le non-respect obligé des stipulations ou prévisions contractuelles.
Le rédacteur de la réclamation, s’il ne possède les attributs d’un technicien et/ou d’un économiste et/ou d’un juriste, prendra soin de bien s’entourer. La collaboration de trois spécialistes, dans les domaines techniques, économiques et juridiques, permettra à la rigueur de s’exprimer, sans approximations.
Cette règle de comportement ou d’approche de la réclamation constitue un principe cardinal dont la méconnaissance est fatale ! En effet, trop souvent, les entreprises se trouvent déboutées de leurs demandes ( approximatives ) au motif que leur mémoire de réclamation était incomplet ou imprécis.
Un arrêt de la Cour administrative d’appel de Versailles, n°05VE00710 du 27 janvier 2009, rappelle à l’occasion d’une perte de productivité, simplement évoquée, « qu’en l’absence de justification particulière propre à ce chef de préjudice, l’entreprise ne peut prétendre à aucune indemnisation à ce titre. ».
Ainsi, la rigueur doit être absolue pour que les « éléments apportés par l’entreprise dans son mémoire en demande d’indemnisation » emportent, en cas de résistance du maître de l’ouvrage, la conviction des juges.
Tout préjudice justifié est indemnisable, qu’il s’agisse des « frais de chantier », des « frais de structure » ou des « frais de fonctionnement » ( voir en ce sens, Cour Administrative d’Appel de Bordeaux, N° 00BX01296, du 18 janvier 2005 et Cour Administrative d’Appel de Paris, N° 05PA02534, 22 mai 2007 ), et plus particulièrement, sans s’attacher à une classification générique, le coût :
– d’un technicien pour préparer et suivre la consultation des sous-traitants ;
– d’un conducteur de travaux, affecté à la préparation des travaux ;
– d’un ingénieur spécialisé en pilotage et coordination ;
– d’une secrétaire ;
– de l’immobilisation de diverses installations nécessaires au chantier,
– la perte de bénéfice.
Néanmoins, l’inventaire des chefs de réclamation ne saurait avoir pour limite l’imagination du rédacteur du mémoire. En effet, et comme le rappelle la jurisprudence citée ( notamment Cour Administrative d’Appel de Paris, du 22 mai 2007 ) toute somme, faisant « double emploi » ou susceptible d’être regardée comme telle, sera écartée de la réclamation qui ne saurait, ainsi, par des détournements inappropriés, être un moyen rééquilibrer l’économie d’un marché mal appréhendé par l’entreprise, lors de la remise de son offre.
Car si tout préjudice est indemnisable, la cause sera nécessairement à justifier.
( A suivre ).