Don Hollande
« Percé jusques au fond du cœur
D’une atteinte imprévue aussi bien que mortelle,
Misérable vengeur d’une injuste querelle,
Et malheureux objet d’une juste rigueur,
Je demeure immobile, et mon âme abattue
Cède au coup qui me tue.
Si près de voir mon programme récompensé,
O Tonton, l’étrange peine!
En cet affront Pépère est l’offensé,
Et l’offenseur Cahu, le pilleur des bas de laine !
Que je sens de rudes combats!
Contre mon propre honneur les sondages s’intéressent:
Il faut venger le parti, et perdre ma mollesse;
L’un m’anime le cœur, l’autre retient mon bras.
Réduit au triste choix, nourrir les psychodrames,
Ou survivre en infâme,
Des deux côtés mon mal est infini.
O Dieu, L’étrange peine!
Faut-il laisser un affront impuni?
Faut-il un énième stratagème ?
Parti, ministres, honneur, amour,
Noble et dure contrainte, aimable tyrannie,
Tous mes plaisirs sont morts, ou ma gloire ternie:
L’un me rend malheureux, l’autre indigne du jour.
Cher et cruel espoir d’une âme généreuse,
Pas trop boursicoteuse,
Digne ennemi de mon plus grand bonheur,
Cahuzac, qui causes ma peine,
M’es-tu donné pour venger mon honneur?
M’es-tu donné pour perdre ma bedaine ?
Il vaut mieux courir au trépas;
Et la promo Voltaire, ma carrière, mes arrières:
J’attire en me vengeant la haine et la colère,
J’attire les mépris en ne me vengeant pas.
A mon plus doux espoir l’un me rend infidèle,
Et l’autre anticonstitutionnel ;
Mon mal augmente à le vouloir guérir,
Tout redouble ma peine:
Allons, mon âme, et puisqu’il faut mourir,
Mourons du moins sans risquer l’anathème.
Mourir sans perdre ma plumaison !
Rechercher un trépas si mortel à ma gloire!
Endurer que la France impute à ma mémoire
D’avoir mal soutenu l’honneur d’un mollasson !
Respecter un programme dont mon âme égarée
Voit la perte assurée!
N’écoutons plus les vils accapareurs
Qui ne servent qu’à ma peine:
Allons, mon bras, sauvons du moins l’honneur,
Puisqu’après tout je dois, enterrer mes rengaines.
Oui, mon esprit s’est décousu:
Je dois tout à Augier avant qu’à mon adresse;
Que je meure au combat, ou meure de tristesse,
Mes revenus seront purs, comme je les ai perçus.
Je m’accuse déjà de trop de négligence.
Courons la transparence,
Et, tout honteux d’avoir tant balancé,
Ne soyons plus en peine,
Puisqu’aujourd’hui François, drosophile offensée,
S’agite dans son bocal, digne de Ségolène !
(Del Basta, 16 avril 2013)
D’après Le Cid Acte 1, Scène 6 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k55348928