Don Le Drian :
« Sous moi donc cette troupe s’avance,
Et porte sur le front une mâle assurance.
Nous partîmes cinq cents; mais par un prompt renfort
Nous vîmes trois mille Maliens en arrivant au fort,
Tant, à nous voir marcher avec un tel visage,
Les plus épouvantés reprenaient de courage !
J’en cache les deux tiers, aussitôt qu’arrivés,
Dans le fond des blindés qui lors furent trouvés;
Le reste, dont le nombre augmentait à toute heure,
Brûlant d’impatience, autour de moi demeure,
Se couche dans le désert, et sans faire aucun bruit
Passe une bonne part d’une si belle nuit.
Par mon commandement la garde en fait de même,
Et se tenant cachée, aide à mon stratagème;
Et je feins hardiment d’avoir reçu d’Hollande
L’Opération Serval, celle que je commande.
Cette obscure clarté qui tombe des étoiles
Enfin, malgré le souk, nous fait voir trente voiles;
L’ombre s’enfle dessous, et d’un commun effort
Les Maures et Belmokhtar montent jusques au fort.
On les laisse passer ; tout leur paraît tranquille;
Point d’ONU en renfort, point aux murs de la ville.
Notre profond silence abusant leurs esprits,
Ils n’osent plus douter de nous avoir surpris;
Ils abordent sans peur, ils lapident, ils descendent,
Et courent se livrer aux mains qui les attendent.
Nous nous levons alors, et tous en même temps
Poussons jusques au ciel mille cris éclatants.
Les nôtres, à ces cris, de nos blindés répondent;
Ils paraissent armés, les Maures se confondent,
L’épouvante les prend à demi descendus;
Avant que de combattre, la Djihad a perdu.
Abou Zeid courait au pillage, et rencontre la guerre;
Nous pressons leurs chameaux, nous les pressons sur terre,
Et nous faisons courir des ruisseaux de leur sang,
Avant qu’aucun résiste ou reprenne son rang.
Mais bientôt, malgré nous, des libyens les rallient,
Leur courage renaît, et leurs terreurs s’oublient
La honte de mourir sans avoir combattu
Arrête leur désordre, et leur rend leur vertu.
Contre nous de pied ferme ils tirent leurs alfanges;
De notre sang au leur font d’horribles mélanges.
Et la terre, et le fleuve, et leur grotte, et le fort,
Sont des champs de carnage où triomphe la mort.
Ô combien d’actions, combien d’exploits célèbres
Sont demeurés sans gloire au milieu des ténèbres,
Où chacun, seul témoin des grands coups qu’il donnait,
Ne pouvait discerner où le sort inclinait !
J’allais de tous côtés encourager les nôtres,
Faire presser les Maliens et soutenir les autres,
Entrainer les Tchadiens qui venaient, les pousser à leur tour,
Et ne l’ai pu savoir jusques au point du jour.
Mais enfin sa clarté montre notre avantage;
Le Maure voit sa perte, et perd soudain courage
Et voyant la Légion qui nous vient secourir,
L’ardeur de vaincre cède à la peur de mourir.
Ils gagnent leurs caravanes, ils s’enfuient dans les sables,
Poussent jusques aux cieux des cris épouvantables,
Font retraite en tumulte, et sans considérer
Si les Touaregs avec eux peuvent se retirer.
Pour souffrir ce devoir leur frayeur est trop forte;
Aqmi les apporta, le Famas les remporte;
Cependant que Mokhtar, engagé contre nous,
Et quelque peu des leurs, tous percés de nos coups,
Disputent vaillamment et vendent bien leur vie.
À se rendre moi-même en vain je les convie :
La kalach au poing ils ne m’écoutent pas;
Mais voyant à leurs pieds tomber leurs fellaghas,
Et que seuls désormais en vain ils se défendent,
Ils demandent le chef; je me nomme, Le Drian.
J’autopsie les cadavres en vitesse à Lorient;
Et le combat cessa faute de combattants ».
Le marquis Del Basta, 5 mars 2013
(d’après Le Cid, Acte IV, scène 3)