Nous avions publié il ya peu un article sur l’indépendance de l’arbitre. C’est avec satisfaction que nous avons pris connaissance de l’article intitulé « Indépendance des arbitres et conflits d’intérêts » par le Professeur Daniel Cohen dans le n°3 de la REVUE DE l’ARBITRAGE 2011, publié par le Comité français de l’Arbitrage.
Ce mois, nous avons un article rédigé en commun avec Anna-Leigh Barker sur l’indépendance et l’impartialité des arbitres vu d’Angleterre (International approaches to the independence and impartiality of arbitrators). Il est cocasse de noter que ce troisième numéro de la Revue de l’Arbitrage dans sa partie doctrinale et immédiatement après l’article de Daniel Cohen, publie des observations du Professeur Tercier (Professeur émérite de l’Université de Fribourg, en Suisse, et ancien Président de la Cours d’arbitrage de la CCI) sur « La légitimité de l’arbitrage ».
Vous lirez peut-être ces observations et je me contenterai de citer pour créer le lien avec l’article du Professeur Cohen la conclusion du Professeur Tercier :
« Or de tous ces aspects, c’est le choix qui reste essentiel. Il dépend certes au premier chef des parties, mais on sait le rôle essentiel et croissant que jouent dans ce processus les institutions d’arbitrage. Elles doivent avoir le courage d’élever les exigences, d’ouvrir le cercle des élus, de refuser les propositions qui leur paraissent inadéquates, et pas seulement pour des motifs touchant à la garantie d’indépendance. Elles doivent elles-mêmes démontrer leur légitimité, par une plus grande transparence.
Le dernier mot reste à celles et ceux qui acceptent la lourde responsabilité d’exercer cette activité, sans doute l’une des plus présomptueuses : trancher un litige entre deux particuliers au nom de principes abstraits et participer à la mise en œuvre de la justice, en contribuant à développer ces principes. »
Dans la partie de la Revue de l’arbitrage réservée à la jurisprudence française, nous avons relevé deux arrêts de la Cour de cassation du 20 octobre 2010 (1ère C. civ. Sté Somoclest Bâtiment c/ Sté DV Construction ; 1er C. civ. M. Marcel Batard & Autre c/Sté Prodim)[1]. Dans la première affaire, la Cour de cassation a annulé une sentence et cassé l’arrêt de la Cour d’appel de Douai, bien que l’arbitre avait fait une révélation mentionnant qu’il avait déjà été désigné par une des parties, la Cour de cassation ayant estimé que « le caractère systématique de la désignation d’une personne donnée par les sociétés d’un même groupe, sa fréquence et sa régularité sur une longue période, dans des contrats comparables, ont créé les conditions d’un courant d’affaires entre cette personne et les sociétés du groupe parties à la procédure de sorte que l’arbitre était tenu de révéler l’intégralité de cette situation à l’autre partie à l’effet de la mettre en mesure d’exercer son droit de récusation … ». Selon les faits, l’arbitre en question avait été désigné à 34 reprises par le même groupe dans des affaires similaires. Dans la deuxième affaire Somoclest, les faits étaient similaires, l’arbitre ayant été désigné à de nombreuses reprises par le groupe Bouygues. Dans les deux affaires la Cour de cassation retient le caractère systématique de la désignation d’un arbitre, circonstance qui avait été révélée de manière insuffisante. Il est amusant de relever que la Chambre civile a, dans les deux affaires, renvoyé devant la Cour d’appel de Reims, où comme il est notoire, siège depuis quelques années le conseiller Dominique Hascher qui était précédemment conseiller à la Cour d’appel de Paris.
La Revue de l’arbitrage se termine sur une chronique de jurisprudence étrangère et des informations fort utiles pour les praticiens, vraiment internationaux, sur les nouvelles lois costariciennes et hongkongaises sur l’arbitrage, suivies d’informations sur la modernisation du droit Qatari en matière financière.
Enfin, on nous annonce un colloque du 9 décembre 2011 sur l’Éthique dans l’arbitrage, organisé par l’association Francarbi, dont l’objet est de défendre le pluralisme culturel dans l’arbitrage commercial international. L’initiative de l’association revient à l’ancien bâtonnier Lambert Matray, qui considérait que les deux traits les plus spécifiques qui caractérisent l’apport de la jurisprudence et de la doctrine des droits d’origine française à l’arbitrage commercial international sont l’aptitude à la conceptualisation et la tendance à l’universel. Ce colloque promet d’être fort intéressant tant par la variété que par la qualité des intervenants.
Les aficionados de l’arbitrage se reporteront avec gourmandise aux Petites Affiches des n°225-226-227 de la mi-novembre et sa chronique de droit de l’arbitrage n°8. Nous vous en parlerons le cas échéant dans notre prochain numéro.
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[1] « Nullité d’une sentence arbitrale pour défaut d’indépendance de l’arbitre désigné »