Le 21 février est parue au Journal Officiel la loi n°2007-211 instituant la fiducie. Celle-ci trouve directement son origine dans la proposition de loi déposée en 2005 par le sénateur Philippe Marini, laquelle fait d’ailleurs suite à bien d’autres propositions de loi. La fiducie s’apparente à première vue au "trust" anglo-saxon ou à l’"Anstalt" pratiqué au Liechtenstein ou au Luxembourg.
Une lecture un peu plus attentive de la loi publiée laisse toutefois entrevoir un dispositif timide à l’efficacité limitée.
L’institutionnalisation du patrimoine d’affectation
Le nouvel article 2011 du code civil définit la fiducie comme le contrat par lequel une personne – le constituant – transfère des biens ou des droits à une autre personne – le fiduciaire – qui les tient séparés de son patrimoine propre, avec pour mission de les gérer dans un but déterminé au profit d’un ou de plusieurs bénéficiaires.
Sur la forme, l’établissement de ce contrat devra respecter quelques contraintes. En effet, « la fiducie est établie par la loi ou par contrat. Elle doit être expresse » (art. 2012). Le contrat doit contenir certaines informations minimales (art. 2018) et doit être enregistré au registre national des fiducies et au service des impôts sous peine de nullité (art. 2019).
Sur le fond, la fiducie apporte deux nouveautés au droit français : d’une part, elle permet un transfert limité et temporaire du droit de propriété. D’autre part, elle permet d’isoler des biens dans un patrimoine d’affectation autonome. En créant un patrimoine d’affectation, la fiducie met fin à un des principes fondamentaux du droit français : l’unité du patrimoine. Les entreprises vont donc pouvoir affecter des biens à une finalité particulière.
Un cadre d’utilisation restreint
Compte tenu de sa réputation d’opacité et de son utilisation dans les "paradis fiscaux", la fiducie était considérée avec méfiance en France. Aussi, la loi a-t-elle encadrée strictement le recours à la fiducie et veut garantir sa neutralité fiscale, quitte à faire perdre beaucoup de son intérêt à ce nouveau dispositif.
Alors que le trust anglo-saxon est essentiellement utilisé à des fins successorales, la nouvelle loi dispose que « le contrat de fiducie est nul s’il procède d’une intention libérale au profit du bénéficiaire » (art. 2013). En outre, le contrat de fiducie n’est permis qu’à des sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés. Exit donc le recours à la fiducie par des particuliers souhaitant assouplir les conditions de transmission de leur patrimoine.
Par ailleurs, la loi prévoit un cadre assurant la transparence et la surveillance des fiducies : outre le formalisme du contrat, le fiduciaire est obligé de manifester expressément sa qualité et celui-ci devra être obligatoirement une compagnie d’assurances, un établissement de crédit ou une autre entité soumise à la réglementation contraignante du code monétaire et financier. Le constituant doit être immatriculé dans l’Union Européenne ou dans un État ayant conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscale.
Appréciations partagées
Aujourd’hui, les avis sur l’opportunité d’importer le trust en France sont partagés. Certains considèrent que si le principe est louable, les nouvelles conditions légales sont si restrictives qu’elles ne devraient pas rendre moins intéressant le recours aux systèmes étrangers plus permissifs (notamment en matière de succession).
D’autres restent songeurs au regard des très nombreux dispositifs qu’offrait déjà le droit français, répondant souvent à tel ou tel intérêt de la fiducie : la vente à réméré est souvent citée, ainsi que les sûretés réelles, les sociétés en participation, les fondations et les sociétés de « defeasance ».
Certains soulignent les nouvelles possibilités offertes par la fiducie dans la structuration de syndications bancaires, la gestion d’emprunts obligataires et surtout la mise en place d’opérations de titrisation.
Plus généralement, la fiducie permettra facilement à une entreprise d’organiser la détention ou la gestion de tout ou partie de certains biens dans un but déterminé pour elle-même ou pour d’autres. Plusieurs exemples illustrent que des entreprises françaises ont dû avoir recours à des systèmes de droit étranger pour optimiser leur montage financier : ainsi, pour mettre en place l’Euromillions, la Française des Jeux s’est alliée avec d’autres entreprises de jeux européennes, dans un trust britannique. En 1987, la société Peugeot, n’ayant pu mener à bien sur la base du droit français, une opération de « defeasance » de ses actifs « douteux », avait dû se tourner vers le droit américain. Plus récemment en 2004, Alstom avait eu recours, lors de sa restructuration, à la création d’un trust anglo-saxon.
Avec optimisme, parions que la fiducie saura trouver sa place parmi les dispositifs déjà connus, et que la liberté contractuelle permise dans la rédaction du contrat saura lui apporter l’intérêt peu visible au regard du seul texte de la loi.