Le sort des dispositions de la loi Évin relatives à la publicité pour l’alcool a suscité des débats agités dans le cadre de l’adoption de la loi Macron. Alors que le texte avait été une première fois modifié par un amendement du Sénat, début avril (amendement approuvé en deuxième lecture par les députés de la Commission spéciale de l’Assemblée Nationale, début juin), le Gouvernement a finalement réécrit l’article controversé avant d’engager sa responsabilité sur le projet de loi Macron en nouvelle lecture.

1. Retour sur le contenu de la loi Évin

Les dispositions de la loi Évin règlementant la publicité pour les boissons alcooliques ont été transposées aux articles L. 3323-1 à 6 et R. 3323-1 à 4 du Code de la santé publique.

a – Les supports publicitaires autorisés de façon limitative

Les textes déterminent de façon strictement limitative les supports publicitaires qui peuvent être employés

  • la presse écrite, à l’exclusion des publications destinées à la jeunesse ;
  • la radio, dans les tranches horaires déterminées par décret ;
  • les affiches et les enseignes ainsi que les affichettes et objets à l’intérieur des lieux de vente à caractère spécialisés ;
  • les documents commerciaux (messages, circulaires commerciales, catalogues et brochures) envoyés par les producteurs, fabricants, importateurs et négociants ;
  • les véhicules de livraison des boissons ;
  • la publicité en faveur des manifestations et institutions diverses liées aux produits alcooliques: les fêtes et foires traditionnelles consacrées à des boissons alcooliques locales ; les musées, confréries ou stages d’initiation œnologiques ;
  • l’offre, à titre gratuit ou onéreux, d’objets strictement réservés à la consommation de boissons contenant de l’alcool, marqués à leurs noms, par les producteurs et fabricants, à l’occasion de la vente directe de leurs produits  ou de la visite touristique des lieux de fabrication ;
  • les services de communications en ligne (à l’exclusion de ceux destinés à la jeunesse ainsi que ceux édités par des associations, sociétés et fédérations sportives ou des ligues professionnelles au sens du code du sport) sous réserve que la propagande ou la publicité ne soit ni intrusive ni interstitielle. 

Tous les supports non expressément autorisés (cinéma, télévision…) sont interdits. D’autre part, toute opération de parrainage est interdite.

b – La règlementation du contenu

La loi énumère de façon limitative les éléments qui peuvent figurer dans une publicité. Il s’agit du degré volumique d’alcool, de l’origine, de la dénomination, de la composition du produit, du nom et de l’adresse du fabricant, des agents et des dépositaires ainsi que du mode d’élaboration, des modalités de vente et du mode de consommation du produit. La publicité peut également comporter des références relatives aux terroirs de production, aux distinctions obtenues, aux appellations d’origine ou aux indications géographiques, à la couleur et aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit.

De plus, la publicité doit être assortie d’un message de caractère sanitaire précisant que l’abus d’alcool est dangereux pour la santé (avec certaines exceptions).
 

2. Une interprétation jurisprudentielle large de la notion de publicité

La loi Evin avait pour objectif de règlementer la publicité et la propagande pour l’alcool sans toutefois en donner une définition. La seule précision apportée par la loi est que la propagande ou publicité indirecte et celle « en faveur d’un organisme, d’un service, d’une activité, d’un produit ou d’un article autre qu’une boisson alcoolique qui, par son graphisme, sa présentation, l’utilisation d’une dénomination, d’une marque, d’un emblème publicitaire ou d’un autre signe distinctif, rappelle une boisson alcoolique ».

Cette absence de définition avait conduit la jurisprudence à faire une interprétation large de la notion de publicité, considérant qu’il s’agissait de « tout acte en faveur d’un organisme, d’un service, d’une activité, d’un produit ou d’un article ayant pour effet, quelle qu’en soit la finalité, de rappeler une boisson alcoolique »[1]. Avait ainsi été considérée comme une publicité indirecte (qui aurait donc dû comporter un message sanitaire) la publication dans un magazine sportif d’une photographie d’un célèbre pilote de course automobile laissant apparaître le nom et le logo de la marque de bière « Foster’s », reproduits à plusieurs reprises et en gros caractères, ainsi que l’appellation « Mumm champagne », celle-ci étant illustrée par la présence de deux bouteilles (même arrêt).

Selon d’autres formules utilisées par les juges du fond, « toute photographie, de nature à inciter le lecteur à consommer une boisson alcoolique constitue une publicité qui, comme telle, doit être soumise aux dispositions de l’article L. 3323-4 du Code de la santé publique » [2].  Ainsi, le Tribunal de Grande Instance de Paris a jugé, à propos d’une série d’articles parus dans Le Parisien, annoncés en une sous le titre « Le triomphe du champagne » et recensant plusieurs grandes marques, qu’il s’agissait d’une publicité (malgré l’absence d’achats d’espaces publicitaires) qui aurait donc dû être accompagnée du message sanitaire prescrit par la loi.   

3. Le projet de loi

a – L’amendement déposé au Sénat

Pour éviter que toute évocation de boissons alcooliques puisse tomber sous le coup de la loi, les sénateurs à l’origine de l’amendement [1] ont eu pour objectif de « clarifier les frontières entre ce qui relève d’une part, de la publicité et d’autre part, de l’information journalistique et écotouristique, de la création artistique et cultuelle, en définissant ce qu’est la publicité ». Selon cet amendement, « est considérée comme propagande ou publicité (…) une opération de communication effectuée en faveur d’un produit ou service, relevant de l’activité d’une personne ayant un intérêt à la promotion dudit produit ou dudit service et susceptible d’être perçue comme un acte de promotion par un consommateur d’attention moyenne ».  L’amendement avait été adopté par les députés de la commission spéciale de l’Assemblée Nationale chargée d’examiner le projet de loi Macron en nouvelle lecture.

b – Le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité
  C’est finalement une définition « a contrario » qui a été retenue par le Gouvernement. Selon la version du projet de loi Macron considérée comme adoptée par l’Assemblée Nationale en nouvelle lecture [4], suite au recours à l’article 49-3 et au rejet de la motion de censure, « Ne sont pas considérés comme une publicité ou une propagande, au sens du présent chapitre, les contenus, images, représentations, descriptions, commentaires ou références relatifs à une région de production, à une toponymie, à une référence ou à une indication géographique, à un terroir, à un itinéraire, à une zone de production, au savoir-faire, à l’histoire ou au patrimoine culturel, gastronomique ou paysager liés à une boisson alcoolique disposant d’une identification de la qualité ou de l’origine ou protégée au titre de l’article L. 665-6 du code rural et de la pêche maritime ».

Cette version, bien que plus  restrictive que celle des sénateurs, semble cependant ouvrir de  nouveaux horizons à une certaine forme de « communication ».

Contact : stephanie.faber@squirepb.com

 


[1] Cour de Cassation, 03 novembre 2004, n°04-81123 : confirmation d’un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 05 février 2004. [2] TGI Paris, 4° ch, 1° sect., 26 juin 2007, n°RG 06/00193, ANPAA c/ SA Les Echos ; TGI Paris, 4° ch, 2° sect., 20 déc. 2007, RG n° 06/05406, ANPAA c/ SNC Le Parisien. [3] Amendement n°633 rect
[4] La version définitive du texte considéré comme adopté par l’Assemblée nationale le 10 juillet est identique.