Profitant du vote de la loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, loi générale (pour ne pas dire « fourre-tout »), le gouvernement a introduit durant les débats un amendement tendant à transposer en droit français la directive du 16 septembre 2009 relatives aux fusions, scissions et apports partiels d’actifs soumis au régime des scissions.
Ces dispositions s’appliqueront dès le 31 août 2011 aux sociétés anonymes, aux commandites par actions et aux SAS.
Nous nous proposons d’analyser ici quelques unes des modifications importantes ainsi apportées au régime des fusions.
1. Le renforcement de l’information
L’article L236-9 du Code de commerce imposait aux organes de direction des sociétés participant à la fusion d’établir un rapport écrit à destination des actionnaires. La loi de simplification vient modifier cette disposition.
Ainsi, si l’établissement d’un rapport sur la fusion demeure la règle, il sera désormais possible de dispenser les organes de direction des sociétés participant à l’opération de fusion de sa rédaction, sous réserve d’une décision unanime des actionnaires de l’ensemble des sociétés concernées. A cette fin, les actionnaires devront être consultés un mois avant la date de réunion de l’assemblée générale appelée à se prononcer sur le projet.
Par ailleurs, que l’opération ait ou non donné lieu à un rapport, les organes de direction des sociétés participant à l’opération (conseils d’administration, directoire, gérant, dirigeant) devront informer leurs actionnaires de toute modification importante de l’actif ou du passif intervenue entre la date d’établissement du projet de fusion et la date de réunion des assemblées générales extraordinaires. Ils devront également aviser les organes de directions des autres sociétés participant à l’opération afin que ces derniers en informent leurs actionnaires ou associés.
Un décret d’application devrait prochainement préciser les modalités de ces informations.
2. L’assouplissement du régime des fusions simplifiées
S’agissant des fusions dites « simplifiées », la loi apporte deux modifications majeures.
Absorption d’une filiale à 100%
Sous son ancienne rédaction, l’article L236-11 du Code de commerce prévoyait que seule la société absorbée était dispensée de convoquer une assemblée générale extraordinaire pour que celle-ci approuve le projet.
Désormais, toutes les sociétés participant à l’opération de fusion seront affranchies de cette obligation en présence d’une fusion simplifiée. L’assemblée générale de la société absorbante ne sera plus amenée à se prononcer sur la fusion simplifiée.
Mais, s’il n’était en rien problématique que la société absorbée détenue à 100% par l’entité absorbante soit dispensée de se prononcer sur son propre sort, nous ne pouvons, en revanche, que nous interroger sur l’opportunité de l’extension de cette mesure à l’ensemble des sociétés participant à l’opération et, partant, à la société absorbante.
Pour ajouter à la confusion, ce texte de « simplification » se contente de supprimer le vote de l’assemblée de la société absorbante sans prévoir de solution alternative, nous laissant, ainsi, nous questionner sur les modalités pratiques d’adoption du projet de fusion. Quel organe sera demain amené à le valider ? Il semble que la solution la plus vraisemblable serait que le projet de fusion soit voté par l’organe de direction de la société absorbante.
Nous ne pouvons qu’espérer que le décret d’application à venir éclaircisse ce point.
En tout état de cause, soucieux de ne pas sacrifier les intérêts des actionnaires minoritaires dans cette démarche de simplification, le législateur prévoit la faculté pour les actionnaires de la société absorbante réunissant au moins 5% du capital social de provoquer la tenue d’une assemblée générale extraordinaire de la société absorbante appelée à se prononcer sur l’opération.
Ces nouvelles dispositions seront applicables aux fusions entre sociétés par actions mais également aux opérations réalisées entre SARL ou entre une société par actions et une SARL.
Absorption d’une filiale à 90 %
Le champ d’application de la procédure simplifiée est élargi par l’insertion d’un article L 236-11-1 dans le Code de commerce. En effet, là où la directive du 9 octobre 1978 prévoyait une simple faculté d’étendre le régime des fusions simplifiées, la directive du 16 septembre 2009 impose aujourd’hui aux Etats membres d’étendre ce dispositif dans le cas où la société absorbante détient 90 % de la société absorbée. La proposition de loi vise à transposer cette nouvelle mesure. Ainsi, lorsque depuis le dépôt au greffe du projet de fusion jusqu’à la réalisation de la fusion, la société absorbante détient en permanence au moins 90% des droits de vote de la société absorbée, l’opération bénéficiera de la procédure de fusion simplifiée.
Quelques remarques concernant ce nouvel article L 236-11-1 du Code de commerce :
• l’opération bénéficiera de la procédure de fusion simplifiée dans les nouvelles conditions énoncée ci-dessus, notamment la fusion ne nécessitera pas l’approbation de l’assemblée générale extraordinaire de la société absorbante
• ce nouvel article rappelle que, dans ce cas de fusion simplifiée, il n’y aurait pas lieu à approbation de la fusion par l’AGE de la société absorbante et que les actionnaires de la société absorbante réunissant au moins 5% du capital social pourrait provoquer la tenue d’une AGE de la société absorbante appelée à se prononcer sur l’opération.
Ces deux précisions semblent redondantes au regard des modifications générales apportée à l’article L 236-11 du Code de commerce. Dès lors, on peut supposer une volonté du législateur de ne pas supprimer le vote de la société absorbée dans cette hypothèse.
• On peut s’étonner de l’absence d’un mécanisme de protection des actionnaires minoritaires de la société absorbée, à l’instar de ce qui est prévu pour les éventuels minoritaires de la société absorbante.
Notons que le texte ne prévoit l’établissement d’aucun rapport (rapport des commissaires à la fusion et rapport des dirigeants) sur l’opération lorsque les actionnaires minoritaires de la société absorbée se seront vu proposer, préalablement à la fusion, le rachat de leurs actions par la société absorbante à un prix correspondant à leur valeur réelle. Dans le cas le plus fréquent où les actions de la société absorbée ne sont pas admises aux négociations sur un marché réglementé, la valeur réelle des titres serait déterminée par un expert dans les conditions prévues à l’article 1843-4 du Code civil.
Ces nouvelles dispositions seront applicables aux opérations entre sociétés par actions. En revanche, l’absence de renvoi des articles L 236-2 et L 236-23 du Code de commerce à l’article L 236-11-1 susvisé semble signifier que ces mesures ne s’appliqueront pas aux fusions impliquant une SARL.