La loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, qui vise à remédier à la complexité du droit, à faciliter la vie des entreprises et à transposer certaines directives européennes, vient d’être publiée (Loi 2011-525 du 17 mai 2011 : JO du 18 mai p. 8537), après son examen par le Conseil constitutionnel (Décision 2011-629 DC du 12 mai 2011 : JO précité p. 8571).
Nous évoquerons ici les mesures concernant les augmentations de capital réservées aux salariés (I), ainsi que celles relatives aux augmentations de capital déléguées sans droit préférentiel de souscription (II). Ces nouvelles dispositions sont entrées en vigueur le 19 mai 2011.
I. Augmentations de capital réservées aux salariés
Rappelons, à titre liminaire, que, depuis l’ordonnance du 24 juin 2004, l’article L. 225-129-6 du Code de commerce impose aux actionnaires/associés des sociétés par actions (SA, SCA, SAS) de se prononcer sur un projet d’augmentation de capital réservée aux salariés adhérents à un plan d’épargne entreprise :
• d’une part, lors de toute augmentation de capital en numéraire, sous peine de nullité de l’augmentation de capital initiale (« obligation permanence ») ;
• d’autre part, tous les trois ans, tant que les actionnaires/associés salariés représentent moins de 3% du capital (« obligation périodique »).
La généralité de ce texte a conduit bon nombre de praticiens, par prudence et sous la pression de certains Commissaires aux comptes, à faire statuer les actionnaires/associés sur un tel projet d’augmentation, tant dans le cadre de l’obligation permanente que dans le cadre de l’obligation périodique, même en l’absence de salariés dans la société.
La loi du 17 mai 2011 remédie partiellement aux imprécisions de l’ordonnance du 24 juin 2004 en dispensant désormais les sociétés de respecter ces obligations permanente et périodique dans certains cas. En effet :
• d’une part, les sociétés n’ayant pas de salariés sont expressément dispensées de l’obligation permanente ;
• d’autre part, les sociétés contrôlées (au sens de l’article L. 233-16 du Code de commerce) sont expressément dispensées, tant de l’obligation permanente que de l’obligation périodique, lorsque la société qui les contrôle a mis en place un dispositif d’épargne salariale (intéressement, participation ou plan d’épargne entreprise) dont peuvent bénéficier les salariés des sociétés contrôlées. Sont ainsi visés les cas où un plan d’épargne salariale a été institué au sein d’un groupe constitué par des entreprises juridiquement indépendantes mais ayant établi entre elles des liens financiers et économiques.
En cela, le législateur n’a donc que partiellement entendu les recommandations de l’ANSA, qui préconisait, purement et simplement, la suppression des deux obligations, permanente et périodique, dans toutes les sociétés non cotées, dans lesquelles l’actionnariat salarié n’est pas dépourvu de risque et implique un mécanisme assez lourd de valorisation de l’action et un système de garantie de rachat par des actionnaires/associés importants, en l’absence de marché.
On peut également noter que le législateur a omis de dispenser expressément les sociétés n’ayant pas de salariés de l’obligation périodique (même si on suppose que, compte tenu de l’esprit de la loi du 17 mai 2011, les Commissaires aux comptes seront désormais moins pointilleux qu’auparavant sur le respect scrupuleux de cette obligation dans ce type de sociétés).
II. Augmentations de capital déléguées sans droit préférentiel de souscription
Il convient, à ce sujet, de rappeler qu’en application des dispositions des articles L. 225-129, L. 225-129-1 et L. 225-129-2 du Code de commerce, dans le cadre d’une opération d’augmentation de capital d’une société par actions (SA, SCA, SAS), l’Assemblée Générale Extraordinaire peut :
• soit fixer elle-même toutes les modalités de l’augmentation (« augmentation de capital immédiate ») ;
• soit décider de l’augmentation et déléguer au Conseil d’Administration, au Directoire, au Gérant, au Président ou à l’organe dirigeant prévu par les statuts (l’« organe délégué »), le pouvoir d’en fixer les modalités (« délégation de pouvoirs ») ;
• soit déléguer à l’organe délégué sa compétence pour décider de l’augmentation elle-même (« délégation de compétence »).
Auparavant, l’imbroglio de textes législatifs et règlementaires conduisait le Commissaire aux comptes à établir, en cas de suppression du droit préférentiel de souscription sans indication de bénéficiaires dénommés, les rapports suivants :
• en cas d’augmentation de capital immédiate, un rapport à l’Assemblée Générale Extraordinaire ;
• en cas de délégation de pouvoirs ou de délégation de compétence, un rapport au moment de l’émission, mis à la disposition des actionnaires/associés ;
• en outre, en cas de délégation de compétence, un rapport à l’organe délégué, sous peine de nullité de la décision. Toutefois, en l’absence de parution du décret d’application détaillant les modalités de cette obligation, le ministère de la justice avait précisé que cette obligation n’était de facto pas applicable.
La loi du 17 mai 2011, modifiant les dispositions de l’article L. 225-135 du Code de commerce, explicite désormais les modalités d’intervention du Commissaire aux comptes en prévoyant :
• qu’en cas d’augmentation de capital immédiate, le Commissaire aux comptes (tout comme l’organe délégué, par ailleurs) établit un rapport à l’Assemblée Générale Extraordinaire, sauf en cas d’émission de titres de capital cotés par offre au public (s’agissant des SA et des SCA) ;
• qu’en cas de délégation de pouvoirs, le Commissaire aux comptes (tout comme l’organe délégué, par ailleurs) établit, dans un premier temps, un rapport à l’Assemblée Générale Extraordinaire, sauf en cas d’émission de titres de capital cotés par offre au public (s’agissant des SA et des SCA), puis, dans un second temps, un rapport sur les conditions définitives de l’opération, qui est présenté à la plus prochaine Assemblée Générale Ordinaire.
• qu’en cas de délégation de compétence, le Commissaire aux comptes (tout comme l’organe délégué, par ailleurs) établit un seul rapport sur les conditions définitives de l’opération, qui est présenté à la plus prochaine Assemblée Générale Ordinaire.
Notons toutefois que ces dispositions ne s’appliquent qu’aux augmentations de capital avec suppression du droit préférentiel de souscription sans indication de bénéficiaires dénommés, c’est-à-dire, en pratique, aux augmentations réalisées par offre au public ou par placement privé au profit d’investisseurs qualifiés ou dans un cercle restreint d’investisseurs.
En cas de suppression du droit préférentiel de souscription au profit de bénéficiaires ou d’une catégorie de bénéficiaires dénommés, les dispositions de l’article L. 225-138 du Code de commerce, qui restent inchangées, prévoient toujours que l’Assemblée Générale Extraordinaire se prononce sur le prix d’émission ou les conditions de fixation de ce prix sur rapport spécial du Commissaire aux comptes.
En conséquence, doit-on réellement considérer qu’il s’agit d’une simplification pour les bénéficiaires de ces nouvelles mesures ? Rien n’est moins sûr. Tout au plus, il s’agira, une fois que la doctrine se sera accordée sur l’interprétation de certains termes de ces nouvelles dispositions, d’une clarification de la procédure pour un petit nombre de structures.