Entrée en vigueur en plusieurs étapes, la loi anglaise « Legal Services Act 2007 » surnommé par ses détracteurs, la « Tesco law » a suscité de vifs débats sur le plan européen.

Ce texte a pour finalité l’ouverture du marché des services juridiques, traditionnellement un marché fermé en Angleterre. La libéralisation est destinée à élargir l’offre et permettre une baisse du prix des prestations, notamment des actes les plus usités.

Ce texte envisage la coexistence de deux modèles :

(1) des cabinets multidisciplinaires dans lesquels les professionnels de tout secteur pourront travailler en partenariat avec les avocats, (ce qui est autorisé en Angleterre depuis mars 2009) ; et

(2) des « structures d’entreprises alternatives » (Alternative Business Structures), dont les premières autorisations sont prévues pour mi-2011. Ces dernières prévoient des cabinets détenus et gérés par les professionnels autres que les avocats : comptables, banquiers, voire des supermarchés (comme le célèbre hypermarché anglais Tesco…)

La notion de structures d’entreprises alternatives suscite de nombreuses inquiétudes parmi les Barreaux étrangers européens ainsi que plusieurs law firms anglaises.

Le Conseil des barreaux européens a publié le 4 septembre 2009 une réponse à la consultation du Legal Services Board, organisme qui établira et surveillera la réglementation des deux modèles. Ses conclusions sur le concept de structures d’entreprises alternatives sont très très réservées. En effet, le Conseil a recommandé « de ne pas continuer le projet sur les structures d’entreprises alternatives » dès lors que « les non-avocats qui n’exercent pas en tant que professionnels réglementés créent des risques supplémentaires pour les clients et la bonne administration de la justice »

Par ailleurs, de nombreuses questions restent en suspens notamment celle de la réglementation d’un marché aussi large et hétérogène ? Jusqu’à présent, le marché des services juridiques a été plus ou moins réglementé au Royaume-Uni par la Solicitors Regulation Authority pour les solicitors et par la Bar Society pour les barristers. Ces deux autorités professionnelles ont en effet mis en place des codes de bonne conduite pour contrôler l’activité des juristes anglais. Ils ont par exemple établis (i) les règles relatives au conflit d’intérêt, à la confidentialité et à l’indépendance et (ii) les sanctions applicables en cas de non respect de ces principes pouvant aller jusqu’à l’interdiction de tout service professionnel.

Après l’entrée en vigueur du concept de « structures d’entreprises alternatives », différents organisations professionnelles telle que l’Institute of Chartered Accountants (pour les comptables) vont chercher à asseoir leur autorité sur le fonctionnement et la détermination des règles de ces structures en faisant la promotion de leurs propres règles et principes.

Il existe donc un réel risque de confusion entre les règles applicables. Un cabinet d’avocat pourrait-il travailler en partenariat avec une profession qui n’est pas encore soumises à des règles déontologiques aussi strictes que les siennes ?.

L’approche libéral insiste sur les avantages d’une ouverture du marché des services juridiques.

Tout d’abord, comme l’a précisé la Legal Services Board, la libéralisation du marché devrait déboucher sur une augmentation importante du nombre de cabinets d’avocats, qui favorisera la concurrence.

Par ailleurs, l’ouverture du marché aux non-avocats devrait permettre d’offrir une gamme plus étendue de services juridiques et non-juridiques profitant au justiciable.

Enfin, il serait possible de bénéficier d’investissements externes. Selon un article paru en « PR Week » le 10 août 2009, le chiffre d’affaires du marché des services juridiques au Royaume-Uni s’élèvait à £20 milliards en août 2009, chiffre qui suscite la convoitise des investisseurs en mal de placements lucratifs. Les entités de private equity pourraient investir et jouer un rôle majoritaire de management de certains cabinets. A quand un cabinet d’avocat coté au London Stock Exchange ou au CAC 40 ?

La fin de la consultation de la Legal Services Board sur le régime réglementaire pour les structures d’entreprises alternatives est prévue pour 2010 mais d’ores et déjà ‘le petit monde du droit et du marché juridique est en ébullition.’