Une Commission mixte paritaire vient d’adopter un nouvel article 58-1 (loi n° 71 1130 du 31 décembre 1971) rendant confidentielles les consultations juridiques rédigées par un juriste d’entreprise ou, à sa demande et sous son contrôle, par un membre de son équipe placé sous son autorité, au profit de son employeur.

Le cadre juridique

S’agissant d’une procédure ou d’un litige en matière civile, commerciale ou administrative, les documents couverts par la confidentialité ne peuvent faire l’objet d’une saisie ou d’une obligation de remise à un tiers, y inclus une autorité administrative française ou étrangère.

La confidentialité n’est pas opposable dans le cadre d’une procédure pénale ou fiscale.

La confidentialité concerne les consultations juridiques, excluant les conseils stratégiques.

L’entreprise qui emploie le juriste d’entreprise peut lever la confidentialité des documents.

Pour être couvertes par la confidentialité, les consultations juridiques doivent satisfaire certaines conditions :

 « 1° Le juriste d’entreprise ou le membre de son équipe placé sous son autorité est titulaire d’un master en droit ou d’un diplôme équivalent français ou étranger » ;

 « 2° Le juriste d’entreprise justifie du suivi de formations initiale et continue en déontologie. […]

 « 3° Ces consultations sont destinées exclusivement au représentant légal, à son délégataire, à tout autre organe de direction, d’administration ou de surveillance de l’entreprise qui l’emploie, à toute entité ayant à émettre des avis auxdits organes, aux organes de direction, d’administration ou de surveillance de l’entreprise qui, le cas échéant, contrôle au sens de l’article L. 233 3 du code de commerce l’entreprise qui emploie le juriste d’entreprise ainsi qu’aux organes de direction, d’administration ou de surveillance des filiales contrôlées, au sens du même article L. 233 3, par l’entreprise qui emploie le juriste d’entreprise » ;

 « 4° Ces consultations portent la mention “confidentiel – consultation juridique – juriste d’entreprise” et font l’objet, à ce titre, d’une identification et d’une traçabilité particulières dans les dossiers de l’entreprise et, le cas échéant, dans les dossiers de l’entreprise membre du groupe qui est destinataire desdites consultations ».

Apposer frauduleusement la mention “confidentiel – consultation juridique – juriste d’entreprise” est susceptible de poursuites pénales.  

Les modalités d’application de la réforme, notamment les conditions dans lesquelles l’entreprise assure l’intégrité des documents jusqu’à la décision de l’autorité judiciaire, seront fixées par un décret en Conseil d’État.

S’agissant de la conformité des formations en déontologie des juristes d’entreprise, un arrêté conjoint des ministres de la justice et de l’économie doit définir un référentiel sur proposition d’une commission (composition et modalités de fonctionnement fixées par décret).

Espérons que ces mesures d’application soient prises rapidement…

La promulgation du texte, en l’état, reste suspendue à la décision du Conseil constitutionnel qui doit se prononcer avant le 16 novembre. Les députés LFI auteurs de sa saisine, considèrent que la confidentialité des consultations des juristes d’entreprise attenterait à l’ordre public économique (limitant le pouvoir et les enquête administrative des autorités de concurrence et marchés financiers). L’argument est particulièrement baroque. Jeter l’opprobre sur les juristes d’entreprise est malsain et malvenu. Gageons que les sages de la rue Montpensier sauront garder la tête froide, et valideront la réforme.

Des enjeux importants

Le nouveau « legal privilege » à la française n’est pas aussi large que celui des in house lawyers anglais ou américains. Une approche in rem a été préférée à une approche fonctionnelle.

Les premiers commentateurs, l’AFJE, le Cercle Montesquieu, accueillent favorablement cette réforme équilibrée, qu’il faut saluer, et qui s’inscrit dans la continuité des Etats Généraux de la Justice.

Les obligations de gouvernance et conformité de tous ordres qui pèsent sur les entreprises (devoir de vigilance, protection des données, règles déontologiques, responsabilité sociale et environnementale, blanchiment de capitaux…) sont de plus en plus lourdes, nombreuses et complexes. Il est important que les juristes internes soient en mesure d’alerter leurs directions, sans prendre le risque d’auto incriminer leur entreprise.

Sans rentrer dans la cuisine procédurale, le nouveau texte aura des incidences en matière de mesures d’instructions in futurum (art 145 du Code de procédure civile). Le président de la juridiction qui a ordonné une mesure d’instruction dans le cadre d’un litige civil ou commercial peut être saisi en référé par voie d’assignation, dans un délai de quinze jours à compter de la mise en œuvre de ladite mesure, aux fins de contestation de la confidentialité alléguée de certains documents.

Dans les contentieux transfrontaliers et notamment en arbitrage international, la question de la confidentialité est rendue plus complexe du fait de l’application concomitante, souvent cumulative, de plusieurs cadres législatifs et/ou déontologiques.

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Qu’il s’agisse de procédures d’urgence, contentieux relatifs aux mesures d’instruction, opérations de visites et saisies par les autorités réglementaires (Dawn raids), nos équipes, à Paris (Squire Patton Boggs, 7 rue du Général Foy 75008) ou dans 42 bureaux sur 4 continents, restent à votre écoute, à vos côtés, en permanence, pour vous conseiller, négocier, plaider, défendre vos intérêts.

Catherine Muyl et moi-même interviendrons sous peu dans un webinaire sur les nouveautés du procès civil ; il sera question de justice amiable (décret du 29 juillet 2023) et de la réforme du « Legal privilege ».

L’avenir ne se prédit pas, il se prépare !

Antoine Adeline