Cass. com. 18 février 2014, n°12-27.643
L’Autorité de la concurrence s’appuie traditionnellement sur l’article L. 464-2 du Code de commerce et sur la méthode exposée dans le communiqué relatif à la méthode de détermination des sanctions du 16 mai 2011 pour retenir une majoration de la sanction infligée. Ainsi, dans le but d’assurer le caractère dissuasif et proportionné de la sanction, l’Autorité de la concurrence peut choisir de retenir des circonstances individuelles aggravantes ou atténuantes dans le cadre de la détermination de la sanction. Elle peut notamment aux termes de ces textes, tenir compte de l’appartenance à un groupe dont le chiffre d’affaire est important.
Le point 49 du communiqué sur les sanctions précise ainsi que l’Autorité de la concurrence peut revoir à la hausse la sanction lorsque :
« le groupe auquel appartient l’entreprise concernée dispose lui-même d’une taille, d’une puissance économique ou de ressources globales importantes, cet élément étant pris en compte, en particulier, dans le cas où l’infraction est également imputable à la société qui la contrôle au sein du groupe »
À ce titre, dans sa décision 11-D-02 du 26 janvier 2011 sanctionnant les ententes sur la répartition des marchés au niveau régional dans le secteur de la restauration de monument historique, l’Autorité de la concurrence avait retenu une sanction beaucoup plus élevée pour la filiale d’un groupe important. La sanction totale infligée aux quatorze membres des ententes avoisinait les dix millions d’euros. La valeur de l’amende infligée à la seule entreprise Pradeau et Morin en tant que filiale du groupe Eiffage représentait quant à elle environ 45% du montant total de l’amende. La décision de la Cour d’appel a par ailleurs confirmé les sanctions infligées, ainsi que la méthode de détermination retenue.
Cependant, l’arrêt de la Cour de cassation a remis en question la méthode retenue pour la détermination de l’appartenance à un groupe puissant comme circonstance individuelle aggravante.
Au visa de l’article L. 464-2 du Code de commerce, les juges de la chambre commerciale ont retenu que lorsque le comportement autonome de la filiale est caractérisé, il est nécessaire afin de tenir compte de la taille du groupe, de rechercher si l’appartenance de la filiale à ce dernier a joué un rôle soit :
- dans la mise en œuvre des pratiques sanctionnées,
- de nature à influer sur l’appréciation de la gravité des pratiques sanctionnées.
Selon la Cour de cassation c’est uniquement si l’une ou l’autre de ces conditions est remplie que l’Autorité de la concurrence pourra tenir compte de l’appartenance au groupe pour majorer la sanction.
Cet arrêt semble donc mettre un coup d’arrêt à la pratique de l’Autorité de la concurrence qui consiste à augmenter la sanction au titre de l’appartenance à un groupe puissant dans les situations où la filiale adopte un comportement autonome. La Cour de cassation impose en effet de démontrer l’existence d’un lien entre les pratiques et l’appartenance au groupe et réduit dès lors les possibilités de de prise en compte de cet élément.
Malgré l’apparent bénéfice que les groupes de sociétés pourraient tirer de l’application de cette jurisprudence, un tel arrêt s’il devait faire jurisprudence n’aurait pas nécessairement vocation en réalité à faire diminuer le montant des sanctions imposées en cas de comportement autonome d’une filiale. En effet, les montants élevés des sanctions décidées par l’Autorité de la concurrence sont liés à l’application du principe de dissuasion. Il semble ainsi envisageable que l’Autorité de la concurrence dans le but de contourner cette difficulté recherche plus activement qu’avant à imputer le comportement de la filiale à sa société mère et conserver ainsi le caractère dissuasif des sanctions.