Le débat jurisprudentiel relatif à la conformité des liens sponsorisés au droit des marques, que nous avions évoqué dans notre numéro de mai 2006, n’est toujours pas résolu et prend même aujourd’hui une ampleur nouvelle puisque les cours d’appel de Paris et de Versailles appliquent des solutions opposées.

Pour rappel, les liens sponsorisés constituent une nouvelle technique publicitaire par laquelle des annonceurs réservent, contre paiement, un certain nombre de mots-clé en rapport avec leurs produits et services permettant l’apparition à l’écran d’un lien hypertexte renvoyant à leur site Internet lorsque les internautes tapent lesdits mots-clé dans leur moteur de recherche.

La Cour d’appel de Paris, dans une décision du 28 juin 2006 confirmant celle des juges de première instance, a considéré que la société Google, via son offre de service de réservation de mots-clé « adwords », ne pouvait pas être condamnée pour contrefaçon de marque, mais uniquement sur le fondement de l’article 1382 du Code civil, pour faute, dans l’hypothèse où elle ne prenait pas la précaution de vérifier, a priori, l’atteinte aux droits des tiers.

La Cour d’appel de Versailles vient d’adopter une position totalement opposée dans un arrêt du 2 novembre 2006 dans une affaire mettant cette fois en cause le système développé par Yahoo dénommé « Yahoo ! Search Marketing », similaire à celui de Google. La société Accor, constatant que des mots clés correspondant à ses marques avaient été réservés par des annonceurs, a assigné la société Overture (société mère de Yahoo France) en contrefaçon de marque et concurrence déloyale. La Cour a retenu l’existence d’une contrefaçon de marque aux motifs que « i[les sociétés Overture, en donnant aux annonceurs la possibilité d’enchérir sur des mots-clé qui constituent la reproduction de marques de la société Accor, en commercialisant, moyennant rémunération et sans l’autorisation de la société Accor, ces mots-clé pour leur permettre de créer des liens sponsorisés donnant accès non pas à des services authentiques mais à des services identiques à ceux couverts par les marques Accor et ce, sur le territoire français, se sont rendues coupables de contrefaçon de marque ; que les sociétés Overture ne peuvent valablement prétendre avoir joué un rôle purement passif ou n’être intervenues que comme technicien […] dès lors qu’elle suggèrent ces mots-clé aux annonceurs, les invitent à porter des enchères sur ces mots, tirent un profit commercial lors de chaque utilisation de ces mots-clé, ont la possibilité de mettre fin à cet usage et se targuent de procéder à une vérification éditoriale standard […]]i ».

La condamnation sur le terrain des droits des marques prête toutefois à discussion dès lors que pour condamner Yahoo, le juge doit en principe vérifier, en application du principe de spécialité propre à cette matière, si les produits et services désignés par les marques d’Accor sont identiques ou similaires aux services proposés par Yahoo. Or, en l’espèce le service proposé par Yahoo, en lui-même, n’est pas lié aux services d’hôtellerie couverts par les marques d’Accor. Aussi, une application stricte du droit des marques devrait conduire à la condamnation pour contrefaçon des annonceurs, mais non des moteurs de recherche, dont la responsabilité devrait seulement pouvoir être engagée éventuellement sur le terrain de la responsabilité civile. La Cour de cassation aura-t-elle à trancher cette question et ainsi mettre un terme à ces divergences ?