Dans un arrêt du 27 septembre 2018, la Cour d’Appel de Versailles (21ème chambre – n° 17/02375) a jugé nul car discriminatoire le licenciement d’un salarié chargé d’assurer la sécurité de civils (américains notamment) au Yémen, en temps de guerre, au motif que le licenciement aurait été motivé, entre autres raisons, par la barbe du salarié « taillée d’une manière volontairement très signifiante aux doubles plans religieux et politique ».
Prétendant être menacé de mort au Yémen, le salarié avait menti à son employeur car en réalité sa précédente mission avait été écourtée non pas en raison de menaces de mort mais en raison de ses services de qualité médiocre et à cet égard décriés par le client.
Refusant par ailleurs obstinément de modifier son apparence, arguant que c’était aux clients de s’adapter à lui et pas à lui de s’adapter aux clients, la société s’est trouvée dans l’impossibilité de l’affecter sur une autre mission, la barbe ne « pouvant être comprise que comme une provocation par le client et comme susceptible de compromettre la sécurité de son équipe et de ses collègues sur place ».
Le client américain rejetait la candidature du salarié pour cette mission très sensible, également sur le territoire yéménite, arguant clairement que le profil du salarié était inapproprié et qu’il recherchait un profil « décent ».
Dans la lettre de licenciement, l’entreprise prenait grand soin d’écrire : « concernant votre apparence physique, vous n’acceptez aucune observation, ni aucun conseil sur le sujet, pourtant, vous êtes consultant sûreté et encore une fois, à ce titre, votre présentation neutre et adaptée doit vous permettre de vous fondre dans votre environnement de travail et non pas d’attirer le regard sur vous. Nous respectons tout à fait les raisons privées qui vous motivent dans votre choix, mais vos choix rendent impossible votre repositionnement. … votre présentation actuelle marque une évolution sensible de votre apparence par rapport aux photos remises lors de votre embauche…. Enfin, vos menaces à peine voilées au cours de votre entretien préalable de décrédibiliser notre société au moyen de réseaux français et étrangers dans lesquels vous nous avez dit disposer de relais, n’est pas de nature à nous ébranler dans notre décision mais bien au contraire confirme l’impossibilité de votre maintien dans l’entreprise. »
Dans sa requête devant le Conseil de prud’hommes de Nanterre, le salarié demandait aux juges de constater que la société lui faisait reproche de porter une barbe, qu’il a subi une forme de harcèlement moral qui a conduit à la détérioration de sa santé, de dire le licenciement nul et d’ordonner sa réintégration. Le 28 janvier 2016, la Conseil de prud’hommes de Nanterre disait le licenciement fondé et déboutait le salarié de l’intégralité de ses demandes.
La Cour d’appel de Versailles a considéré quant à elle que le licenciement repose, au moins pour partie, sur des motifs pris de ce que l’employeur considère comme l’expression du salarié de ses convictions politiques ou religieuses au travers du port de la barbe et que le caractère discriminatoire de ce motif frappe de nullité le licenciement. Ainsi, elle a ordonné la réintégration du salarié.
A chaque lecteur de juger.
En tout état de cause, tant le jugement du Conseil de prud’hommes que l’arrêt de la Cour d’appel semblent faire ressortir un problème majeur que les textes français et internationaux, dans leur rédaction actuelle, sont incapables de régler.
Il est probable que les contentieux de ce type, Baby-Loup ou autres, ne se multiplient notamment en France mais également dans d’autres pays, notamment européens.
Article rédigé par Jean-Marc Sainsard