Le projet de loi LME a été adopté le 17 juin par l‘Assemblée nationale et soumis au Sénat le 30 juin dernier.

L’objectif annoncé de cette loi est de « servir la croissance, l’emploi et le pouvoir d’achat ».

C’est une nouvelle loi qualifiée de « fourre-tout » – une de plus… – composée de 44 articles, ne pouvant faire l’objet ici d’une description détaillée et exhaustive. Nous souhaitons nous concentrer sur les aspects relatifs aux relations commerciales, telles que déjà modifiées récemment par la loi « Chatel » du 3 janvier 2008 .

1. La réduction des délais de paiement

L’article 6 du projet de loi vient modifier l’article L.441-6 du Code commerce pour plafonner le délai de paiement convenu entre les entreprises à 45 jours fin de mois ou 60 jours calendaires à compter de la date d’émission de la facture. Le nouvel article L. 442-6 du Code de commerce préciserait que « est abusif tout délai de paiement supérieur à ce délai maximal ».

La sanction civile de ce dépassement est par ailleurs renforcée, puisque le taux d’intérêt minimal applicable aux pénalités de retard de paiement est multiplié par deux. L’article se lirait désormais comme suit : « Sauf disposition contraire qui ne peut toutefois fixer un taux inférieur à trois fois le taux d’intérêt légal, ce taux est égal au taux d’intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage».

Serait également ajoutée à l’article L. 442-6 du Code de commerce, la disposition selon laquelle « Est abusif (…) le fait pour le débiteur de demander au créancier, sans raison objective, de différer la date d’émission de la facture, allongeant ainsi le délai de règlement effectif ».

Dans un esprit de contrôle continu et ajoutant un nouveau rôle de signalement au commissaire aux comptes, le projet de loi prévoit que celui-ci doit réaliser un rapport spécial sur les délais de paiement et doit même adresser un rapport au ministre chargé de l’économie, dans les cas de manquements « répétés » et « significatifs » aux dispositions applicables aux délais de paiement.

Il existe toutefois un bémol à ces dispositions puisque le texte précise que les professionnels d’un même secteur – ainsi que l’on déjà fait les industriels du secteur automobile – pourront convenir, par le biais d’accords conclus par les organisations professionnelles, de réduire ce délai. Un décret pourra ensuite être pris pour étendre ce délai réduit, à tout un secteur.

Ces dispositions devraient être applicables à compter du 1er janvier 2009.

2. La libre négociabilité des CGV

Les articles 21 et 22 constituent une nouvelle étape de la réforme des relations commerciales engagée depuis plus de 20 ans et dernièrement modifiées par la loi « Chatel ». Le cœur de la réforme résiderait dans la possibilité pour les fournisseurs de différencier les conditions tarifaires qu’ils accordent aux distributeurs. L’objectif annoncé est en effet de « mettre un terme à la fausse coopération commerciale et de tourner le dos définitivement au système des marges arrière maintes fois dénoncé et jamais réformé » (Rapport Hagelsteen du 12 juin 2008).

L’article 21 modifierait l’article L. 441-6 du Code de commerce pour assouplir les conditions dans lesquelles un fournisseur peut établir d’une part, des conditions générales de vente catégorielles et d’autre part, des conditions particulières de vente : les conditions dans lesquelles les catégories d’acheteurs sont définies, n’auront a priori plus à être déterminées par voie réglementaire.

L’article L. 441-7 du Code de commerce serait simultanément adapté à ce nouveau contexte, puisqu’il prévoit que les réductions tarifaires au titre des services distincts devront être directement portées sur la facture du fournisseur. Ceci permettra ainsi la vérification du respect du seuil de revente à perte, tel que modifié par la loi Chatel, et fixé dorénavant au « triple net ».

3. La modification de la coopération commerciale

Les règles applicables au formalisme de la coopération commerciale (Article L. 441-7 du Code de commerce), seraient également applicables en présence de services rendus lors de la revente à des professionnels. Auparavant la coopération commerciale (ou « les services que le distributeur s’oblige à rendre au fournisseur, à l’occasion de la revente de ses produits ou services » depuis la loi Chatel), ne visait que les opérations de revente aux « consommateurs ». Ce mot supprimé de la loi soumettrait donc toutes les activités « B to B » au formalisme – et donc aux sanctions… – de la coopération commerciale.

Pour la convention unique (telle qu’établie par la loi Chatel et devant être conclue entre les partenaires commerciaux, avant le 1er mars de chaque année ou dans les deux mois de la passation de la première commande ), l’article 22 viendrait adapter la date limite de conclusion aux produits et services soumis à un « cycle de commercialisation particulier » à savoir les produits soumis à un cycle saisonnier (possibilité de conclusion dans les deux mois suivant le point de départ de la période de commercialisation).

4. Sanction des abus dans la relation commerciale

Tout d’abord, toute juridiction saisie d’une pratique restrictive de concurrence telle que définie à l’article L.442-6 du Code commerce, pourrait solliciter l’avis de la Commission d’Examen des Pratiques Commerciales (CEPC).

Ensuite, l’interdiction des pratiques tarifaires discriminatoires est supprimée à l’article L. 442-6 du Code de commerce. Cette suppression est le corollaire de la libre négociabilité des CGV entre fournisseurs et distributeurs, mais est atténuée par l’ajout d’une disposition selon laquelle engage sa responsabilité, celui qui « soumet ou tente de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ».

Enfin, l’amende civile dont le plafond est égal à 2 millions d’euros pourra dorénavant être portée « au triple du montant, évalué par la juridiction, des sommes indûment versées. »

Pour conclure, on constate l’adoption des recommandations du rapport Hagelsteen. On peut notamment souligner l’interdiction en droit français de la « Clause de la nation la plus favorisée » (ou MFN en anglais, Most Favored Nation), considérée par le législateur comme systématiquement anticoncurrentielle. Ceci fait débat au niveau européen et nous avions récemment – dans un dossier traité par le cabinet avec nos collègues du bureau de Bruxelles – soutenu et justifié le caractère anticoncurrentiel de la MFN.
Enfin, « cerise sur le gâteau » liée à l’actualité des cours des matières premières, serait puni d’une amende de 15.000 € le fait de ne pas indexer (ou bien accepter une validation de prix) la rémunération d’un transporteur routier à l’évolution du prix du carburant.