Le mois dernier, nous vous faisions partager notre optimisme à l’orée de la nouvelle année. Nous maintenons le cap et affichons un moral d’enfer.
Le mois de janvier a été riche en événements intéressant notre communauté de juristes. Comme notre devoir de réserve nous empêche de parler de la campagne présidentielle avec ses ségolinades et autres sarkosismes à l’affût des bovéseries, nous nous contenterons de saluer l’arrêt courageux de la Cour d’appel de Paris du 26 janvier à l’encontre de Michel Garel, ancien conservateur en chef de la BNF, responsable du fond des manuscrits hébraïques, qui a écopé de 15 mois de prison ferme et 75 000 € d’amende pour avoir saccagé et revendu le manuscrit d’une bible hébraïque du XIIIème siècle.
Quelques jours plus tard, un simple citoyen a pris 13 mois de prison ferme pour avoir assassiné le chien de sa concubine en lui assénant des coups de planche, un soir, en regagnant le domicile commun, quelque peu éméché.
Des peines, somme toute semblables, pour des faits quelque peu différents. Il est vrai qu’il n’est pas aisé d’orienter le fléau de la justice. On ne peut s’empêcher, toutefois, de s’interroger sur l’efficacité d’une peine de prison ferme dans les deux cas d’espèce. Certes, une punition exemplaire s’impose sans doute, surtout pour le sieur Garel, qui, dans le cadre de ses fonctions, n’a pas hésité à des fins mercantiles à mutiler un spécimen unique du patrimoine de l’humanité. Pour le tueur de chien, hormis la satisfaction qu’une peine de prison ferme a pu donner à BB, il n’est pas non plus évident que la prison soit la punition la plus efficace. Des travaux d’intérêts généraux, comme cueillir les sacs plastiques dans les arbres du parc de Versailles, seraient peut-être plus adaptés. C’est mon avis, mais je ne suis pas certain qu’il soit partagé par le Président d’un certain pays américain. Encore que, les américains ont entendu Chirac et s’apprêtent, état par état, à abolir la peine de mort, la Californie en tête avec son gouverneur Shwarzenegger, le tautologue.
En bref, l’actualité juridique nous apprend que la hausse du nombre de seniors dispensés de recherche d’emploi augmente, alors que le taux du chômage, selon notre confrère Jean-Louis, baisse. La Chine adopte une loi sur la faillite. L’introduction de la Class Action, chère à Chirac, est abandonnée. Guy Canivet est élu à l’Académie britannique. Des défenseurs de légumes oubliés sont condamnés pour vente illicite, alors que l’utilisation du purin d’orties n’est plus hors la loi. Alain Minc quitte le conseil d’administration de Vinci.
En cette période de soldes monstres avant ravalement, où tout doit disparaître avant le 22 avril, un retournement de vestes a été annoncé dans les magasins Lang et Fils, rue de Blois et Avenue Royale et une démarque de plus de 50% sur tous les tissus anglais et hollandais. Lang et Fils habillent la famille royale depuis 1762 (distributor of fine textiles by appointment of the Queen).
La circulation et les échanges entre la France et la Belgique sont des plus intenses, vers le Nord se dirigent les exilés fiscaux en nombre, alors que les bébés éprouvette se dirigent plein Sud.
Nous vous conseillons la lecture d’un article paru dans le Financial Times du 31 janvier, de Pascal Boris et Arnaud Vaissié, intitulé « What France can learn from its nemesis », où on apprend que les Anglais estiment que le travail « is a better way of creating wealth than leisure », cette opinion n’est pas partagée par une certaine Martine, mairesse de Lille.
Nous concluons par les promesses de la chenille qui n’engagent pas le papillon…
Le chef, sous peine d’avilir ses inférieurs, ne doit pas être un régulateur mécanique, sorte d’automate, à l’aspect glacial, qui reste impassible tant que le mouvement s’accomplit, mais dont le grand ressort se détraque avec fracas au moindre dérangement.
Il doit, pour élever la dignité de ses collaborateurs, apprécier leurs efforts, infliger le blâme le jour où c’est nécessaire, mais aussi décerner les éloges à ceux qui les méritent.
Le chef exprime en toutes circonstances sa satisfaction à ceux qui en sont dignes.
« J’ai vu avec plaisir l’activité et les talents que vous avez déployés dans cette circonstance, et la bravoure distinguée de vos équipes. Je vous en témoigne ma satisfaction ; vous pouvez compter sur ma reconnaissance. »
« Si je tenais le burin de l’histoire, personne n’aurait moins à s’en plaindre que vous. »
« Recevez, comme témoignage de ma satisfaction, une belle épingle à cravate que vous porterez lors de votre prochain closing. »
« Je ne vous dis pas tout l’intérêt que j’ai pris à vos belles savantes manœuvres ; vous vous êtes encore surpassé dans cette mission»
« Vous avez rendu leur ancienne gloire à notre firme. »
« Faites-lui connaître, la satisfaction que j’ai de sa gestion du dossier, le désir que j’ai de la voir près de moi, et l’intention où je suis de la proposer au partnership comme elle le désire »
« Je conçois vos regrets de ne pas vous être trouvé dans cette équipe. J’en ai éprouvé aussi, me souvenant de votre belle conduite dans l’OPA de Pan Am sur TWA. Vous ne pouviez être partout. Vous avez très bien fait à New York. »
« Je vous fais compliment de tout mon cœur sur votre belle conduite… Témoignez ma satisfaction à tous vos collaborateurs. »
« J’ai appris avec plaisir par votre relation la brillante conduite des équipes lors du rachat de ROLECAR par LATTIMI. Je vous sais gré de tout le courage que vous avez montré, et je l’attribue à votre zèle et au soutien que vous portez à nos couleurs»
« Je dois tant à votre bonne administration qu’il est tout simple que je vienne à votre secours dans cette circonstance. Voyez-y une preuve de ma satisfaction de vos services. »
« Je vous ai nommé responsable du projet Gamma ; je suis bien aise d’avoir trouvé cette occasion de vous témoigner ma satisfaction. Je vous ai signalé au comité de rémunération ; je suis bien aise de vous l’annoncer moi-même. »
« J’ai lu votre lettre avec peine. Comment avez-vous pu supposer que j’ai jamais eu aucune espèce de doute sur votre zèle et sur votre attachement à la firme ? On ne peut être plus satisfait que je le suis de tout ce que vous faites »
«J’ai lu avec intérêt les deux beaux et grands rapports que vous m’avez envoyés. Je désire que vous me fassiez connaître quelle marque de ma satisfaction je puis donner à votre collaborateur. Il y a là dedans une grande exactitude. Je n’y ai trouvé aucune faute. »
« J’ai reçu votre lettre mon cher associé; vous n’aviez pas besoin de me parler de vos actions. Vous êtes le plus brave grenadier de notre cabinet après le départ de Elayor Sécoline. Je désire beaucoup de vous voir. »
« Je suis surpris que rien n’ait encore été fait pour honorer la mémoire distinguée du batane… Faites faire aussi un frontispice ; qu’on jette quelques fleurs sur la tombe d’un homme qui a bien servi, qui était prud’homme, et dont la mort est une perte pour la France et notre profession. »
L’écueil du commandement, surtout étendu, conséquemment bref et rapide, est de froisser certaines susceptibilités. Les collaborateurs sont ordinairement disposés à voir une atteinte à leurs mérites ou à leurs droits dans les remontrances qui sont pourtant indispensables au bien du service.
Le chef, dont la vigilance doit s’exercer sur un immense rayon, ne peut se soustraire à cette inévitable condition de faire des mécontents autour de lui.
Quand son omnipotence lui permet, assurément, de s’affranchir de tout scrupule, il tâche, par quelque faveur ou marque sympathique, de faire oublier les alarmes ombrageuses qu’il avait involontairement causées.
Vous vous demandez certainement quelles sont les promesses de la chenille, je vous laisse le soin, chère lectrice, cher lecteur, de les deviner.