L’article L.511-5 du Code monétaire et financier interdit aux entités autre que les établissements de crédit ou les sociétés de financement de prêter à titre habituel. Elles ne peuvent également recevoir des fonds remboursables du public ou fournir des services de paiements.

À ce principe il existe des exceptions prévues par les articles L.511-6 et L.511-7 du Code monétaire et financier, selon lesquelles le monopole bancaire ne s’applique pas aux établissements et entités limitativement énumérés, tel que notamment, les entités régies par le Code des assurances, les entreprises d’investissements, les organismes de titrisation, les organismes de placement collectif de valeurs mobilières (OPCVM) ou les organismes de placement collectif immobilier (OPCI). Le monopole ne peut interdire à une société, quel que soit sa forme juridique, d’accorder des délais de paiement ou des avances dans le cours normal de ses affaires, ou d’effectuer des opérations de trésorerie avec d’autres sociétés qui ont un lien capitalistique direct ou indirect avec elle, et conférant à l’une d’elles un contrôle effectif sur l’autre.

La tendance actuelle est au développement des exceptions au monopole bancaire. L’Ordonnance n°2014-559 en date du 30 mai 2014 relative au « crowdfunding », la loi n°2015-992 en date du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, et enfin, la loi n°2015-990 en date du 6 août 2015 « pour la croissance, l’activité et l’égalité de chances économiques » dite loi Macron, s’inscrivent dans cette tendance.

La loi Macron renforce les exceptions au monopole bancaire de l’article L.511-6 du Code monétaire et financier et prévoit désormais en son paragraphe 3 bis la possibilité pour certaines sociétés d’accorder des prêts destinés à d’autres sociétés. Les sociétés éligibles à ce régime ne sont donc plus contraintes de passer par l’intermédiaire d’un établissement de crédit pour accorder des prêts. Ces sociétés peuvent désormais effectuer des opérations de crédit avec des sociétés partenaires, sans devoir respecter un critère de lien en capital. Cette nouvelle exception vient répondre à la problématique du manque de trésorerie subi, notamment, par les petites et moyennes entreprises (PME).

Cependant, cette nouveauté est encadrée par de strictes conditions, issues du décret n°2016-501 du 22 avril 2016, venues préciser les critères du lien économique requis entre la société prêteuse et l’emprunteuse, les caractéristiques de la situation financière de la société prêteuse (article Art. R. 511-2-1-2 du Code monétaire et financier) ainsi que le contrôle des commissaires aux comptes (article Art. R. 511-2-1-3 dudit code). Au-delà de ces trois éléments, le décret ne permet pas une lisibilité parfaite du régime des prêts interentreprises.

Tel que précisé dans un de nos précédents articles[1] , ces prêts ne peuvent être accordés que par des sociétés par actions (SA, SAS, SCA) ou par des sociétés à responsabilité limitée (SARL) dont les comptes auront été certifiés par un commissaire aux comptes. Concernant les entreprises bénéficiaires de ce type de prêt, seules les entreprises de taille intermédiaire (ETI), les microentreprises et les PME peuvent y prétendre.

– La loi complétée par le décret exige un lien économique entre l’entreprise prêteuse et l’entreprise emprunteuse. Le décret encadre la notion de lien économique qui se caractérise dans trois situations décrites à l’article R. 511-2-1-1.-I du Code monétaire et financier :

– Les deux entreprises sont membres d’un même groupement d’intérêt économique mentionné au titre V du livre II du code de commerce ou d’un même groupement attributaire d’un marché public ou d’un contrat privé ;

– Une des deux entreprises a bénéficié au cours des deux derniers exercices ou bénéficie d’une subvention publique dans le cadre d’un même projet associant les deux entreprises et, le cas échéant, d’autres entités ; ou

– L’entreprise emprunteuse ou un membre de son groupe est un sous-traitant direct ou indirect, au sens de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, de l’entreprise prêteuse ou d’un membre de son groupe agissant en qualité d’entrepreneur principal ou de sous-traitant ou de maître de l’ouvrage.

Le décret ajoute une possibilité de prêter au titre du 3 bis de l’article L.511-6, dans le cas où il existe une concession de licence d’exploitation de brevet entre les entreprises en cause ; l’entreprise prêteuse est une cliente de l’entreprise emprunteuse à hauteur d’un certain montant de son chiffre d’affaire ; ou dans le cas où la prêteuse est liée indirectement à l’entreprise emprunteuse ou un membre de son groupe par l’intermédiaire d’une entreprise tierce, avec laquelle l’entreprise prêteuse ou un membre de son groupe et l’entreprise emprunteuse ou un membre de son groupe ont eu une relation commerciale au cours du dernier exercice clos avant la date du prêt.

Accorder des prêts ne peut être qu’une activité accessoire de l’entreprise prêteuse, et la durée de ces prêts ne pourra excéder deux ans.

En termes de formalisme, la loi impose la rédaction d’un écrit devant être signé par les deux parties. Mais le décret ne détaille pas davantage le contenu de cet écrit, aucune mention particulière ne semble donc être imposée. Le contrat de prêt entre dans la catégorie des actes qui devront être soumis au régime des conventions réglementées, a fortiori, du côté de l’entreprise prêteuse. Sur ce point, le décret n’est pas venu enterrer un paradoxe de taille : en effet, le régime des conventions réglementées s’impose lorsque des conventions sont conclues entre les dirigeants et la société, or dans le cas des prêts entre entreprises ce n’est, par définition, pas le cas.

Lors de l’établissement du rapport de gestion, la société prêteuse devra y inscrire tous les prêts consentis ainsi que leur montant pour être attestés par le commissaire aux comptes.
Afin de protéger la société emprunteuse, la loi prévoit que le prêt ne peut avoir pour effet de surpasser les plafonds légaux en matière de délai de paiement définis aux articles L.441-6 et L.443-1 du Code de commerce. Se pose ici la question de la sanction, le décret étant muet sur le sujet, ce sera probablement la jurisprudence qui viendra se positionner.

Autre limitation posée par la loi, la société prêteuse ne pourra pas céder ses créances émanant du prêt à un organisme de titrisation ou à un fonds professionnels spécialisés. Les prêts ne pourront pas non plus faire l’objet de contrats constituant des instruments financiers à terme ou ayant pour objet le transfert des risques d’assurance aux organismes et fonds susmentionnés.

A première vue cette nouvelle exception au monopole bancaire va susciter un engouement certain auprès des entreprises éligibles en demande de financement. Mais un renforcement de la protection des intérêts des parties semble être de mise, pour éviter que les sociétés prêteuses ne subissent la faillite des sociétés emprunteuses et inversement que les sociétés emprunteuses ne se retrouvent en situation de dépendance économique vis-à-vis des premières. Le dispositif bien que strictement encadré par le décret, laisse encore de nombreuses questions en suspens quant à son application concrète.
Article rédigé par Camille Louis-Joseph

 


[1] Loi Macron et prêt entre entreprises