Avec la SNCF, chacun sait que « tout est possible », notamment les pannes, les grèves, les retards. Bien placé, ce 14 novembre 2007, pour le savoir !
La chambre sociale de la Cour de cassation pourrait être assignée en concurrence déloyale pour avoir fait sien ce slogan de la SNCF dans un arrêt du 10 octobre 2007 qui fera couler quelques gouttes d’encre de la plume ébahie de quelques juristes et coûtera malheureusement la vie à quelques arbres innocents.
Au-delà de cet arrêt somme toute anecdotique, c’est bien l’assiette de calcul de l’ensemble des indemnités dues en cas de départ d’un salarié (départ ou mise à la retraite et licenciement) qui risque fort de se trouver chamboulée.
Entreprises, regardez bien comment sont rédigés les articles de vos conventions et accords collectifs relatifs au calcul des indemnités de rupture et … prenez vos calculettes ! Il vous faudra peut être désormais inclure dans l’assiette de calcul des indemnités visées précédemment, les sommes versées aux salariés au titre de la participation légale, de l’intéressement et de l’abondement dans un PEE, PEI ou PERCO.
Dans une affaire portant sur l’indemnité de départ due à un salarié en application des dispositions de la convention collective des industries chimiques, la Cour de cassation a en effet estimé que celle-ci étant calculée « sur la base de la rémunération totale servant de référence », l’ensemble des sommes distribuées dans le cadre d’un dispositif d’épargne salariale collectif devrait être inclus dans l’assiette de calcul de l’indemnité de départ à la retraite !
Jusqu’à présent, seuls les éléments de salaire et avantages en nature soumis à cotisations sociales constituaient cette assiette. Comment d’ailleurs peut-il en être autrement alors que la loi dispose clairement que les sommes allouées dans le cadre de ces dispositifs ne sont pas des éléments de rémunération soumis à charges sociales.
La circulaire interministérielle du 6 avril 2005 énonce dans son préambule que « l’épargne salariale n’a pas vocation à se substituer au salaire … ». Idem pour celle du 14 septembre 2005 !
L’interdiction de transfert entre un élément de salaire et une prime d’intéressement, par exemple, est d’ailleurs un principe fondamental institué depuis l’ordonnance du 21 octobre 1986. La notion de salaire elle–même est définie à l’article L.441-4 du Code du travail et il s’agit bien de l’ensemble des éléments de rémunération, au sens de l’article L.242-1 du Code de la sécurité sociale, qui couvre toutes rémunérations versées à l’occasion ou en contrepartie du travail, définition dont les outils d’épargne salariale sont exclus !
Cette décision est lourde de conséquences tant pour les entreprises que pour les salariés dès lors qu’elle risque fort par exemple, de changer la donne au niveau de la négociation obligatoire sur les salaires. Les entreprises ne seront-elles pas désormais tentées d’inclure les dispositifs d’épargne salariale dans la négociation annuelle sur les salaires ? Salaire, rémunération, quelle différence ?
Voilà par ailleurs un sacré coup dur porté aux efforts des gouvernements successifs de tous bords qui ont, depuis 50 ans, multiplié les efforts afin de développer ces dispositifs d’épargne salariale et d’actionnariat qui constituent tout de même de bons outils de motivation des salariés.
En effet, les PME notamment, vont désormais y regarder à deux fois avant d’accepter la mise en œuvre de l’un et a fortiori de plusieurs de ces dispositifs efficaces, dès lors qu’il s’agira de les payer partiellement deux fois !
Il va donc falloir que nos gouvernants et valeureux parlementaires légifèrent à nouveau, rapidement espérons-le, pour à nouveau contrer le pouvoir législatif que la Cour s’est auto-décerné.
Il y a urgence à agir. Le Parlement ne doit pas se laisser dépouiller des pouvoirs qui lui sont conférés par la Constitution de la Vème République. Un pays peut se doter démocratiquement d’institutions qui au gré de l’évolution de son histoire, privilégieront tantôt l’exécutif, tantôt le législatif, mais dans toute démocratie, l’armée doit rester dans les limites de ses casernes et il doit en aller de même pour les juges qui seraient inspirés de se cantonner à jouer strictement leur rôle.
A défaut, il appartiendra aux branches professionnelles de le faire, en prenant simplement soin de remplacer là où se sera nécessaire, le terme « rémunération » par « salaire soumis à cotisations sociales », sans oublier d’exclure expressément les options d’achats ou de souscriptions d’actions (bientôt soumises au moins partiellement à charges sociales), de l’assiette de calcul de l’indemnité de licenciement et autres indemnités de départ.