A l’heure où ces lignes sont écrites, la France continue de vivre à l’heure de la Coupe du Monde de Football 2006 et se prend à rêver d’une finale avec l’Allemagne…Hier critiquée et désaimée, l’équipe de France, après avoir triomphé de l’Espagne et du Brésil, retrouve son pouvoir rassembleur de 1998.
Peut-on d’ailleurs vraiment échapper à cette déferlante, que l’on soit supporter, réfractaire acharné ou même simple juriste ?
Car ce type d’événement amène avec lui son lot de questions juridiques, évidemment encore sans réponse : comment agir face aux retransmissions des matchs de la Coupe du monde dans les cafés ? Quid des droits des chaînes de T.V ? Quid du podcasting des matchs (podcasting= contraction de ipod (balladeur MP3 d’Apple) et de broadcasting et webcasting) ?
Les publications dans les journaux spécialisés des auteurs les plus éminents ne manquent pas…
Eloignons-nous de cette actualité, au combien brûlante, dans cet édito d’été pour revenir sur un "ping-pong" magistral par articles interposés qui a eu lieu entre l’un de nos confrères avocat et le président de la Chambre commerciale et financière de la Cour de Cassation, Monsieur Daniel Tricot, sur l’interprétation d’un arrêt de la même chambre du 2 novembre 2005 concernant la notion de "dirigeant de fait".
Annoncé comme un véritable revirement de jurisprudence dans les Echos du 27 avril, la décision avait été interprétée comme consacrant la notion de direction de fait par personne interposée, une banque pouvant alors être qualifiée d’ "administrateur de fait bien qu’elle n’ait personnellement accompli aucun acte de gestion".
Monsieur Daniel Tricot, lui même, a jugé nécessaire d’intervenir dans la même publication quelques jours plus tard, soit le 3 mai en démentant formellement ni plus ni moins l’interprétation qui a été faite de cette décision les jours précédents …
Il a tenu à cette occasion à rappeler la jurisprudence "stable et ferme" de sa Chambre sur la notion de dirigeant de fait : "la direction de fait ne peut être retenue que s’il est démontré des actes positifs de gestion effectués en toute indépendance par une personne autre qu’un dirigeant de droit".
Cette intervention ne vous aura certainement pas échappé… Quoiqu’il en soit, ce type d’échange dans la sphère des juristes est suffisamment rare pour être signalé à nos lecteurs et lectrices.
Elle nous rappelle, nous, modestes auteurs d’articles, à notre devoir de prudence lorsque nous prenons la plume pour vous tenir informé de l’actualité législative ou jurisprudentielle.
Nous ne l’oublierons pas.
NOUVELLE DEFINITION JURIDIQUE DES LETTRES D’INTENTION
Prudence aussi, au lendemain de la réforme du droit des sûretés par l’ordonnance n°2006-346 du 23 mars 2006 relative aux sûretés qui vous a été présentée dans notre Revue du mois d’avril 2006 (n°114).
Arrêtons-nous sur la nouvelle définition des lettres d’intention et les problèmes d’interprétation qu’elle suscite quant à son régime juridique.
Les lettres d’intention sont désormais définies à l’article 2322 du Code civil : "la lettre d’intention est l’engagement de faire ou de ne pas faire ayant pour objet le soutien apporté à un débiteur dans l’exécution de son obligation envers son créancier".
Attention ! On ne parle désormais plus de lettre de patronage ou de lettre de confort mais de "lettre d’intention". Il faudra dorénavant être particulièrement prudent quant au choix des termes qui seront utilisés dans vos lettres d’intention.
La qualification d’un écrit de "lettre d’intention" devra être appréciée avec soin et exclue des avants-contrats.
Cette définition posée, quel sera le régime juridique de la lettre d’intention ? Que faut-il entendre par "engagement" ? Faudra t-il toujours distinguer entre obligation de moyen ou de résultat ?
Rappelons l’intérêt pratique qu’il y a à bien distinguer les deux. Selon que l’obligation sera de moyen ou de résultat, la lettre d’intention sera qualifiée de "garantie" au sens des articles L.225-35 et L.225-68 du Code de commerce : "les cautions, avals et garanties donnés par des sociétés autres que celles exploitant des établissements bancaires ou financiers feront l’objet d’une autorisation du conseil" (conseil d’ administration ou conseil de surveillance).
Le rapport au Président de la République sur l’ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 relative aux sûretés précise pourtant que "la lettre d’intention fait (…) l’objet d’une définition suffisamment large pour permettre d’envisager les différentes applications en pratique de cette sûreté".
Pourtant, il ressort des débats du groupe de travail sur la réforme des sûretés (voir le rapport de ce groupe) que la lettre d’intention est bien une garantie et que le souci a été de "faire apparaître l’irréductibilité de cette garantie à un cautionnement".
Le texte actuel lui demeure rédigé dans les mêmes termes…
Il semble aujourd’hui prudent de considérer une lettre d’intention comme une véritable garantie, étant donné notamment que l’article 2322 du Code civil précité trouve sa place dans les dispositions relatives aux sûretés (livre IV du Code civil) et de prévoir ainsi systématiquement une autorisation.
Nous vous tiendrons informés bien entendu des décisions qui interviendront en la matière, qui nous donneront ou pas raison, la circonspection étant encore une fois de rigueur.
Nous vous souhaitons un agréable été et donnons rendez-vous aux juillettistes au début du mois d’août pour notre numéro de juillet. Nous commenterons l’arrêt de la Cour d’appel de Paris dans l’affaire LVMH et Morgan Stanley ; les deux litigants se déclarant satisfaits, il y a comme un hic ! Comme chaque année il n’y aura pas de Revue en août. C’est donc fin septembre que nous vous retrouverons toutes et tous en pleine forme.