1. Rappel général sur les délégations de pouvoir
Un dirigeant mandataire social d’une société française ou étrangère représente la société qu’il dirige vis-à-vis des tiers. Cette représentation emporte une responsabilité personnelle civile et pénale pour les fautes commises par le dirigeant dans l’exécution de son mandat, sans préjudice de la responsabilité solidaire éventuelle de la personne morale.
Dans les sociétés de grande taille et dans les groupes, il est vivement conseillé au dirigeant, qui peut difficilement assumer seul la responsabilité de l’ensemble des obligations à laquelle la ou les sociétés qu’il dirige est/sont soumises, de conférer des délégations de pouvoirs à des salariés de ces sociétés, voire du groupe, étant précisé que dans ce cas, il convient de vérifier si le salarié en question peut être considéré sous l’autorité hiérarchique du délégataire.
Pour permettre à un dirigeant de transférer la responsabilité pénale attachée aux pouvoirs qu’il délègue, la délégation doit remplir notamment les conditions suivantes :
(i) la délégation doit être certaine et exempte d’ambiguïté,
(ii) l’infraction constatée doit entrer dans le champ d’application des pouvoirs délégués,
(iii) le délégataire doit être pourvu de la compétence, de l’autorité et des moyens nécessaires pour faire assurer le respect des règles applicable, et
(iv) le mandataire social ne doit pas avoir pris part personnellement à la commission de l’infraction,
étant rappelé qu’en aucun cas un dirigeant ne peut se décharger de sa responsabilité civile, ni ne peut déléguer son pouvoir de direction générale de l’ensemble de l’entreprise et vider ainsi son mandat de son contenu.
La loi ne requiert pas des délégations qu’elles soient écrites et la délégation peut clairement ressortir d’une pratique au sein de l’entreprise. Néanmoins, à des fins probatoires et aussi de bonne gestion, l’écrit s’impose. A cet égard, la rédaction de la délégation, outre une information souhaitable vis-à-vis du salarié concerné, donnera l’occasion de vérifier que les conditions évoquées ci-dessus sont remplies et que cette délégation était envisagée dans le contrat de travail. A défaut, il convient de se demander si cette délégation correspond à une modification substantielle du contrat de travail, en gardant à l’esprit que si le point n’est pas traité en amont, le salarié le découvre fréquemment à son départ de l’entreprise.
2. Cas particulier des établissements secondaires ou des succursales
La création d’un établissement secondaire ou d’une succursale par une société n’entraîne pas la création d’une personne morale distincte : quand bien même la succursale constitue un fonds de commerce distinct de la maison mère, elle ne dispose pas d’un patrimoine propre.
Quel est le statut et la responsabilité de la personne responsable, le cas échéant, de l’établissement, étant précisé que la jurisprudence tant française qu’européenne retient pour définir la notion de succursale (i) la responsabilité directe de la « maison mère » pour la gestion de la succursale et (ii) la présence d’une personne physique dotée des pouvoirs nécessaires à une certaine autonomie de cette succursale (et notamment du pouvoir de traiter avec les tiers).
Dans l’hypothèse des établissements secondaires d’une société française, le code de commerce n’impose pas que figure sur l’extrait L-bis un préposé responsable de l’établissement. Toutefois, en application du droit social notamment, un fondé de pouvoir sera nommé la plupart du temps et pourra si la société le souhaite figurer sur l’extrait L-bis.
Dans le cas d’une succursale en France d’une société étrangère, un préposé (qualifié de représentant permanent ou directeur de succursale, la pratique des greffes n’est pas unifiée), représentera la société auprès du registre du commerce et des sociétés.
Il semblerait que le fait que ces personnes figurent ou non sur l’extrait K-bis ou L-bis ne permettent pas de les assimiler à des mandataires sociaux. En conséquence, dans la pratique, la responsabilité de la gestion de la succursale dépend du dirigeant social de la maison mère, mais celui-ci a nécessairement délégué des pouvoirs pour permettre à son représentant local de traiter avec les tiers et cette délégation de pouvoir, qu’elle soit écrite ou non, doit respecter les conditions rappelées -brièvement- ci-dessus.
A cet égard, la jurisprudence française établit, au cas par cas, un lien entre la responsabilité du directeur de succursale et son degré d’autonomie : plus le directeur serait « simple » salarié et exécuterait les instructions de la maison-mère, moins il encourrait de responsabilité (sauf faute lourde ou volontaire commises dans l’exercice de son contrat de travail). Plus le directeur de succursale, salarié de la « maison-mère » -ou d’une autre société du groupe éventuellement, a reçu des pouvoirs et des missions étendues, plus sa responsabilité serait susceptible d’être engagée.