La LME (Loi de Modernisation de l’Economie) du 4 août 2008 nous avait annoncé la modification de l’article L .132-1 du Code de la consommation avec la création, par décret, de deux listes de clauses aux articles R132-1 et R132-2 du même code. D’une part la liste « noire » contenant les clauses présumées de manière irréfragable abusives, et la « « grise » avec les clauses *présumées* abusives.

C’est désormais chose faite, avec la publication au JO du décret n° 2009-302 entré en vigueur le 21 mars 2009, soit avec plus de 3 mois de retard.

Le décret supprimant l’annexe blanche dresse la liste de 22 clauses, ou plutôt types de clauses, abusives ou présumées abusives dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou des consommateurs.

Les clauses dites « noires » sont interdites et réputées non écrites.

La liste noire comprend notamment les 12 clauses suivantes, qui prévoient ou ont pour effet :

– l’adhésion du non professionnel, au moment de la signature du contrat, à des clauses contenues dans un document auquel il n’est pas fait référence dans l’écrit qu’il signe (est-ce que cela validerait à contrario la pratique des clauses de renvoi ?….) ;

– la limitation de l’obligation pour le professionnel de respecter les engagements pris par ses préposés ou mandataires ;

– de réserver le droit au professionnel de modifier unilatéralement le prix ou les caractéristiques de l’objet ou du bien à livrer ou du service à rendre, ou la durée du contrat (sauf, dans les contrats à durée indéterminée, à prévenir le non-professionnel dans un délai suffisant pour qu’il soit en mesure de résilier le contrat s’il n’est pas d’accord. De même, il existe une exception en cas d’évolution technique);

– d’accorder au seul professionnel le droit de déterminer si la chose livrée est conforme et/ou d’interpréter les clauses du contrat ;

– de contraindre le non-professionnel à exécuter ses obligations alors que réciproquement le professionnel n’exécuterait pas son obligation de délivrance ou de garantie ;

– de supprimer ou réduire le droit à réparation en cas de retard de livraison;

– d’imposer le mode de paiement par prélèvement automatique, sans autre choix, et sans pouvoir en changer pendant l’exécution du contrat ;

– d’interdire au non-professionnel le droit de demander la résiliation ou la résolution du contrat en cas d’inexécution par le professionnel de ses obligations de délivrance et garantie d’un bien ou de fourniture de service ;

– de reconnaître au professionnel le droit de résilier discrétionnairement le contrat, sans que le non-professionnel ait le même droit

– que le professionnel puisse conserver les sommes versées au titre de prestations non réalisées par lui, lorsque c’est lui qui résilie discrétionnairement le contrat ;

– de soumettre, dans les contrats à durée indéterminée, la résiliation à un préavis plus long pour le non-professionnel que pour le professionnel ;

– de subordonner, dans un contrat à durée indéterminée, la résiliation par le non-professionnel au versement d’une indemnité ;

– d’imposer au non-professionnel la charge de la preuve qui devrait incomber normalement à l’autre partie.

Les 10 clauses « grises » sont celles qui sont présumées abusives.

On trouve dans la liste « grise » (article R.132-2 du code de la consommation) les clauses qui ont pour effet ou pour objet de :

– prévoir un engagement ferme du non-professionnel alors que l’engagement du professionnel est soumis à une condition dont la réalisation dépend de sa seule volonté ;

– autoriser le professionnel à conserver les sommes versées par le non-professionnel lorsque c’est ce dernier qui renonce à conclure ou exécuter le contrat, sans prévoir réciproquement le droit pour le non-professionnel de percevoir un montant équivalent si c’est le professionnel qui renonce ;

– imposer le versement d’une indemnité manifestement disproportionnée au non-professionnel qui n’exécute pas ses obligations ;

– reconnaître au professionnel la faculté de résilier le contrat sans préavis d’une durée raisonnable ;

– permettre au professionnel de céder son contrat sans l’accord du non-professionnel et alors que cette cession entraîne une diminution de ses droits ;

– réserver au seul professionnel le droit de modifier unilatéralement les droits ou obligations des parties ;

– stipuler une date d’exécution du contrat seulement indicative, hors les cas où la loi l’autorise ;

– soumettre la résiliation ou la résolution du contrat à des conditions plus rigoureuses pour le professionnel que pour le non-professionnel ;

– limiter indûment les moyens de preuve à la disposition du non-professionnel ;

– supprimer ou entraver l’exercice d’action en justice par le non-professionnel, notamment en l’obligeant à saisir une juridiction d’arbitrage non couverte par des dispositions légales ou à passer exclusivement par un mode alternatif de règlement des différents.

La grande nouveauté est que désormais, la charge de la preuve est renversée : c’est le professionnel qui devra prouver que la clause n’est pas abusive.

Cela nécessite au préalable, bien entendu, que le non-professionnel ou le consommateur ait justifié que la clause en question rentre bien dans la catégorie des clauses « grises »… Le travail d’interprétation du juge ne disparaît donc pas, et au demeurant l’interprétation garde une place importante à l’égard des clauses « hors liste » soumises au contrôle du juge.

Par ailleurs, notons que l’on retrouve cette pratique des listes noires ou grises de clauses abusives chez nos voisins européens (comme l’Allemagne, les Pays-Bas ou encore le Portugal) même si d’autres (comme L’Autriche, le Luxembourg, la Belgique, l’Espagne ou la Grèce) ne connaissent que le système de la liste noire.

L’actuel projet de directive sur les droits des consommateurs prévoit, et dans un souci d’harmonisation, ce même dispositif de clauses « noires » et « grises ».

Pour nos lecteurs curieux, le rapport d’activité 2008 de la commission sur les clauses abusives, paru le 5 mars dernier, peut être consulté à l’adresse suivante : www.clauses-abusives.fr/activ/ra2008.htm.