Alors que l’Assemblée nationale, après des débats passionnés et houleux, avait enfin réussi à adopter un texte transposant la Directive "Droit d’auteur et droits voisins dans la société de l’information" (cf. La Revue d’avril 2006), voici que le Sénat, conduit à se prononcer sur ledit texte en mai dernier, en a modifié substantiellement le contenu.

Commençons par l’aspect le moins polémique : le Sénat a introduit une nouvelle exception au droit d’auteur dite "exception pédagogique", laquelle permet à compter du 1er janvier 2009, d’exploiter des extraits d’œuvres ainsi que certaines œuvres à des fins exclusives d’enseignement et de recherche, sous réserve du versement d’une rémunération forfaitaire négociée, et de l’absence de tout caractère commercial de l’utilisation des œuvres.

De plus, le Sénat est venu préciser certaines dispositions du texte de l’Assemblée relatives à l’exception en faveur des handicapés, mais également limiter l’exception relative aux bibliothèques, musées et services d’archive (reproduction à des fins de conservation ou de consultation sur place uniquement), de même que celle relative à la presse (reproduction ou représentation dans un but exclusif d’information immédiate en relation directe avec cette dernière).

La question qui a relancé la polémique concerne les "mesures techniques de protection des œuvres".

Alors que l’Assemblée Nationale avait posé le principe de l’interopérabilité de ces mesures, afin de permettre aux consommateurs de lire sur le terminal de leur choix une œuvre acquise licitement, le Sénat, sous la pression notamment des grands éditeurs de logiciels, a supprimé le principe édicté par l’Assemblée et décidé la mise en place d’une nouvelle autorité administrative chargée de "veiller" à l’interopérabilité des mesures techniques et de réguler le nombre de copies privées. Une telle autorité pouvant être saisie par les consommateurs en cas de difficultés d’interopérabilité, ce qui est évidemment beaucoup moins protecteur de ces derniers que la solution initiale consistant à imposer dès l’origine le principe de l’interopérabilité aux éditeurs de logiciels de protection des œuvres.

En raison de la trop grande divergence des deux textes adoptés par les deux chambres, une Commissions mixte paritaire (7 sénateurs /7 députés) s’est réunie afin d’adopter un texte commun.

L’ensemble de ces "rebondissements" ne devrait pas permettre l’adoption d’un texte définitif avant l’été. Surtout si le Conseil constitutionnel est saisi, ce qui paraît vraisemblable…