Si une entreprise A cède des brevets sur des inventions de mission réalisées par ses salariés à une entreprise B qui ne reprend pas les contrats de travail, l’entreprise B peut valablement opposer cette cession aux salariés (et anciens salariés) de l’entreprise A. Par un arrêt du 5 janvier 2022, la Cour de cassation a clarifié ce principe car une ambiguïté résultait d’un arrêt qu’elle avait rendu en 2018 dans la même affaire.

Selon l’article L. 611-7, 1 du code de la propriété intellectuelle, le droit au brevet sur les inventions dites de mission (lorsque le salarié a été embauché pour faire du développement de produits ou se voit confier ponctuellement une mission de développement) appartient dès l’origine à l’employeur qui doit verser au salarié une rémunération supplémentaire. Ces règles méritent d’être rappelées car les praticiens que nous sommes constatent souvent qu’elles sont méconnues, en particulier pour ce qui concerne la rémunération supplémentaire.

Par un arrêt du 31 janvier 2018, la Cour de cassation avait critiqué la cour d’appel de Paris pour avoir rejeté les prétentions de l’ancien salarié contre le cessionnaire du brevet au motif que l’acquisition d’un brevet sur une invention de mission ne confère pas au cessionnaire la qualité d’ayant droit de l’employeur. Le cessionnaire doit-il avoir repris le contrat de travail initial du salarié pour pouvoir lui opposer les règles de l’article L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle ?

La Cour de cassation répond par la négative: le cessionnaire du brevet peut parfaitement, même s’il n’est ni l’employeur ni son ayant droit, opposer au salarié le fait que l’invention objet du brevet ait été une invention de mission. Dans la mesure où l’employeur détenait le droit au brevet sur les inventions de mission dès l’origine, il faut simplement vérifier que la « chaîne des droits » sur le brevet est régulière.

La Cour ne remet toutefois pas en question ce qu’elle avait affirmé dans son arrêt de 2018, à savoir que l’obligation de verser une rémunération supplémentaire ne peut être invoquée qu’à l’encontre de l’employeur.

Pour résumer, le droit au titre est transféré au cessionnaire du brevet mais pas l’obligation de rémunérer l’inventeur salarié.

Cet arrêt met fin à un contentieux initié il y a plus de dix ans à propos d’un brevet portant sur un dispositif de détection des chutes des personnes. La chute étant l’une des premières causes de décès chez les plus de 65 ans, ces dispositifs de sécurité sont l’un des secteurs de la « silver economy » aujourd’hui sous les feux de l’actualité.