« La récréation »
« La récréation », le journal intime tenu par Frédéric Mitterrand pendant son séjour au Palais Royal du 24 juin 2009 à la chute du deuxième gouvernement Fillon en 2012. Ce n’est pas une sotte idée pour vos prochains week-ends pluvieux de lire en diagonale les notes prises par l’ancien ministre de la culture au jour le jour. J’ai relevé pour vous en date du 26 juin 2009 « le fond de l’histoire de notre pays, ce n’est pas la lutte des classes, mais la persistance de la féodalité ». Le 29 juin, il avoue avoir eu la faiblesse de choisir comme directeur de cabinet Pierre Hanotaux, énarque, inspecteur général des finances, ancien cacique de la direction des impôts. Ce jour-là, il évoque l’examen du projet de loi au Sénat sur la restitution des têtes Maori à la Nouvelle-Zélande, thème abordé par Corinne Hersgkovitch et Didier Rykner dans un livre qui vient de paraître sur « La restitution des œuvres d’art. Solutions et impasses ». Le 2 juillet, il note que : « le secrétaire général de la CGT-culture Nicolas Monquaut est un garçon avec qui je partirai volontiers en vacances ; on ferait du camping dans les Vosges, on dégoiserait sur les salauds de patrons en commentant l’Huma, on boirait des bières en parlant de foot et de filles. Je me sentirais heureux d’être avec lui au contact de cette force vitale prolétarienne qui n’a peur de rien, moi qui ne suit qu’une raclure timorée et prétentieuse de la classe des exploiteurs … ».
L’Allemagne est sous les feux de la rampe pour maintes raisons
Le succès de ses exportations suscite des convoitises et des jalousies ; l’écoute du portable de la Chancelière, consternation et inquiétude, alors que le succès électoral d’Angela, la Mutti, suscite jalousie et agacement chez le locataire de l’Élysée, dont la cote de popularité est sous le niveau de la mer.
Des odeurs nauséabondes du IIIème Reich remontent à la surface et incommodent notre odorat, 70 ans après son effondrement. L’arrestation de tel ancien garde chiourme de camps de concentration, centenaire, des découvertes macabres, mais aussi l’exhumation du trésor – peut-être mal acquis – de la famille Gurlitt (près de 1400 œuvres, peintures, aquarelles, gouaches des plus grands artistes du 20ème siècle), dérangent et jettent l’opprobre sur la République Fédérale. La presse s’est fait largement l’écho du procès qui vient de s’ouvrir devant le parquet d’Augsbourg. Il sera intéressant de connaître le verdict et comment le tribunal traitera la question de la prescription et de l’inaliénabilité des œuvres publiques. Ces œuvres auraient été restituées par les Alliés dupés apparemment par Cornélius Gurlitt. Anne Sinclair parviendra-t-elle à récupérer la « Femme assise » de Matisse ayant appartenu à son grand-père ?
Trois livres dont le thème est l’Allemagne ont attiré notre attention
D’abord « Vive l’Allemagne » d’Alain Minc chez Grasset, la « Petite histoire de la germanophobie » de Georges Valance et surtout « Quand les lumières s’éteignent » d’Erika Mann.
Il a été question d’Alain Minc dans la Revue précédente, plus comme plagiaire que comme écrivain. Aujourd’hui, il nous propose un récit de 150 pages sur l’Allemagne sans révélation, ni prouesse littéraire, mais somme toute, une synthèse claire des raisons historiques qui font que l’Allemagne est aujourd’hui ce qu’elle est. Dès la page 1 de l’avant-propos, Alain Minc donne le ton et ne cache pas son « immense admiration pour l’Allemagne d’aujourd’hui ». « L’Allemagne est désormais, à mes yeux, le pays le plus démocratique et le plus sain d’Europe ».
Nous ne pouvons que conseiller à François Hollande de lire cet opuscule, Jean-Marc Ayrault l’a probablement déjà, en tant que germaniste reconnu, élu comme livre de chevet. Minc nous explique l’Allemagne contemporaine en partant de la paix de Westphalie de 1648. Il surfe ensuite sur la Confédération du Rhin, les discours à la « nation allemande » de Fichte, du le bref passé colonial du 2ème Reich. Pour les néophytes des relations franco-allemandes, la lecture de ce petit opuscule assez sobre et somme toute bien fait est conseillée.
La « Petite histoire de la germanophobie » de Valance est un texte beaucoup plus riche et fouillé. Valance, pour expliquer l’Allemagne moderne, commence le 27 juillet 1214, trois siècles avant la bataille d’Augsbourg, certains se rappelleront la bataille de Bouvines où Philippe Auguste a « mis une branlée » à Othon IV, empereur d’Allemagne et à ses alliés flamands et anglais. C’est toujours avec satisfaction que nous comptabilisons les batailles où les français ont eu le dessus sur les anglais ou les allemands. Bien sûr, Valance passe également par le traité de Westphalie, le sac du palatinat par les armées de Louis XIV, la crise égyptienne de 1840, le livre de Friedrich Sieburg « Dieu est-il français ? » publié en 1930 et d’autres événements historiques remarquables.
Je vous avais annoncé un livre exceptionnel que tout le monde devrait lire : « Quand les lumières s’éteignent » d’Erika Mann, la fille ainée de Thomas Mann et la sœur de Klaus. L’histoire du livre est remarquable. Une dizaine de nouvelles qui se passent dans une ville moyenne bavaroise, avant-guerre, sous le règne nazi. Erika, née en 1905, a quitté l’Allemagne dès l’arrivée d’Hitler au pouvoir, exilée d’abord en Suisse, elle a rejoint ensuite avec son frère les États-Unis. Ces nouvelles ont été rédigées en allemand, mais le texte originel a été perdu. Le livre avait heureusement été traduit en américain. Il est amusant qu’une traduction allemande ait été depuis lors effectuée, parue en 2005 sous le titre « Wenn die Lichter ausgehen. Geschichten aus dem Dritten Reich ». Lisez ces 10 nouvelles et votre vision de l’Allemagne d’avant-guerre en sera marquée durablement.
La collection Pinault à la Conciergerie
À ne manquer sous aucun prétexte. Jusqu’au 6 janvier 2014. Ceux qui fréquentent le Palais de Justice – avant son déménagement d’ici la fin de la décennie, si Bouygues et les pouvoirs publics le veulent bien – pourront s’y rendre sans détour. L’exposition est gratuite, mais l’entrée de la Conciergerie est payante ! Le thème : « Crises et enfermement ». Dimanche 10 novembre, lors de ma première visite – je compte bien y retourner – je n’étais pas seul, Manuel Valls, son épouse musicienne et ses gardes du corps étaient sur place. L’un des médiateurs culturels s’est mis totalement au service du ministre et de sa petite délégation. Il ne s’agissait pas de loisir, mais bien d’une activité professionnelle, le ministre souhaitant comprendre les conditions d’incarcération avant et pendant la Révolution. Ses connaissances nouvelles furent ensuite actualisées par la fréquentation des œuvres sélectionnées par Caroline Bourgeois dans la collection de François Pinault, traitant exclusivement d’enfermement. Christiane Taubira était absente et excusée pour ces travaux dirigés. Y-a-t-il un paradoxe entre l’entrepreneur Pinault, la gestion de ses affaires, ses liens avec le Crédit Lyonnais, dont on solde actuellement les 19 milliards de perte, et plus tard avec le CDR et le soutien d’artistes contemporains dont certains ont subi l’incarcération et toutes sortes de forme d’internement ?
Alex Vizorek
Allez au théâtre du Petit Hebertot et passez une soirée avec Alex Vizorek, jeune et talentueux humoriste belge, dans son one-man-show sur l’art. Tous les dimanches à 20h00. J’ignore ce que fait Alex de ses soirées les autres jours de la semaine en-dehors de sa chronique sur France Inter. C’est presque toujours fin, subtil et gai, comme disent les canadiens et les belges.