Cass. Civ. 2e, 5 février 2015, RG n°14-10091, n°14-10092, n°14-10093, n°14-10094, n°14-10095, n°14-10096, n°14-10097

Ces sept arrêts concernent l’indemnisation des préjudices subis par des fonctionnaires de police lors des émeutes de Villiers-le-Bel en novembre 2007. Ils avaient saisi la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions (CIVI) d’une demande d’indemnisation.

La Cour d’appel de Versailles avait accordé aux sept fonctionnaires une indemnité au titre des souffrances endurées, une indemnité au titre du déficit fonctionnel permanent mais également une indemnité au titre d’un « préjudice moral exceptionnel » résultant des circonstances de l’atteinte corporelle.

La Cour d’appel avait en effet estimé que « les fonctionnaires de police se sont trouvés encerclés et agressés le 25 comme le 26 novembre 2007 par des jets de plombs ou de divers projectiles, dans l’impossibilité de se protéger efficacement, en difficulté pour évacuer ceux qui, parmi eux, étaient blessés, les véhicules et notamment ceux de secours étant eux-mêmes la cible des agresseurs et qu’ainsi ces circonstances avaient engendré chez chacune des victimes un sentiment d’angoisse générateur d’un préjudice moral exceptionnel qui devait être indemnisé ; que non seulement M. X… a reçu des plombs au niveau des jambes et des organes vitaux mais son évacuation vers l’hôpital et son séjour se sont déroulés dans des conditions particulièrement difficiles et en outre ces faits ont ravivé le souvenir du décès de son père, également fonctionnaire de police, alors qu’il était en service ; que ce préjudice moral exceptionnel tel que vécu lors du déroulement des faits ne constitue pas une double indemnisation, le déficit fonctionnel permanent du point de vue psychologique ne recouvrant pour sa part que les conséquences postérieures du traumatisme.

La Cour de cassation, au visa du « principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime », casse les arrêts de la Cour de Versailles en jugeant, au contraire, que l’allocation d’une indemnité au titre d’un préjudice moral exceptionnel conduisait à une double indemnisation du même préjudice. La Cour de cassation souligne en effet que « le préjudice moral lié aux souffrances psychiques et aux troubles qui y sont associés étant inclus dans le poste de préjudice temporaire des souffrances endurées ou dans le poste de préjudice du déficit fonctionnel permanent », ce préjudice moral « ne peut être indemnisé séparément ».
Cette solution mérite d’être approuvée.

En effet, elle est conforme aux définitions retenues par la nomenclature des préjudices corporels, élaborée en 2005 sous la direction du Jean-Pierre Dintilhac, alors Président de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, autrement connue sous le nom de « nomenclature Dintilhac ». Cette nomenclature fait aujourd’hui autorité en la matière et est désormais bien maîtrisée par l’ensemble des parties intéressées.

Les souffrances endurées y sont définies comme « toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c’est à dire du jour de l’accident à celui de la consolidation ».

Quant au déficit fonctionnel permanent, il est défini comme «  la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel, ou intellectuel résultant de l’atteinte à l’intégrité anatomo-physiologique médicalement constatable donc appréciable par un examen clinique approprié complété par l’étude des examens complémentaires produits, à laquelle s’ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, normalement liées à l’atteinte séquellaire décrite ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte dans la vie de tous les jours »

Il en résulte ainsi que le retentissement psychologique de l’atteinte corporelle fait bien partie des éléments dont les experts en médecine légale tiennent compte pour fixer le degré de l’atteinte temporaire et permanente.

Contacts : valerie.ravit@squirepb.com